Après mon précédent billet qui s'intéressait aux inégalités dans le monde, je vous propose aujourd'hui de poursuivre notre petit tour d'horizon par les ravages de la mondialisation heureuse et les inégalités en France, sur la base notamment des publications du laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WID), dont fait partie Thomas Piketty.
Les ravages de la mondialisation heureuse
Deux courbes résument à mon sens parfaitement les ravages de la mondialisation heureuse et les tentations protectionnistes actuelles. La première, ci-dessous, montre que les 1 % les plus riches ont capté 27 % de la croissance du revenu réel par adulte entre 1980 et 2016 !
[ Source : Le Monde ]
La deuxième courbe, appelée courbe de l'éléphant en raison de sa forme particulière, a été proposée par l'économiste Branko Milanovic. Elle place en abscisses les revenus des individus et en ordonnées la croissance du revenu entre 1988 et 2008.
[ Source : Milanovic B. (2016), « Global inequality : a new approach for the age of globalization », Cambridge (Mass.), Havard University Press ]
Elle permet de déduire que les revenus des plus pauvres ont augmenté, en l’occurrence les 2 % les plus pauvres ont connu une augmentation de leurs revenus de plus de 20 %. Au niveau du revenu médian mondial (point A sur la courbe), qui concentre essentiellement les classes moyennes chinoises et indiennes, l'augmentation a atteint 80 % ! En revanche, les revenus des classes moyennes occidentales (point B sur la courbe) ont au mieux stagné si ce n'est baissé sur la période 1988-2008. Et enfin, au point C de la courbe, les individus appartenant au 1 % les plus riches, ont vu leurs revenus augmenter de 70 % sur la période.
Pour le dire simplement, les inégalités se sont réduites au niveau mondial, mais ont augmenté au niveau des pays, parfois dans des proportions dangereuses !
Les inégalités de revenu et de patrimoine en France
Commençons par regarder l'évolution de la part des 1 % et 10 % les plus aisés dans le revenu national avant impôt en France :
[ Source : WID ]
Le graphique ci-dessus démontre au passage tout l'intérêt qu'il y a à avoir un système fiscal progressif, seul capable de limiter la concentration mortifère des revenus...
Au sein de chaque pays, les inégalités de revenus peuvent être appréhendées par l'indicateur de Gini, qui compare l’état de la répartition des revenus à une situation théorique d’égalité parfaite. Ainsi, plus il est proche de zéro, plus on s’approche de l’égalité ; plus il est proche de un, plus on s'approche d'une situation où un seul individu reçoit tous les revenus. Voilà l'évolution de cet indice avant et après redistribution, entre 1998 et 2014 :
[ Source : Natixis ]
On remarquera que le modèle social français, tant décrié, arrive pourtant encore à corriger les trop fortes inégalités de revenus...
Et quant au patrimoine en France, tandis que les 10 % les plus riches détiennent près de la moitié du patrimoine en 2015, les 10 % les plus pauvres n'ont pour ainsi dire rien :
[ Source : INSEE ]
[ Source : WID ]
Là encore, on notera l'inflexion dans les années 1980...
La pauvreté en France
Un individu est considéré comme pauvre, au sens monétaire, lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, généralement fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie. Et sur ce point, les chiffres sont tout simplement alarmants dans un pays riche comme la France, d'autant que parmi les personnes pauvres au sens monétaire nombre d'entre elles travaillent :
[ Source : Observatoire des inégalités ]
Et les autres inégalités
Comme ce billet est déjà bien chargé en graphiques, il n'est pas question de l'alourdir. Et pourtant, pour comprendre le malaise social grandissant dans notre pays (et dans tant d'autres du reste), il faudrait encore évoquer les inégalités salariales entre hommes et femmes, les inégalités scolaires, les inégalités d'accès aux infrastructures, les inégalités d’espérance de vie, les inégalités d'accès à l'enseignement, etc.