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Une année particulière

Publié le 21 janvier 2018 par Pantalaskas @chapeau_noir

A quoi ressemblera l’année 2018 ? Parmi tous les indices qui peuvent alimenter cette interrogation, nul doute que l’évocation de deux commémorations ne passera pas inaperçue. Le cinquantenaire de mai 68 replace aujourd’hui cette période agitée dans une perspective historique pour beaucoup et une nostalgie persistante pour ceux qui l’ont vécue. Plus discret l’anniversaire de la mort de Marcel Duchamp peut également offrir une réflexion à notre regard sur l’art du temps.Une année particulière
L’intrusion de mai 68 dans le domaine de l’art a bien dépassé le seul cadre de l’espace artistique pour envahir l’imagerie populaire.

Les affiches de mai

Le 8 mai 1968, à l’initiative des élèves architectes, un comité de grève se constitue à l’École des beaux-arts de Paris. Des artistes du Salon de la Jeune Peinture, comme Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Francis Biras, Pierre Buraglio, Gérard Fromanger, Bernard Rancillac ou Gérard Tisserand et des membres de différentes tendances ou courants de gauche et d’ extrême gauche organisent le mouvement : assemblée générale journalière, discussions, décisions collégiales … Le 14 mai, étudiants et artistes impriment une première affiche en lithographie à trente exemplaires “Usines, Universités, Union”. Le même jour, le peintre Guy de Rougemont et le sérigraphe Éric Seydoux, qui maîtrisent cette technique de la sérigraphie, sont chargés de mettre en place un atelier et initient étudiants et artistes à cette technique nouvelle qui permet d’imprimer plus rapidement que la lithographie. La totalité des affiches imprimées atteindra le million.
Pour les artistes, cette période d’activité intense, aura durablement influencé l’implication de leur peinture dans une prise de responsabilité au regard du monde réel. « Les artistes ne sont même plus dans leurs ateliers, ils ne travaillent plus, ils ne peuvent plus peindre parce que le réel est beaucoup plus puissant que toutes leurs inventions » témoigne Gérard Fromanger.

 « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp ».

En mai 1968 il ne reste plus à Marcel Duchamp que quelques mois à vivre. Déjà certains peintres de la Figuration narrative l’ont tué symboliquement une première fois. En 1965, trois artistes qui ont l’habitude de travailler ensemble à des œuvres collectives, Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, réalisent une série de huit grandes peintures intitulées « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp ». La série figure une scène d’interrogatoire policier qui tourne mal, interrompue par trois copies des œuvres les plus célèbres de Duchamp, le Nu descendant l’escalier (1912), l’urinoir intitulé Fontaine (1917), et le Grand Verre (1915-1923).

Une année particulière

AILLAUD Gilles (1928-2005), ARROYO Eduardo (né en 1937), RECALCATI Antonio (né en 1938), Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, 1965,  ensemble de huit tableaux signés collectivement.

On voit l’un des trois peintres en train de frapper Duchamp, ce dernier inanimé sur un fauteuil puis jeté nu dans un escalier. La séquence se termine par un enterrement avec drapeau américain sur le cercueil et, pour tenir les cordons du poêle, trois protagonistes du Nouveau réalisme français et trois autres du Pop américain.
Cinquante ans après la mort de Duchamp et  les soubresauts de mai 68, l’art du temps a beaucoup changé. La peinture n’a pas tué Duchamp. Duchamp n’a pas tué la peinture. Pour autant le monde de l’art a connu un bouleversement radical. Ce qui est désigné pudiquement sous le terme de mondialisation a ouvert un champ libre au luxe planétaire  s’octroyant les attributs de la culture et de l’art.
C’est à ce réel là que les artistes se retrouvent confrontés aujourd’hui.


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