Voilà un titre de billet qui fait très « comtesse de Ségur »… Il faut dire que Sophie née Rostopchine occupe une place de choix dans mes lectures d’enfance. Voilà un billet qui attendait au chaud dans mes brouillons depuis un bon moment (au moins deux ans !). Je suis une incurable nostalgique, le genre qui adore se souvenir, donc ce billet se devait d’advenir un jour ou l’autre. Alors quand enfance se conjugue avec lectures, cela donne quoi chez Ellettres ?
Ma grand-mère m’a appris à lire à l’âge de 4 ans dit la légende. Et ma première comédie humaine à moi ce fut l’univers du pays des jouets imaginé par l’incomparable Enid Blyton pour la Bibliothèque rose, au centre duquel s’agitait un petit pantin de bois au bonnet surmonté d’un grelot, propriétaire d’une voiture jaune et meilleur ami d’un vieux sage à barbichette, je parle de… je parle de… ? *Mode question pour un champion ON*
Oui-Oui bien-sûr ! Un enfant ne peut que s’identifier à ce petit personnage parfois pris de frustration, de jalousie ou de colère. Mais qui se dépatouillait de toutes les situations avec toujours une petite leçon derrière mine de rien ! J’ai lu à l’époque tous les (nombreux) exemplaires de la bibliothèque de ma grand-mère, ceux-là même que mon père avait lu avant moi. Il m’a confié récemment (à l’occasion des fêtes pour ne rien vous cacher) que Oui-Oui et le Père-Noël avait été le premier livre qu’il avait lu tout seul et que dans son souvenir, la lecture en avait été ardue mais gratifiante. J’ai exactement le même souvenir !
Peu après, j’ai enchaîné sur le Club des cinq dans la même collection culte. J’avoue être toutefois moins émotionnellement attachée que d’autres à ce quintette de détectives en herbe, mais comment ne pas le mentionner ?!
Je garde une grande affection pour Fantômette, cette petite fille qui se la jouait un peu Superman, l’humour en plus. Ecolière le jour, justicière la nuit. J’aimais beaucoup son personnage fin et déluré (et féminin tout sauf tarte, pour ne rien gâcher !) Récemment j’ai mis la main sur tout un lot de Fantômette dans ma déchetterie (quand la corvée de déchetterie vous réserve des surprises, ou comment revenir aussi chargée au retour qu’à l’aller), j’en parlais sur IG ici.
Vous l’aurez compris, à l’époque, ma plus grande pourvoyeuse de livres était ma grand-mère. D’où la place de choix que tenaient les bons vieux classiques dans ma vie de lectrice junior. C’est ainsi que je dois être une des rares personnes de ma génération à avoir lu l’intégralité des aventures de Bécassine (vous aurez reconnu mon avatar). Cette bonne bretonne au grand coeur attachée au service de Loulotte, la pupille de la marquise de Grand-Air, au début du siècle dernier, me semblait si proche de moi ! Je n’étais pas le moins du monde choquée par le déphasage historique entre l’univers de Bécassine et le mien. Je ne sais pas à qui je me suis le plus identifiée, de Loulotte dont la coupe de cheveux rappelait la mienne, ou de Bécassine dont la témérité aventureuse n’avait d’égale que sa légendaire naïveté…
Je l’annonçais en introduction, la Comtesse de Ségur était comme ma troisième grand-mère quand j’étais petite. Ah, ils ont défilé entre mes mains, les Malheurs de Sophie, les Vacances et autres Petites filles modèles ! Outre cette trilogie culte, mes titres préférés étaient :
- Jean qui rit et Jean qui grogne : ce roman d’apprentissage de deux péquenots montés à Paris, dont la parfaite symétrie dans le bien et le mal était extrêmement jouissive.
- François le bossu : comment vivre en société et être heureux quand on est difforme, grande question.
- Diloy le chemineau : la confrontation presque marxiste entre un pauvre chemineau et une riche et impertinente « péronnelle » (j’ai découvert le mot à cette occasion).
- Le diptyque L’auberge de l’ange gardien/ Le général Dourakine : où l’on découvrait les effrayantes méthodes d’éducation russes.
- Et enfin mon préféré à ce jour, peut-être le plus « mature » de la comtesse : La fortune de Gaspard, autre roman d’apprentissage, très balzacien, d’un jeune paysan qui veut s’extraire de sa condition. J’adorais comment vers la fin il se dépouillait de son ambition avide par amour pour une jeune Allemande… Sehr romantisch.
Il n’y a rien de tel pour combler la pensée magique d’un enfant que de lui faire lire Le pays des trente-six mille volontés d’André Maurois (1928). Suivre ces enfants embarqués dans un pays merveilleux à la Neverland, où ils obtenaient tout ce qu’ils voulaient était un vrai délice ! Puis cela sombrait dans la fable dystopique (mot à la mode). Le retour à la réalité piquait un peu… Je vous invite à lire ce joli texte d’une ancienne lectrice de ce livre.
Un peu plus tard, j’ai tant aimé lire Les patins d’argent (1865) ! Cette fois-ci c’est ma Maman qui tenait absolument à me faire lire ce classique de son enfance. On entrait dans l’univers féérique de la Hollande pétrifiée sous la glace hivernale au XIXe siècle. On se passionnait pour ces courses en patin, et ce frère et sa soeur très pauvres dont le père était affligé d’une terrible maladie… Leur seule rédemption passait par la victoire à une compétition. Ce roman est merveilleux.
Dans le domaine du merveilleux proprement dit, il y avait ce bijou de fantasy anglaise vintage pour les enfants (Ed. Bulle d’or, plus édité) : La princesse et le goblin de George MacDonald (1872). A conseiller aux amateurs de gnomes en tout genre, et à tous les amoureux de la « petite princesse » de Burnett.
Je ne peux pas faire l’impasse sur cette série-culte de mon enfance, lue la première fois pour mes 9 ans. Mes parents me vannent encore aujourd’hui pour ma passion pour la famille Ingalls que tout le monde connaît avec La petite maison dans la prairie. Avant d’être une série TV à succès, c’est une saga en 9 tomes écrite par Laura Ingalls à partir de ses souvenirs d’enfance (édités par la collection Castor poche de Flammarion dans les 1990’s). Allant de sa petite enfance à son mariage, j’étais tellement amoureuse de la vie (pourtant rude) de ces pionniers américains que j’aurais voulu me télétransporter dans le Kansas des années 1880.
J’ai aussi eu ma grande période Jules Verne (mais je crois que je serais incapable d’en relire à l’heure actuelle). Mon préféré absolu était, sans originalité aucune, Le tour du monde en 80 jours (1872). Quoi de plus haletant que cette course autour du globe du plus anglais des Anglais, Sir Phileas Fogg (pour qui la température de son thé pouvait valoir le renvoi de son personnel) et de son valet français Passepartout, poursuivis par le policier Fix ? Je dois à Jules Verne une délicieuse terreur exotique grâce à sa fameuse scène du sati en Inde. J’aimais bien aussi Voyage au centre de la Terre et Les enfants du capitaine Grant.
Combien de fois j’ai pleuré en lisant l’histoire de Rémi Sans-Famille ? Heu, à peu près autant de fois que je relisais les passages où son mentor Vitalis mourait, où ses singes et chiens savants mouraient, et où les mineurs mouraient dans la mine. Hector Malot, cet Emile Zola des enfants. Heureusement, après bien des mésaventures, ça se terminait bien pour lui.
Quand j’essaie de me rappeler un coup de coeur de moi pré-ado, je pense toujours à celui-là. Bonne nuit, Monsieur Tom ! (1998) de Michelle Magorian est l’histoire d’un petit garçon anglais pendant la Seconde Guerre mondiale. Evacué de Londres pendant les bombardements, il est recueilli à la campagne par un vieux monsieur bourru. Entre les deux se tisse une relation d’affection qui prend une teinte tragique quand la mère du garçon veut le récupérer. Un roman inoubliable dont le contexte historique m’avait également marquée.
Un autre must-read, une autre perle, un autre bijou (j’ai de quoi remplir un coffre à trésor). Là je veux vous parler du Club du samedi d’Elizabeth Enright (1941). Une fratrie de quatre enfants new-yorkais à qui il arrive des tas d’aventures après la création d’un club mystérieusement nommé C.E.S.A.R. C’est un récit plein d’humour, à hauteur de personnage, chaque frère et soeur ayant son caractère bien à lui et des préférences affirmées. J’adorais ces frères et soeurs qui arrivaient à fonder un club et vivre des aventures (réalistes) dans la Grande Pomme ! Il n’est malheureusement plus édité en français (mais trouvable d’occasion, édition de 1972). Trois autres romans forment une suite au club du samedi, mais je ne les ai jamais lus.
Allez, encore une perle. Ces dames au chapeau vert de Germaine Acremant (1921), vous connaissez ? C’est l’histoire d’Arlette, une jeune Parisienne moderne envoyée chez ses quatre vieilles cousines, vieilles filles caractérisées par la verdeur de leur couvre-chef et qui vivent dans « le plus vieux quartier d’une des plus vieilles villes du Pas-de-Calais » (merci Wikipédia de me rappeler ce détail). C’est une comédie de moeurs au ton piquant, une satire très drôle de la province, mais ça, je ne me rendais pas trop compte à l’époque. Ce que j’adorais, c’était les histoires de coeur qui s’entrecroisaient avec un certain parfum de mystère, et les piques que s’envoyaient Arlette et l’aînée des cousines, l’autoritaire vieux-jeu Alcide.
Une autre pépite (oui, oui) exhumée de vieux rayonnages poussiéreux : Le cousin du Brésil de Lucie Rauzier-Fontayne (bibliothèque verte, 1966). Elle m’a fait tellement battre le coeur cette histoire d’une rencontre entre deux soeurs menant une petite vie tranquille dans leur mas provençal, et leur beau et fringant cousin tout droit venu du Brésil pour réclamer une part de la succession. Dans des parfums de lavande et de bruyère, je suivais toute émoustillée l’évolution des relations de ce trio digne d’une comédie romantique.
Qui n’a jamais vibré à la lecture des Trois mousquetaires, nan mais allo quoi ?? Qui n’a jamais été transporté par la bravoure, le panache, le sens de la camaraderie de ces trois-là qui étaient en fait quatre ? Qui n’a jamais frissonné devant les méfaits de la vénéneuse Milady et les secrets de famille d’Athos ? Qui n’a jamais été happé par leurs aventures à l’ombre du roi et de Richelieu ? Celui-là, qu’il se dénonce et j’irai le provoquer en duel ! 😂
Pour faire le pendant aux mousquetaires, Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott (1868). Evidemment, moi aussi je suis passée par là. Moi aussi j’ai aimé leur entre-soi féminin pendant que Papa est à la guerre (de Sécession), moi aussi j’ai adoré la rebelle Jo avec ses velléités d’écriture, et détesté cette peste d’Amy. Une autre famille américaine protestante du XIXe siècle comptant quatre soeurs, comme la famille Ingalls… Strange, isn’t it?
Un roman qui a beaucoup compté pour moi : La grand-mère aux loups d’Elisabeth Bourgois (Ed. du Triomphe, 1999). Je me suis laissée dire que le style de l’auteure laissait à désirer. Soit, mais à l’époque, cela ne m’avait pas perturbée. C’est l’histoire d’une famille du nord de la France, centrée sur le personnage de Camille née en 1900, et qui court jusqu’aux années 1990. En lisant ce livre, j’avais l’impression de me prendre le grand vent de l’histoire en pleine figure et le destin de certains personnages me laissait dévastée…
Le prince Eric de Serge Dalens, une saga souvent connue que par un petit cercle abonné aux valeurs du scoutisme, lecteurs de la fameuse collection « Signes de piste ». Un parfum parfois daté mais un souffle aventureux au charme puissant, confinant au mythe, qui m’entraînait sur les traces du blond Eric Jansen, prince de l’île imaginaire de Swedenborg au nord du Danemark, et de son ami scout, le brun Christian d’Ancourt (beaucoup plus intéressant que son compère, si vous voulez mon avis). Des complots, des amis à sauver, des méchants à combattre, le tout saupoudré d’humour (parfois) et de références culturelles, avec pour toile de fond l’Europe des années 1930 : un récit aussi captivant que devaient l’être les romans de chevalerie au moyen-âge, et en fin de compte, un très bel hymne à l’amitié (on passera sur les valeurs parfois franchement vieille France de l’auteur).
Finir sur le Journal d’Anne Frank pour clore cette trop longue liste (des titres me reviennent au fur et à mesure que j’écris), c’est proclamer une fois de plus l’universalité des écrits de cette adolescente hollandaise d’origine juive durant la Seconde Guerre mondiale. Claquemurée avec sa famille dans un endroit secret pour échapper aux rafles nazies, victime de l’inimaginable, certes, mais aussi incroyable que cela paraisse, une adolescente qui rencontrait à peu près le même genre de problèmes que moi à cinquante années de distance, et y répondait d’une manière lumineuse. J’aurais aimé être son amie (ceci est encore valable aujourd’hui).
Dans le genre classique universel, j’ai aussi lu et aimé dans mon adolescence : La Vénus d’Ille de Mérimée, Le roman de la momie de Théophile Gautier, Boule-de-Suif de Maupassant, Le monde perdu de Conan Doyle, Le père Goriot de Balzac, L’archipel aux sirènes de Somerset Maugham et last but not least, Les Misérables d’Hugo. Comme vous le voyez, j’étais branchée sur des livres plutôt « ancien régime », même si au CDI de mon collège j’ai pu dévorer les Marie-Aude Murail, Chair de poule et autres Susie Morgenstern (et Harry Potter prêté par ma copine Rosa). Mais incontestablement, ce sont les lectures listées ci-dessus qui m’ont le plus marquée au niveau émotionnel.
Et vous ? Quels sont les livres que vous lisiez enfant et dont vous vous rappelez avec le plus d’affection ? Avez-vous lu certains de ces livres ?
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