Maman Meyer est une brillante intellectuelle, un brin artiste, qui a comme amis Auguste Rodin, Marie Curie, Thomas Mann, Albert Einstein et Eleanor Roosevelt. Militante politique pour les républicains, bohémienne dans son attitude, Agnes Elizabeth Meyer, mère de Katharine, travaillera même comme journaliste pendant un certain temps, travail très peu commun pour les femmes dans les années 20-30. Katharine a 3 soeurs et 1 frère et grandissent dans une maison si grande qu'on en parle comme d'un château à Mount Kisco, près de New York. La famille a aussi une maison à Washington D.C. et les enfants ne voient pas beaucoup leurs parents qui vivent une vie fort active.
De toute manière Katharine et sa mère ont des relations tendues. Maman est très négative et extrêmement condescendante à son égard et la confiance de Katharine en elle-même, en souffrira.
Katharine travaillera dans un journal de San Francisco avant d'entrer au Washington Post de son père en 1938. Deux ans plus tard, elle épouse Philip Graham, un gradué de Harvard, commis de justice à la cour suprême. Si Katharine a peu confiance en elle, Philipe en a pour deux et est très intense. Entre 1943 et 1952, ils ont ensemble 4 enfants, une fille d'abord, puis trois fils.
Le père de Katarine vend le Washington Post à son gendre, Philip, à 70% et à sa fille Katharine, à 30%. En 1946, la transaction est finalisée et Philip en devient le nouveau propriétaire en chef. Graham a seulement 29 ans. Katharine n'est pas outrée par le fait que papa ait donné plus de part à son gendre plutôt qu'à elle. Elle connaît ses forces et ses faiblesses et diriger un journal n'est pas dans ses cordes. Quand Meyer décède, Philip prend sa place comme président de la Washington Post Company qui prendra de l'expansion en acquérant des stations de télés (industrie naissante) et des magazines dont le Newsweek.
Le couple Graham devient vite un couple important dans les cercles sociaux de John F. & Jackie Kennedy, Robert Kennedy, Lyndon B.Johnson, Robert McNamara, Henry Kissinger, Ronald ou Nancy Reagan. Cette proximité des Graham, entre journaliste et politicien, serait de nos jours inacceptable.
Philip se bat contre la maladie mentale. Et dans ses excès de dépression, il est brutal verbalement envers Katharine, victime beaucoup trop accessible. À Noël 1962, Katharine découvre que Philip la trompe avec une journaliste australienne du Newsweek. Le couple se prépare à divorcer. Mais dans l'année qui suivra, Philip vivra une psychose en direct en conférence de presse, où il s'affiche avec sa nouvelle compagne. Il y fait des déclarations peu cohérentes, provocantes, il révèle même que JFK trompe Jackie avec Mary Pinchot Meyer. Il s'effondre mentalement au vu et au su de tous. On le sort en camisole de force et il est séquestré et soigné pendant 5 jours, en psychiatrie au Maryland. On lui accorde un weekend de sortie en août où il choisit de se loger une balle dans la tête.
Katharine est veuve. Elle ne se remariera plus jamais. Elle devient patronne unique du Washington Post et en est fait présidente 4 ans plus tard, en 1967. Elle sera la première présidente directrice générale de compagnie (Le Washington Post) à se trouver parmi les 500 fortunes les plus influentes des États-Unis. N'ayant aucun modèle dans son métier (étant la première) elle a beaucoup peiné à se faire prendre au sérieux dans ce monde d'hommes. Se liant d'amitié avec Warren Buffet, qui la conseille en affaires, elle engage le coloré et véritable bulldog Ben Bradlee comme éditeur en chef. Décision formidable de sa part qui changera tout dans son pays.
Quand Daniel Ellsberg, qui a travaillé sur les Pentagon Papers, dossiers qui couvraient les faits dans l'implication des États-Unis à la Guerre du Vietnam, faits cachés aux médias Étatsuniens et qui révèlent même une demie tonne de mensonges, choisit de rendre public ce qu'il sait, il envoie tout ça au New York Times. Il est diffusé dans le NYT par bribes en 1971, et ça a l'effet d'une bombe. Le gouvernement des États-Unis, qui parait affreusement mal, intervient et fait interdire les publications au Times par le biais d'une injonction de la cour suprême. En juin, le journaliste Ben Bagdikan du Washington Post commence à publier ses propres infos sur le sujet. Ellsberg lui en a aussi glissé quelques uns. Une nouvelle injonction est émise, mais Graham refuse bravement de s'y soumettre. La cour d'appel lui donnera raison. Le Washington Post devient un journal de grande importance à partir de ce moment-là.
Trois ans plus tard, le scandale du Watergate sera aussi dévoilé dans les pages du Washington Post. Et rend le Washington Post incontournable dans l'information aux États-Unis.
Graham, qui n'avait aucune prédisposition pour être présidente de ce journal, y sera pour beaucoup.
Elle y sera pour beaucoup aussi dans la résignation du président Nixon.
John Mitchell,
Graham aurait eu 100 ans l'an dernier. Une année où on attendait une première Femme présidente.
Mais avons eu un porc Misogyne Et Raciste, Discriminatoire, Intransigeant Et Représentatif à la place.
Voilà pourquoi Steven Spielberg et son équipe ont repoussé la sortie du film The Post, racontant l'épisode des Pentagon Papers, Meryl Streep y incarnant la remarquable Katharine Graham.
Le film est en salle depuis vendredi.
Et reste nettement d'actualité avec toute l'odeur de merde qui se dégage de la Maison Blanche en ce moment.
Le journalisme écrit est peut-être en train de mourir, mais le vérité triomphera toujours.
Ses héros aussi.
Les années de mensonges doivent encore et plus que jamais cesser.
Katharine était à la tête des justes qui les ont freinées, pendant un temps.