Si je me souviens bien, d'après un sondage fait parmi les écrivains anglais, le roman anglophone que ces spécialistes de l'écriture estiment le plus est celui de J.M. Coetzee, Disgrâce.
Mais je tiens à signaler tout de suite que ce n'est par pour ça que je l'ai acheté. Non, non, je ne suis pas sensible aux sirènes médiatiques. (C'est en tout cas ce que je voudrais vertueusement faire croire.)
J'ai lu cet auteur parce qu'un ami dont j'apprécie les goûts me l'avait conseillé. Le bouche à oreille. C'est ce qui, paraît-il, fait le mieux vendre les livres. Dans le cas de Coetzee, il y a quand même aussi le Prix Nobel de littérature 2003.
Disgrâce raconte celle d'un professeur d'université de 52 ans qui enseigne au Cap. Il couche avec une étudiante pour s'offrir une petite aventure et y trouve finalement, à sa grande surprise, un peu de feu.
Ça se termine mal. L'étudiante le dénonce, des irrégularités sont mises à jour, il refuse de montrer de la fausse culpabilité, donne sa démission et va rendre visite à sa fille, dans une ferme. Là aussi ça se passe mal. Trois Noirs les dévalisent avec une brutalité inouïe, violent la fille et tentent de brûler vif le père. Pour pouvoir rester dans sa maison, la fille accepte finalement les offres de son copropriétaire noir, qui a peut-être manigancé le coup.
Il était entré comme « boy » à ses ordres, avait acheté une partie des terres. Il obtient le reste en échange de sa protection. Quant au père, qui était d'un égoïsme parfait (jamais il ne se demande par exemple ce que ressent l'étudiante qu'il a séduite), il finit par aider bénévolement la SPA locale. Il euthanasie avec compassion les chiens dont personne ne veut.
C'est le monde d'après l'apartheid. L'ordre ancien, patriarcal, injuste et brutal, est remplacé par un autre, pas moins patriarcal, pas moins injuste ni brutal. Un roman lucide, pessimiste, cynique, froid et dur. « J.M. Coetzee jette une lumière glacée et crépusculaire sur la nation arc-en-ciel » affirme le 4ème de couverture. On ne peut mieux dire.
John Maxwell Coetzee, Disgrâce, Points Seuil