Ce qui a fait s'effondre Néron c'est son ardent désir d'immortalité, de reconnaissance mal calibrée.
La plupart de Romains le pensait déséquilibré et savait qu'il avait brûlé le capital impérial national afin de faire construire son Domus Aurea, un temple d'or et de marbre étendu sur des centaines de kilomètres. On raconte qu'il a dansé et chanté, joué de l'orgue sans arrêt, s'assurant de barrer les invités à l'intérieur, afin que l'illusion que la fête restait pleine et totale dure. Rendus à moitié fous par la géométrie débridée de Néron, on dit que plusieurs ont feint d'être morts après plusieurs jours (afin de quitter sur des brancards, hors des murs) et que d'autres ont escaladé les murs pour fuir les lieux.
Chaotique, corrompu, ignorant, paresseux, infantile, grandiloquent, impulsif, narcissique, vaniteux, Donald Trump a tout de Néron. Il a toujours réclamé de l'attention. Maintenant son public, c'est la planète. Avant sa présidence, il réclamait l'attention de TMZ, Fox News, des tabloïds de New York, du National Enquirer. Maintenant Twitter est son crachoir. Sans médiation nécessaire.
En vacances durant le temps des fêtes, il a fait le plein de bile. Il en a profité, chaque matin, avant le golf, pour écorcher à peu près tout le monde, même la science, elle-même, domaine qu'il répudie. Les futurs étudiants se pencheront sur ces rots présidentiels avec autant de fascination qu'on l'a fait pour les frasques de Néron. Afin de tenter de comprendre l'empereur qui aura fait une parodie de l'humanité. Celui qui aura fait de la république un cirque dans un système collectif social rendu nerveux, faible, médiocre, isolé, désadapté partageant les même ténèbres que leur chef. Celui qui aura fait de la vie publique, un monde inversé.
Trump est entré sur Twitter en 2009. On le remarque fin observateur ("Je n'ai jamais rencontré quelqu'un de mince buvant du Coke Diet"). Il utilisait certains faits à de curieuses fins ("Les moulins à vent et les éoliennes sont les plus grandes menaces pour les aigles d'Amérique"). On le sait superficiel ("Barney Frank avait l'air ridicule avec ses mamelles au travers du t-shirt au Congrès, dégueulasse et irrespectueux!") On l'a découvert fastidieux ("quelque chose de très important qui changerait aussi la société pourrait émaner de l'épidémie d'EBOLA et ce serait une très bonne chose: ON NE SERT PLUS LES MAINS!").
Avec le temps, Trump s'est fait une voix à lui, avec des termes récurrents bien à lui comme "Sad!", "Doesn't have a clue!" ou "Dummy!".
Il a aussi fait naître ses propres conspirations fantaisistes, ses fake news avant le terme avec la prétendue conspiration chinoise internationale climatique. Puis avec la prétendue naissance d'Obama au Kenya. Ou avec ses ennemis imaginaires du Sud des États-Unis. Il a aussi inventé des succès comme "Tout le monde raffole et ne parle plus que des matelas Trump!" (les quoi?). Et bien entendu, il s'est fait de nouveaux partenaires en relayant des tweet de MuslimBigot, PizzaGate-Monger ou @WhitegenocideTM.
(cette photo est aussi une fabrication)
Pendant la dernière campagne présidentielle, les proches de Trump ont supplié les gens de ne pas accorder d'intérêt à ses tweets matinaux. Mais pas Sean Spicer, le porte-parole officiel pour la presse de la Maison Blanche, une fois Trump, élu. Il a bien souligné que chaque tweet était une pensée présidentielle officielle.
Les Tweets révéleront davantage un adolescent enfermé dans sa chambre avec sa XBox One, privé de toute autre forme de communication, qu'un président de pays important. Il a de très nombreuses fois cité la très sérieuse source "quelqu'un a dit..." et se fout complètement de l'appareil gouvernemental qu'il ne comprend pas et ne veut pas comprendre. Dans un tweet si alarmant qu'on a parlé de sa sant. mentale tout le reste de la semaine, il a passé à un cheveu de dire à Kim Jong-Un que son pénis était plus gros que le sien. (Il s'est contenté de parler de boutons).
Trump vilifie la république islamique iranienne, mais continue d'admirer la servilité autour de Vladimir Poutine. Celui-ci vient d'accorder le premier round des insultes infantiles à Kim Jong-Un. Trump ne doit pas aimer. En revanche, il doit aimer que Bashar Al-Assad et Nicolas Maduro, deux autocrates, respectivement en Syrie et au Vénézuela, utilisent tous les deux le terme galvaudé "fake news". Au grand étonnement des alliés habituels des États-Unis, dont le Canada et la France, Trump humilie son propre pays et l'affaiblit grandement.
Un livre que je lirai surement, de Micheal Wolff, se vend très bien en ce moment et raconte la première année présidentielle du point de vue des gens de l'intérieur de la Maison-Blanche. De ceux qui ont quitté (Steve Bannon surtout) mais aussi anonymement de ceux qui y sont toujours. C'est un zoo. Trump pensait perdre ses élections, mais faire exploser sa popularité, sa réputation et sa fortune. Il visait un niveau supérieur de vanité. Il l'a trouvé. On l'a fait gagné. Et on vit avec les conséquences depuis. Parlez en aux commerçants canadiens. En guerre absolue contre des agresseurs sans pitié. Les États-Unis sont devenus l'ennemi public mondial #1.
Il n'y a aucun doute autour des capacités du président. Rex Tillerson, le secrétaire d'État, a qualifié son patron de "fucking moron" et n'a jamais nié la chose. Le livre de Wolff est unanime, l'intellectualisme et le caractère curieux de Donald est très très limitée. Il ne vit que d'humeurs. Il y a une atmosphère de chaos à la Maison Blanche qui rend chaque jour plus dangereux pour tous. Le peuple des États-Unis d'abord.
Néron a souhaité vivre assez longtemps pour rebaptiser le mois d'avril Neroneus et la ville de Rome, Neropolis. Il n'a pas réussi. À 30 ans, il a été condamné par le peuple après 13 ans au pouvoir. Il a été déclaré ennemi public #1.
Les scandales sont la cape de Donald Trump. L'obstruction de la justice, son terrain de jeu. La circulation de l'argent dans sa direction, sa couronne.
Il n'est pas clair encore si l'enquête de Robert Mueller amènera celui qu'on appelle le président à témoigner ou à répondre à des questions d'éthique. L'étau se reserre. Paul Manafort, ancien directeur de campagne, a été accusé de trahison. Micheal Flynn, ancien conseiller à la sécurité nationale, a admis avoir menti au FBI sur ses liens avec les Russes. Il collabore à l'enquête de Mueller. Jeff Sessions, son procureur général, s'est récusé contre l'avis de Trump.
Pendant ce temps, on a tous l'impression d'en savoir trop sur le Donald, sur le mal qu'il fait et sur celui qu'il menace de faire jour après jour. Il est inapte à occuper un poste de direction dans un bureau, encore moins dans le plus important des bureaux des États-Unis. Ce n'est même pas un commentaire de l'opposition, ses propres membres de son parti le disent depuis le début de sa mise en candidature.
Le président des États-Unis est devenu la plus grande menace...pour les habitants des États-Unis.