C'est un bel ouvrage relié que les éditions du Sandre ont conçu pour réunir trois essais de Péret sur les arts du Brésil, parus en revues en 1956 et 1958. Une préface de Jérôme Duwa et une postface de Leonor Lourenço de Abreu en assurent la précise présentation. Mais c'est un vaste ensemble de photographies inédites, prises par Péret lui-même lors de ses séjours brésiliens, qui ajoute au prix de ce livre où se déploie la curiosité poético-ethnographique de l'auteur de l' Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d'Amérique (Albin Michel, 1960).
Cette anthologie, parue peu après la mort du bouleversant poète d' Air mexicain (1952), annonçait deux ouvrages " en préparation " : " Les arts du Brésil " et " Visite aux Indiens ". Si l'on rappelle Dans la zone torride du Brésil. Visites aux Indiens du même Péret (également publié par J. Duwa et L. Lourenço de Abreu, en 2014, aux éditions du Chemin de fer), on peut estimer, cinquante-sept ans plus tard, que ces deux projets ont fini par voir le jour. Ce n'est pas rien si l'on considère le peu d'éclairage dont bénéficie l'œuvre de ce passant considérable du surréalisme et de l'esprit de révolte que fut Péret. Il est des livres qui (re)viennent de loin, ceux-ci nous parlent depuis des contrées en voie de disparition, depuis des imaginaires dont l'actuel cours de choses semble avoir programmé l'obsolescence.
Le nouvel ordre du monde qui se rêve ici, fondé sur une redistribution des aptitudes psychiques, un réarmement de l'imaginaire qui prendrait le pas sur l'ordinaire rationnel, où le désir enneigerait d'étincelles chaque nouvelle donne dans le libre jeu du langage, des êtres et des choses, c'est dans cette intuition du merveilleux qu'il faut en chercher la clé. Le surréalisme, c'est sa grandeur et sa défaite, s'est toujours pensé comme quête d'un réenchantement du monde. Péret, dans son action politique comme dans sa pratique poétique, dans son attention aux arts premiers comme dans son empathie pour les arts populaires, est du nombre de ceux qui, au siècle dernier, ont contribué à élargir les horizons de la sensibilité et les dimensions de la liberté. Ces ouvrages viennent à point nommé nous le confirmer.
Christian Bernard
Benjamin Péret, Les Arts primitifs et populaires du Brésil, Éditions du Sandre, 2017, 216 pages, 35€
Benjamin Péret, André Breton, Correspondance (1920-1959), présentée et éditée par Gérard Roche, Gallimard, 2017, 464 p., 29€
Cahiers Benjamin Péret, n° 6, 146 p, sommaire