Considérant que la technologie blockchain présente un gigantesque potentiel dans tous les domaines qui requièrent un haut niveau de sécurité et de crédibilité lors de la transmission d'information, par exemple pour les échanges monétaires ou la gestion de vote électronique, la banque centrale mettra en place une infrastructure spécifique destinée à toutes les entreprises, lituaniennes ou étrangères, désireuses de conduire des recherches et/ou concevoir des solutions à destination du secteur financier.
Accompagnée d'un support réglementaire (incluant notamment une assistance sur l'identification des textes applicables), la plate-forme technique, baptisée LBChain, accueillera les projets candidats à la discrétion de la banque centrale, selon des critères qui restent à préciser. Il est vrai que le dispositif n'en est qu'à ses balbutiements : actuellement en attente de confirmation d'une contribution à son financement par l'Union Européenne, son lancement opérationnel n'est pas attendu avant 2019.
Si l'ambition des autorités lituaniennes de faire de leur place financière un espace d'accueil de la FinTech européenne est compréhensible, la méthode retenue pose question, au point de s'interroger même sur la compréhension de la blockchain qu'ont les responsables de l'initiative. Passons rapidement sur les doutes habituels vis-à-vis d'une implémentation privée, poussée ici dans ses extrémités puisque, apparemment, elle est entièrement contrôlée par une autorité centrale, ce qui paraît contradictoire jusqu'à la caricature avec le principe de confiance distribuée du concept originel.
Plus étonnant, la Banque de Lituanie se positionne sur une mise en œuvre technique de sa LBChain mais elle se cantonne à une version expérimentale, dans le cadre de son bac à sable, sans jamais évoquer le moindre passage en production. Or, soit elle n'a pas de visée sur l'industrialisation et les entreprises n'ont alors probablement que faire d'un énième fournisseur de solution logicielle, dans un marché déjà riche, soit elle veut maîtriser les déploiements mais en ne donnant aucune orientation en la matière, elle expose une immaturité consternante, et dissuasive pour d'éventuels candidats.
En prenant du recul, ce cas démontre la difficulté pour les banques centrales – en particulier celles qui, en Europe, voyant certaines de leurs prérogatives naturelles préemptées par la BCE, explorent de nouvelles pistes pour asseoir leur légitimité – à s'inscrire dans le monde « digital » moderne : en complément de leur rôle régalien, elles tentent de prendre pied dans un univers de technologie où elles manquent cruellement d'expertise pour être convaincantes et espérer séduire des « clients ».