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Je mords mes yeux à les fermer entre ces chants :
ils sont les sons de cosses d’insectes noircies
pliées sur des dents de wapiti dans une canette en fer,
ils sont ailes de goëland se gavant d’air froid
battant dans un sac en papier sur le sol taché d’eau chlorée.
Ils se recroquevillent dans les angles, hérissés de chaumes noirs,
trépignent à travers le plafond du séjour
extirpent chaque brin de nos cheveux par les prises électriques
et peinturent en sable nos tiges dans l’évier de cuisine.
Ils parlent la double hélice
zigzaguent un tronc d’arbre
écorcent les pointes des feuilles dans un ambre fendillé –
ils plantent chuchotements où des cris s’incinèrent en sifflements.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Flood Song (1)
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I bite my eyes shut between these songs.
They are the sounds of blackened insect husks
folded over elk teeth in a tin can,
they are gull wings fattening on cold air
flapping in a paper sack on the chlorine-stained floor.
They curl in corners, spiked and black-thatched,
stomp across the living room ceiling,
pull our hair one strand at a time from electric sockets
and paint our stems with sand in the kitchen sink.
They speak a double helix,
zigzag a tree trunk,
bark the tips of its leaves with cracked amber—
they plant whispers where shouts incinerate into hisses.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009.
Chant du déluge (2)
Pénétrant la vibration du tambour
j’entends la gazoline
s’égoutter le long du décor clôturé
de roseaux par lesquels nous grimpons au travers
et j’enfile mes mains dans des souliers d’océan.
J’accède au chemin de gravier des cygnes étiré sur les senteurs du lac,
enroule cette page blanche sur le point d’exclamation asséné entre nous.
L’orage couché hors de son étui fœtal
redresse ses oreilles d’antilope
et écoute son cœur pulser dans la terre poudreuse
sous les danseurs pulvérisant poussière à leurs chevilles du tonnerre vers la pluie.
Je ne peux arracher mes doigts de la hache
incapable de prononcer un mot
sans l’accent de grand-père clapotant
autour de la pierre lancée dans son matelas s’effilant.
Des années auparavant il aurait nommé cette saison
en aplanissant un champ où les criquets plongeaient dans une fumée noire.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Flood Song (2)
Stepping through the drum’s vibration,
I hear gasoline
trickle alongside the fenced-in panorama
of the reed we climb in from
and slide my hands into shoes of ocean water.
I step onto the gravel path of swans paved across lake scent,
wrap this blank page around the exclamation point slammed between us.
The storm lying outside its fetal shell
folds back its antelope ears
and hears its heart pounding through powdery earth
underneath dancers flecking dust from their ankles to thunder into rain.
I am unable to pry my fingers from the axe
unable to utter a word
without grandfather’s accent rippling
around the stone flung into his thinning mattress.
Years before, he would have named this season
by flattening a field where grasshoppers jumped into black smoke.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009.
Chant du déluge (3)
Un corbeau claque bec continuellement :
le passé est un flou barbouillage rouge quadrillé au néon ;
sur la voie vers le sud,
vitres abaissées,
tu enfournes des granules d’air en conserve
ainsi qu’un océan dessus les dunes de sable,
par delà la langue de lune déclinante sur le tableau de bord
afin de plisser l’horizon
entre pétales de neige ciselée.
Des oiseaux bleus trillent des cailloux de glace depuis leur estomac
et s’écrasent
leurs ailes lourdement encrassées
par la boue sombre d’un ciel métal-fusil,
sur les bandages de la terre
frissonnant de froids maléfices et convulsions
dans le marché
sous une avalanche de pommes.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Flood Song (3)
A crow snaps beak over and over again:
the past is a blurry splotch of red crosshatched with neon light;
on the drive south,
windows pushed down,
you scoop pellets of canned air
and ocean across sand dunes,
across the waning lick of moonlight on the dashboard
to crease the horizon
between petals of carved snow.
Blue birds chirp icy rocks from their stomachs
and crash
with wings caked heavy
with the dark mud of a gunmetal sky,
to the earth’s bandages
shivering with cold spells and convulsions
in the market
underneath an avalanche of apples.
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009.
Chant du déluge (4)
Une buse à queue rousse râcle de son bec le mur en grès.
Pluie d’étincelles coulissant dans le ciel matinal.
Tu crois que cette bouteille creusera un canyon
éclairera une piste
martelée de mains gantées
tandis que tu inhales la terre le vent et l’eau
par le gicleur de carburant
à la fin de la piste,
un épieu de silex fiché dans le commutateur à clé.
Tu penses que tu peux retourner à l’endroit
où ta mère étendait ses manches au devant de la houle
disant : “Nous voici revenus
par la route couverte d’une neige vidéo
nous sommes revenus ici
le chant s’abat.”
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
A red-tail hawk scrapes the sandstone wall with its beak.
A shower of sparks skate across the morning sky.
You think this bottle will open a canyon wall
and light a trail
trampled by gloved hands
as you inhale earth, wind, water,
through the gasoline nozzle
at trail’s end,
a flint spear driven into the key switch.
You think you can return to that place
where your mother held her sleeves above the rising tides
saying “We are here again
on the road covered with television snow;
we are here again
the song has thudded.”
Source : Sherwin Bitsui, Flood Song, Copper Canyon Press 2009.
Bio-bibliographie de Sherwin Bitsui