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559ème semaine politique: l'efficacité honteuse d'Emmanuel Macron

Publié le 20 janvier 2018 par Juan
559ème semaine politique: l'efficacité honteuse d'Emmanuel Macron

Où l'on parle des premières bourdes de l'année de Jupiter, de son story-telling sur l'immigration mis à mal par ses proches. Et de sa première capitulation heureuse.


Il y a des étrangers que Jupiter adore. Lundi, séminaire au Château de Versailles. Jupiter invite quelque 140 CEO participants au sommet de Davos, des "global leaders ", à faire une halte en France pour rencontrer le gouvernement. "Jupiter aime recevoir en son Olympe" commente un autre journal, gauchiste, La Tribune. Le Château est privatisé pour la journée et la soirée, ue quinzaine de ministres seront présents pour 6 réunions "thématiques". On nous promet 5 grandes annonces, pour un milliard d'euros d'investissement en France
559ème semaine politique: l'efficacité honteuse d'Emmanuel MacronCroyez-vous qu'il ferait de même avec des responsables syndicaux européens avant une réunion au sommet de l'OIT ? Que nenni. Jupiter choisit ses invités et ses causes. Il a baptisé ce sommet de génuflexion patronale "Choose France". Macron a déjà supprimé l'ISF (sans contrepartie, dans un pays, la France, où les riches sont déjà les plus riches d'Europe), allégé l’impôt sur le revenus des traders, fait passer ses ordonnances Travail, mais il a encore quelques cadeaux comme cette exonération de cotisations sociales pour les salariés étrangers des entreprises qui investissent en France. Puis Jupiter ira à Davos, "cette grand-messe du capitalisme mondial" commente le Figaro (sic!), "souvent critiquée pour son uniformité idéologique en faveur du libre-échange et de la dérégulation des marchés".
Il y a des étrangers qui n'ont pas cette chance. Ils "n'apportent" rien: pas d'usines, pas d'investissement, pas de capitaux. Ils n'ont droit à aucun sommet, aucun tapis rouge, et certainement pas une réception au Château de Versailles. Pire, la France leur doit beaucoup, une partie de son Histoire, son honneur. Depuis quelques décennies, ces étrangers sont des bouc-émissaires faciles. Loin de rompre avec "le monde ancien", Jupiter durcit la politique d'une droite furibarde disqualifiée dans les urnes, jusqu'à attaquer les fondamentaux du droit d'asile, une politique qu'il tente de cacher, maladroitement, sous des discours lénifiants.

Depuis une semaine, ministres et député(e)s jupitérien(ne)s tentent d'expliquer qu'il y a un immense malentendu sur cette politique migratoire. Non, nous assure-t-on, la police ne harcèle pas les migrants pour les décourager. Non, crie-t-on sur tous les plateaux, la France ne renie pas son devoir d'asile. "La circulaire Collomb c'est une exigence de dignité" explique ainsi, sans rire, la ministre de la justice Nicole Belloubet sur France inter. Mieux encore, on nous assure qu'il s'agirait d'être "plus efficace" pour "mieux accueillir" hommes, femmes et enfants fuyant la guerre et les persécutions. En novlangue macroniste, réduire les délais de dépôts d'un dossier d'asile et de recours en cas de refus, et, "en même temps", prolonger les durées de rétention, c'est une "exigence de dignité".
Cette semaine, à son tour, Macron plonge dans la mêlée. Le spectacle est rodé. A Calais, Jupiter allait nécessairement rassurer les inquiets et contredire les menteurs. Il n'en fut rien, bien au contraire. Jupiter lui-même a dynamité son propre story-telling concocté à l'Elysée.
Jupiter fait son show, chaud et froid. Souvent glacial. Il arrive dans le Calaisis, se fait filmer avec un réfugié soudanais, père de famille dans un Centre d'accueil et d'examen de situation (CAES). Il lui explique, en anglais, que la France accueillera les réfugiés de pays en guerre, mais "ne peut accueillir ceux qui viennent de pays en paix". Curieuse formule, première bourde... L'asile version jupitérienne se rétrécie-t-elle aux réfugiée(e)s des "pays insécures" ? Jupiter prend à son compte cette odieuse version qui définit le droit à l'asile non pas en fonction de la situation des réfugiés mais de leur pays d'origine. La Russie ou la Turquie ne sont-elles pas en paix ?
A Calais, Jupiter rencontre aussi quelques associations. Plusieurs le boycottent - dont Médecins du Monde et l'Auberge des Migrants. Rendez-vous manqué et seconde bourde, Jupiter s'agace et coupe la parole du représentant de Human Right Watch France: "les gens qui ont fait le choix de ne pas être là, ils font le choix de ne pas dialoguer".

"On a considéré qu'on allait perdre notre temps." L'Auberge des migrants, à propos de la visite de Jupiter à Calais.

Loin de paraître apaisant, ou de venir pacifier une situation tendue qui lui a aliéné jusqu'à des très proches, Jupiter se fait cinglant et arrogant: au Secours Catholique lui reproche, en face, la circulaire qui autorise le tri des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, Macron perd contrôle: "Les gens qui parlent de rafles, les gens qui parlent de police sont mensongers et indignes du débat." Il n'écoute pas le fond des arguments.
Il n'écoute pas davantage les propos de Jacques Toubon (quel gauchiste celui-là!) qui, 2 jours plus tard, explique que le Défenseur des Droits donne deux mois au gouvernement pour retirer cette circulaire qui bafoue le caractère sacré du droit d'asile, l'inviolabilité des lieux d'hébergement d'urgence et même les règles de fichage de la CNIL.
Jupiter rencontre gendarmes, policiers et pompiers. Leur apporte son soutien. Et nie les accusations de violences et de harcèlement policiers contre les migrants. Pourtant associations et migrants interrogés par la presse qui se presse sur place confirment. Pire, des anciens proches du jeune monarque dénoncent dans une tribune publiée le jour même dans le Monde: "Votre présidence se plaçait sous les auspices d'un humanisme responsable et assumé. Nous nous sommes hélas réveillés dans un pays où l'on arrache leurs couvertures à des migrants à Calais. Où l'on lacère leurs toiles de tente à Paris. Où l'on peut se perdre, pieds et mains gelés, sur les pentes enneigées de la frontière franco-italienne. Où des circulaires cherchent à organiser le recensement administratif dans les centres d'hébergement d'urgence."
Devant ces policiers et gendarmes, qui forcément ne mouftent pas - réserve oblige - Jupiter déploie son arrogance. Du haut de sa petite estrade, il livre une violente attaque contre les associations. Pourquoi n'a-t-il donc pas profité de sa rencontre avec les dites associations pour leur dire cela en face ? Le courage macroniste excelle ... mais à distance de l'adversaire. Nouvelle charge, il annonce que les associations seront prochainement interdites de délivrer des repas aux migrants, la tâche en reviendra à l'Etat: "je ne veux plus que nous sous-traitions l'aide alimentaire à des associations qui l'utilisent pour faire prospérer de fausses informations." C'est dit. Il poursuit: "Il y a une contre-vérité qui prospère : il y a des gens qui conseillent aux migrants de rester à Calais, de ne pas se faire enregistrer, de ne pas se laisser prendre leurs empreintes. C'est contraire à l'ordre public. On sera intraitable." Seconde salve, Macron attaque encore ces associations qui "encouragent ces femmes et ces hommes à rester là, à s’installer dans l’illégalité, voire à passer clandestinement de l’autre côté de la frontière, elles prennent une responsabilité immense. Jamais, jamais, elles n’auront l’Etat à leurs côtés".
Jamais, jamais sauf du temps de Sarkozy, un président de la République n'a-t-il livré pareille charge contre des associations humanitaires.
Jeudi, Jupiter poursuit sa séquence migratoire avec Teresa May, la première ministre britannique. Au Royaume Uni, il signe un nouveau traité sur les migrants. Nos voisins britanniques s'engagent à accueillir près de 480 mineurs clandestins dont la famille réside Outre-Manche (sans fixer de date), et à réduire les délais de traitement des dossiers de demande d'asile des migrants ("de six mois à 30 jours pour les majeurs", et "de six mois à 25 jours pour les mineurs non accompagnés"). Voici la seule pièce positive, quoique encore floue, de ce spectacle élyséen.
De retour à Paris, on apprend que le directeur de la rédaction de l'Obs, responsable de cette une sur un Macron entouré de barbelés, est menacé.
Sanction présidentielle ?  
On comprend pourquoi Macron agit ainsi sur le sujet migratoire. Depuis que sa politique s'est révélée dans les faits pour ce qu'elle est - une politique de classe, libérale en économie, généreuse avec les plus riches, cinglante avec les étrangers ou les fragiles, la cote sondagière du jeune monarque remonte. Il prend à droite, toujours plus à droite. Le socle politique de la macronista se solidifie ... à droite.
Loin de servir l'exigence la plus élémentaire de dignité républicaine, Macron court après une opinion publique (supposée) majoritaire qui serait indifférente ou hostile au sort des réfugiés. 
C'est une posture efficacement honteuse.
Ami(e) macroniste, qui es-tu?


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