Les petites et moyennes entreprises (PME) sont considérés comme le socle des économies libérales. De fait, c’est un modèle d’entreprise qui a pour particularité d’être accessible avec relativement peu de moyens financiers, viable sur un petit marché, que ce soit en valeur ou en expansion géographique, sensé permettre une gestion rapide et un développement contrôlé.
Dans les faits, le cas qui est fait des PME diffère fortement d’un pays à l’autre. L’Union européenne tente d’uniformiser la situation, tout en relançant la création et en assurant la pérennité de ces entreprises,or même avec ces avancées, la France accuse un retard énorme sur les Etats-Unis, et le manque apparent d’action politique laisse un goût amère à beaucoup d’entrepreneurs actuels ou en devenir. Usine Nouvelle souligne ce mécontentement dans son éditorial du 2 juillet 2008 à travers une opposition entre les voeux des gouvernants et leurs actes.
La faiblesse des lois concernant les PME françaises ne datent pourtant pas d’hier, l’idée de prendre exemple sur le modèle américain est ancienne, et, déjà en 1997, un rapport d’information au Sénat mettait en évidence la force des Etats-Unis à travers leur “engagement très fort en faveur des PME” et l’existence de programmes variés d’aides aux PME” (il s’agit du célèbre “Small Business Act”, datant de… 1953 !), avant de souhaiter leur application en France.
Pourtant, le passage à l’acte est très lent, de petite envergure et incroyablement maladroit (”la LME prévoit de réserver 15% des marchés publics de haute technologie aux PME innovantes”, mais, juge Usine Nouvelle, “si complexe qu’il n’en sortira sans doute rien”). Pourquoi un tel décalage entre nécessité objective et action politique, alors que de nombreuses solutions sont proposées, pour ainsi dire prêtes à l’emploi ?
En analysant un peu les lois mises en oeuvre ces dernières années, il me semble que cela résulte d’un jeu complexe entre nécessité électorale, capitaliste et lobbying des grandes entreprises. Prenons par exemple les lois Dutreuil votées en 2003-2005 (la brochure en pdf ici), les 50 propositions tournent essentiellement autour de la gestion du capital nécessaire à la création d’une PME, avec la mise en place pléthorique de niches fiscales, et oublient la difficulté d’accès au marché pour ces entreprises… C’est une loi purement capitaliste (quelques aides administratives bienvenues sont entérinées, mais rien de bien révolutionnaire), et c’est ainsi ce point de vue qui domine les mesures envisagées et qui engendre la plus grosse partie des coûts d’application de ces lois. Mais quel est l’intérêt d’investir dans une PME dont rien n’assure plus qu’avant la viabilité et la croissance, sinon de profiter des niches fiscales (ce qui revient à faire payer au contribuable non détenteur de capital le défaut de croissance des PME)? Cela aura surtout permis la création de nombreuses PME fragiles, sur lesquels s’appuient les grands groupes pour faire baisser leurs coûts, à travers une sous-traitance systématique.
Puis vient la LME, pur produit d’une logique électorale poussée à son terme par le lobbying intensif la grande distribution. Cette loi va avoir pour conséquence de faire baisser les prix, imposant une taille critique au commerçant et mettant en jeu la survie des PME dont l’activité est de vendre au grand public, et permettant une pression accrue des distributeurs sur les producteurs les plus faibles, c’est à dire les PME… Enfin, les partenariats public-privé (PPP) sont dans leur grande majorité construits de telle sorte que seuls les grands groupe (Bouygues, Vinci, Veolia, etc…) puissent y répondre, de sorte que les PME ne peuvent avoir accès à ce type de marchés, pourtant amenés à se développer fortement. D’une manière générale, un des fondements du Small Business Act est la prise de commande publique aux PME (Les PME américaines bénéficient ainsi, en incluant la sous-traitance, de 62 milliards de dollars de marchés publics, sur les 200 milliards passés annuellement par l’État fédéral), la transcription dans la LME citée ci-dessus n’en est qu’un pâle copie, d’autant qu’elle parait difficilement applicable
L’aide au développement des PME est une condition essentielle à la cohérence du modèle libéral, mais son avilissement aux conditions imposées par l’électoralisme, le lobbying et la priorité donnée au capital semblent en définitive détériorer la bonne marche de ces sociétés et contribuer à la création de monopoles, peu souhaitable dans une société qui se propose d’adopter un modèle libéral. Il est temps de faire preuve d’une réelle volonté politique, puis de passer à l’action.