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Le Tour de France par deux enfants. Episode VIII) Rhône-Alpes.

Publié le 03 juillet 2008 par Herbertlegrandkhan

Rappel : Les chapitres précédents du tour de France : Picardie, Normandie, Bretagne, Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Rousillon sont accessibles dans la catégorie “Voyages” (à droite) ou en cliquant sur ce lien.

CHAPITRE VIII.La région Rhône-Alpes.

Fuyant la vindicte du Clan perpignanais, Marcel et Joseph atteignent les confins du Gard et les berges du Rhône. Ils aimeraient fuir en direction du Levant, mais la traversée du fleuve est dangereuse. Les eaux tumultueuses dansent comme les flots de feux descendant d’un volcan. Les barques à fond plats utilisées par les autochtones sont ballotés comme des coquilles de noix dans un torrent de montagne. Bien sûr, ils pourraient traverser à la nage, mais des silures de la taille d’un requin entrainent régulièrement les imprudents dans les abysses. Enfin, les deux frères sont toujours escortés du chat Kâal, qui déteste l’eau. Ils décident finalement d’emprunter un pont. Un humble péon des environs leur annonce que le meilleur moyen de traverser le fleuve est de remonter à Lyon, en direction du Nord. Ils suivent donc l’étoile polaire en courant d’un pas alerte le long des berges, pourchassés par les sbires encagoulés du Clan. Contrairement aux dires du paysan, il existaient d’autres ponts utilisable avant la confluence de la Saône. Après deux jours de course, ils arrivent aux portes de la ville de Montélimar, mondialement connue pour ses silex taillés à l’époque du moustérien, environ 50 000 ans avant notre ère. Sans nouvelle de leurs poursuivants, ils décident de prendre un peu de repos bien mérité. Chaque été, le Lycée Alain Borne de Montélimar offre des cours de rattrapage pour apprendre à tailler les silex, faire du feu et tanner les peaux. Les deux frères s’inscrivent sous une fausse identité afin de tromper les assassins du Clan. Le formateur est très impressionné par la qualité de leur travail. Joseph commence à pavoiser : « Vous savez, en Picardie, on apprend à faire ça dès la maternelle. Et puis j’ai été champion de rugby, je sais tanner les peaux… » Hélas, après quelques jours de sérénité, la cruelle course poursuite devait recommencer. Les deux Picards dormaient paisiblement dans le dortoir de l’internat. La nuit profonde s’était installée, entourée d’un silence absolu et inquiétant. Soudainement, Kâal sonna l’alarme et se mit à caqueter comme les oies du Capitole : un grand homme noir en pyjama s’avançait à pas de loup. Les deux frères bondirent sur leur assaillant et l’assommèrent à coups de polochons. (Ils tapèrent longtemps, longtemps…) Vérification faite, il s’agissait seulement d’un stagiaire burkinabé qui s’était levé pour pisser. Qu’à cela ne tienne, il était temps de partir. Avant le petit jour, il avaient rassemblé leurs affaires et jeté Kâal sur l’épaule pour reprendre la route.

Après la Drôme, ils traversèrent à nouveau le fleuve pour aller en Ardèche. « Maintenant, le premier qui s’approche, je lui colle un marron, déclara Joseph avec une férocité de pongiste chinois. » Pour égarer leurs poursuivants, ils s’engagèrent dans les sentes montagneuses uniquement fréquentées des bêtes et des Ardéchois. À mesure qu’ils s’enfonçaient dans la forêt, la lumière se faisait de plus en plus rare. Le vent sifflait dans les frondaisons avec furie, arrachant de temps à autre un bogue de châtaigne qui tombait sur la tête de Marcel. À chaque impact, ce dernier poussait le grand hurlement de ralliement des picards et donnait un grand coup de tête dans le tronc d’arbre le plus proche, qui avait pour effet de faire tomber de nouvelles châtaignes sur la tête de son frère qui recommençait le même rituel etc. … Si le Cucul Clan Perpignanais surveillait la région par les airs, ils auraient identifié la position des deux frères au tremblement des frondaisons. Après plusieurs heures d’une pénible progression, Marcel et Joseph arrivèrent dans le village de Saint-Maurice d’Ardèche. Du haut d’un tertre qui dominait les berges de la rivière, ils purent contempler les embarcations sans nombre qui dansaient sur les flots d’amont en aval. Avec la vallée du Rhône, l’Ardèche est un des plus grands axes fluviaux d’Europe. Chaque jour, été comme hiver des milliers de touristes hollandais descendent la rivière en canoë pour vendre du Gouda dans le midi.

Les caravanes de marchands hollandais transportant le Gouda sur l'Ardèche.

Vincent Van Gogh, le célèbre peintre avec une seule oreille était d’ailleurs un ancien marchand de Gouda. C’est au cours de ses voyages qu’il a découvert la Provence et le Midi. Les deux Picards décident d’emprunter un canoë, tiré par des haleurs pour remonter la rivière. Ils longent la ville d’Aubenas, jadis fief des barons de Montlaur. Douillettement allongés sur une litière, ils observent les ânes tracter le canoë dans les remous de l’Ardèche. C’est bien un sport de feignant. À l’approche du pont de Labeaume, Marcel est arraché à sa demi-torpeur par les cris d’un homme. Bon sang ! Un baigneur est en train de perdre pieds dans un trou d’eau. Marcel pousse le cri de Tarzan et plonge au secours de cette âme en peine. Il ramène sur la berge un grand nageur noir au corps musculeux. Après avoir retrouvé son souffle, l’homme dit s’appeler Traore, chasseur d’hérétique du Clan Perpignanais. Par Toutatis ! Marcel venait de sauver l’homme qui devait les arrêter… Reconnaissant pour son sauvetage, ce dernier décida d’abandonner la poursuite. « Retournez dans la vallée du Rhône dit-il, et allez en paix. Que le grand chat Kâal vous protège. »

Ils marchaient désormais le cœur léger sur les chemins poussiéreux de l’Ardèche. “Où aimerais-tu aller ?” demanda Marcel à son puîné. “Je veux aller à Vienne, dans l’Isère, pour manger des viennoiseries !” Quand ils étaient plus jeunes, leur père aimaient raconter la pâte légère et croustillante aux éclats mordorés des brioches viennoises, des mystérieux chaussons aux pommes caramélisées, les pains de seigle aux raisins doux… Joseph mâchait son pain à la farine de betterave avec des larmes dans les yeux, puis il s’endormait sur sa paillasse…

Vienne, sous-préfecture de l’Isère, n’est pas à proprement parlé la capitale des viennoiseries. (La seule création purement viennoise serait le croissant, inventé exactement en 1683 quand un janissaire ottoman a montré ses fesses dans une réunion de la guilde des boulangers.) La région possède néanmoins une grande spécialité qui fit sa réputation depuis le Moyen-Âge. L’Abbaye de Saint-Antoine, située dans les environs de Vienne abritait depuis le XIe siècle un hôpital dédié aux victimes du “mal des ardents” ou maladie de l’ergot de seigle. Cette maladie était due à un champignon parasite qui contaminait le seigle dont les paysans se servaient. Au début, le paysan connaissait des effets hallucinogènes assez proches du LSD suivis d’une vasoconstriction artériolaire dans les membres qui pouvait entraîner dans les cas les plus graves une amputation. (Je précise cela pour les consommateurs de cannabis qui voudraient se lancer dans un produit alternatif et prometteur.) Saint-Antoine, patron des ergotiques était dévoué à ces pauvres paysans. Pendant leur séjour, les paysans étaient soignés et nourris avec du pain blanc (au froment) et leur état s’améliorait “miraculeusement”. Pour ceux qui arrivaient trop tard, les moines avaient pour habitude de récupérer les membres tombés pour les revendre en ex-voto. (Authentique. Je ne me permettais pas d’écrire des conneries ici) Marcel et Joseph, fils de la Picardie, sont charmés par ces coutumes. “C”est vachement plus sympa que les viennoiseries !” S’exclame Joseph. Les bras chargés de souvenirs, il repartent en direction du nord, au grand damne de Kâal qui doit abandonner son os.

L’escale iséroise fut exotique et rafraichissante, mais les deux frères n’étaient pas au bout de leurs surprises car l’étape suivante n’était autre que Lyon, l’auguste capitale des trois Gaules. Contrairement aux idées reçues, ce titre n’a rien à voir avec la pornographie, par ailleurs florissante dans l’agglomération. Lyon, est appelée ainsi en raison de la fabrique des cannes à pêche qui débuta ici sous l’Empire Romain. La villes est fondée en 43 avant notre ère par le consul Munatius Plancus, un fidèle de César. La ville se développe rapidement grâce au commerce fluvial, tirant partie d’un site extraordinaire à la confluence de la Saône et du Rhône. Les Romains implantent également la charcuterie, la pétrochimie et le foot, qui sont aujourd’hui encore les trois mamelles de la région lyonnaise. Étant donné la faiblesse du réseau urbain national, une fabrique d’andouillette et une grosse raffinerie ont suffit à faire de Lyon la deuxième métropole du territoire. C’est d’ailleurs la seule métropole française à avoir atteint un rayonnement européen puisque le saucisson lyonnais est presque aussi connu que la saucisse de Francfort. Les deux frères apprécie l’atmosphère et l’architecture du vieux centre médiéval. Les bouchons sympathiques aux odeurs d’andouillettes, les traboules pittoresques aux odeurs d’urine et les murs de pierres qui se reflètent dans le fleuve. Tout le centre a été classé par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, comme le centre du Havre. “Finalement, je préférais le Havre.” Affirma Joseph avec un air pensif de soiffard australien devant un verre de bière. “Ne serait-il pas opportun de retourner en Normandie pour voir la différence ?” Marcel était aussi sceptique qu’une fosse, mais il ne voulait pas contrarier son jeune frère. Ils repartirent donc en direction du septentrion pour aller admirer les barres d’immeuble de Haute-Normandie.

Au nord de Lyon, ils parcoururent avec plaisir les riches terres du Beaujolais. Le mois d’août s’achevait avec indolence. Les vignerons grumeleux des côtes commençaient à vendanger les raisins lourds et sucrés, mûris sous le soleil estival. Les deux picards, dont l’oeil et le nez brillent à la seule évocation du vin furent conviés à fêter le doux nectar dans la joie et la bonne humeur. “Goûtez-moi cette merveille !” S’exclama un sympathique vigneron en tendant son verre. “Ce bourru sera la colonne vertébrale du futur Beaujolais nouveau.” Joseph porta le calice à ses lèvres et sa glotte trésauta comme celle d’un nouveau né à l’heure du sein. Tout à coup, il poussa un long hurlement de rage, se prit la gorge à deux mains et se mit à genoux. Son visage était écarlate et des larmes embuaient ses yeux. “Vous n’aimez pas ?” S’inquiéta sincèrement le vigneron. Mais Joseph était incapable de parler. Il se mit a courrir en criant et son frère lui emboîta le pas avec Kâal qui courait derrière.

Quant Joseph ralentit le pas, ils se trouvaient aux portes de la région Auvergne. Un grand panneau érodé souhaitait la bienvenue aux improbables visiteurs : “Ici commence l’Auvergne, ici finit la France.”


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