Quand les nouvelles allégations d'agression de la part de Gilbert Rozon, car il y a longtemps, on l'avait pardonné pour la même chose avec une croupière qui ne risquait aucune carrière en dénonçant les abus physiques qu'elle avait subies de lui, plusieurs humoristes se sont regroupés afin de s'éloigner du nom Rozon.
S'éloigner non pas seulement du nom Rozon, mais du nom Nantel, aussi.
Comme dans Guy Nantel, humorisme.
Non, je ne le qualifie par encore d'humoriste, je préfère en parler comme d'un humorisme. Comme dans la définition médicale ancienne dans laquelle on rapportait aux altérations des humeurs, les traits de caractère et le troubles morbides éprouvés par l'organisme.
Guy Nantel ne me fait jamais rire. Comme des dizaines et des dizaines d'artistes de l'humour, il se réclame d'Yvon Deschamps. Comme on se réclamait tous de Twin Peaks au début des années 2000 dans les écoles de cinéma dans nos projets soumis et comme nos parents se réclament tous des Beatles en tout temps.
Mais personne n'est Yvon.
Personne n'est David Lynch.
Personne n'est Paul John, George ou Ringo.
Le pire joueur de la Ligue Nationale de hockey a beau se réclamer de Wayne Gretzky, il peut encore rester le pire joueur de la LNH si il ne s'invente pas une identité propre. Guy Nantel nous as été présenté une première fois dans La Course Destination Monde (ou une variante du concept), une émission télé où on envoyait des jeunes avec une caméra un peu partout dans le monde pour y tourner une capsule par semaine. Une fameuse émission créative qui nous manque. Guy Nantel avait gagné son édition. Contre toute attente, il avait surpris tout le monde en choisissant de se tourner vers le stand-up comique, alors que les portes télé/ciné s'ouvraient à lui. Il voudra se servir du mot "controverse" toute sa carrière, sans complètement en avoir le réel talent. Un de ses grands faits d'armes aura été de révéler une ignorance certaines chez les jeunes et moins jeunes dans des vox pop que l'on a découvert de mauvaise foi puisque que sur des centaines de réponses à ses questions faciles, on ne gardait que les plus comiques ou outrageantes. Concluant toujours sur des ignorances choisies et savamment calculées. Ce qu'il n'avouera jamais complètement, au nom de la comédie.
Il s'est rappelé à notre mémoire y a pas plus tard qu'il y a quelques mois, quand Mike Ward a manqué de jugement en faisant des blagues sur les parents d'un jeune homme atteint du syndrome de treacher collins, sourd, mais pas aux cruautés. Ward a aussi écorché l'absence de talent du jeune homme. Et questionné le jugement de ses parents sur leurs décisions concernant leur fils. Rien de très joli. Ni gracieux. Ni drôle. Ward a perdu en cour contre la famille de Jeremy Gabriel et Nantel et lui ont co-écrit un numéro qu'ils devaient présenter aux galas des Oliviers, mais qui aura été censuré car il faisait référence au dossier. Ça a fait beaucoup de chichi et comme conséquence, Ward, absent de la soirée, choisissant de se censurer lui aussi du gala, a tout gagné in abstentia parce que la censure, faut pas. Voilà. Nantel a brandi le poing avec les mots lit beurre thé grassement tatoué sur les jointures.
On a tant touché sa sensible corde qu'il a été inspiré pour écrire son show suivant (son dernier) sous le thème a absolu des droits et libertés. Ça s'appelle Nos Droits et Libertés. Non, ce n'est pas un traité de philosophie, c'est un spectacle "d'humour". Où la ligne entre la caricature, l'ironie et le réel message à transmettre est tout ce qu'il y a de plus brouillon. Il se moque des messies et des "preachers" mais termine le spectacle avec de réel conseils pas assez drôle pour ne pas être du domaine du preacher lui-même.
Le malaise est volontaire et souhaité par Nantel. Il savoure les inconforts à la Yvon Deschamps. Mais il brille pâle dans ses décisions. Dans son jugement.
Lors de ce spectacle, il fait allusion à Alice Paquet dans un numéro sur le consentement sexuel. Alice Paquet a été une météore douteuse dans les dernières années sur le consentement sexuel. Il y a peu à rire autour d'Alice Paquet. Je vois mal ce qui pourrait faire rire dans ce qui a sorti autour de sa triste histoire. Alice Paquet a été extrêmement ambigüe sur ses propres désirs. Elle a terni sa cause là. Tout comme Patricia Tulasne ne gagnera pas contre Rozon parce qu'elle a dit "Je me suis laissée faire en me disant, plus vite ce sera fait, plus vite ce sera terminé". Le brouillard est trop opaque.
Mais je m'éloigne de Nantel. Dans la même semaine ou les allégations contre Rozon (re)tombaient, la controverse de son numéro pas drôle sévissait aussi. Des humoristes se regroupaient pour former une nouvelle coalition qui ne serait pas associée à Rozon, et Nantel clamait en faire partie. Ce qui est vrai. Toutefois, son nom a été caché toute la semaine. Biffé des affiches mêmes si il allait se présenter sur scène. Il n'était pas invité à la télé pour parler de ce nouveau regroupement. On ne voulait pas de Nantel.
Trop associé au mauvais jugement qu'on souhaitait justement combattre.
On a choisi de l'ignorer.
La même chose se déroule en ce moment aux États-Unis autour de l'actrice Rose McGowan. McGowan a été une jeune victime du producteur Harvey Weinstein. C'est Weinstein qui l'a révélé dans le film The Doom Generation où elle incarne un personnage assez près de sa vraie personnalité, une femme fatale et dangereuse.
Rose McGowan a un tempérament de feu. C'est une tonitruante activiste. Elle a déjà déclaré qu'avoir été élevée à Belfast, elle aurait très certainement été de la IRA, comprenant complètement leur rage et leur violence. Ça donne une idée du genre. Elle ne sautait pas à la corde, enfant, elle fouettait les gens avec.
Elle a un prénom de fleur mais en transpire les épines.
Quand les horreurs de Weinstein sont enfin devenues publiques, elle a mitraillé son fil Twitter comme Donald Trump en folie (pléonasme?). Elle a accusé l'évident agresseur, mais elle a aussi tiré sur bien des gens. Elle a fait beaucoup de liens tordus sur ceux qu'elle trouvait complice ou qu'elle jugeait qui savaient, mais qui auraient (peut-être) tenté de noyer la chose. Peut-être a-t-elle raison. Mais Twitter n'est très certainement pas la bonne tribune pour en discuter sérieusement. Elle a bombardé son fil en faisant de l'excès de MAJUSCULES et a SéRiEuSeMeNt manqué de jugement en publiant un # de téléphone personnel, ce qui lui a valu d'être temporairement suspendu du réseau. Ce qu'elle a compris comme elle le voulait, comme un (autre) frein à ses cris de dénonciation.
Depuis, elle est toujours en guerre (justifiée) contre Weinstein. N'arrive plus à payer ses avocats, donc vend sa maison. Mais surtout, tant qu'elle crie sur le net, on veut la tenir loin. Au dernier gala des Golden Globes, on a fait grand cas des femmes et de leur unité contre les abus d'Hollywood. On a invité beaucoup de femmes qui ont dénoncé Weinstein. On a jamais appelé, ni invité McGowan.
Elle s'en est plaint sur Twitter.
Refuge TOUJOURS douteux
Elle est devenue abrasive. Même du côté des justes.
Mais elle a aussi été abusée.
Ça fait plus qu'égratigner.
Ça brûle.
Elle était l'une des trois sorcières de la série télé Charmed.
Elle brûle.