Je vais vous raconter une histoire ordinaire. Celle de deux gars qui font leurs emplettes. D'un petit accident et de son issue, épatante et banale à la fois.
Les publications rageuses sur Twitter, Facebook etc inondent la toile. Le journaliste prend cette parole aigre pour évangile et son lecteur pour un consommateur. Tout le monde pousse son petit cri indigné. Sans recul, sans nuance, sans vérification. Rien ne va plus dans ce monde de merde, entend-on, lit-on. Je généralise Marylise ?
Ça se discute, mais pas ici. Je passe mon tour sur les polémiques à la mode et laisse les politologues/sociologues de bazar donner leur avis éclairé sur tout et n'importe quoi.
Pourquoi ce préambule ?
On se gargarise, l'écume au bord des lèvres, du train qui n'arrive jamais à l'heure mais évoque-t-on le train qui n'accuse aucun retard, parle-t-on des millions de petites victoires quotidiennes et anonymes sur l'adversité ? Existe-t-il un journal des bonnes nouvelles où l'on s'abreuverait de joies partagées au lieu d'en concevoir jalousie ou ressentiment ? Ou, à tout le moins, des journaux qui accepteraient de donner un point de vue plus nuancé, de relayer plus régulièrement ces minuscules et innombrables initiatives humaines, associatives. De mettre tout le talent et les énormes moyens matériels qu'ils usent déjà à nous faire croire que le monde est désespérant voire irrécupérable, au service de ces bonnes nouvelles, ou des gens imparfaits qui sont heureux imparfaits.
Bref.
Je vais vous raconter mon "train qui arrive à l'heure" du jour.
Armés d'un sac en papier chargé de notre repas emporté de chez Burger King, nous cueillons à la supérette Monop' quatre ou cinq ingrédients afin de nous préparer un repas plus sain pour le lendemain. Parvenu à la caisse, je n'ai pas le temps de poser le sac en papier que, crac, il se déchire, et nos deux gobelets pleins à ras bord de boissons gazeuses sucrées se répandent allègrement dans toute l'allée de caisses. Ni une ni deux, le caissier appelle à la rescousse une collègue qui déboule au volant d'une nettoyeuse de haute compétition, qui aspire notre méfait, lessive et nettoie. Le caissier vient à notre aide, se désole pour notre futur repas un brin trempé alors que nous nous confondons en excuses. Nous transvasons nos sandwiches et frites dans un sac en papier flambant neuf qu'il refusera de nous faire payer. Il nous propose même de nous installer à une de leurs tables pour savourer nos hamburgers, mais nous déclinons poliment l'invitation, réglons nos achats et saluons la jeune femme nettoyeuse et les trois gars du Monop'.
Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que j'ai récemment étrillé Monoprix sur les réseaux sociaux pour une obscure raison. Par acquit de conscience et pour équilibrer le modeste débat, je me devais de féliciter publiquement ces anonymes travaillant pour la marque à l'apostrophe au 114 rue de la République à Marseille.
Aucun grommellement, aucune protestation méprisante quand nous avons salopé leur magasin. Ils n'ont pas sauté de joie mais ils ont su cacher leur déconfiture et nous entourer de prévenance, de gentillesse. Ma moitié et moi-même en sommes restés comme deux ronds de flan, convaincus sur le chemin que nous devions d'une manière ou d'une autre transmettre nos louanges à la direction de ce magasin, par e-mail, ou par la poste. Pour que ce train-ci continue d'arriver à l'heure.