Démiurge. Nous connaissons tous la surpuissance de ce «réseau», supérieure à celle des États grâce à son insolente prospérité financière. Savez-vous qu’à eux seuls, Google, Apple, Amazon, Microsoft et Facebook constituent le quinté de tête de Wall Street avec une capitalisation de 2900 milliards d’euros – une fois et demie le PIB de la France. Une bulle peut-être, un pouvoir assurément. Seulement, ces derniers mois, plusieurs ouragans se sont abattus sur cette toute-puissance, jusqu’à faire vaciller la psychologie du fondateur Zuckerberg, renvoyant dans les cordes l’espèce de démiurge en lui, assez peu soucieux de savoir qu’il était déjà dépassé par sa propre création. Le voilà accusé de tout. D’optimisation fiscale. De continuer de piller les données personnelles des utilisateurs. De refuser un statut d’«éditeur», ce qui le rendrait pleinement responsable des contenus hébergés et autres «fake news», alors que la plateforme dénie obstinément tout rôle d’«arbitre de la vérité», refusant d’admettre que l’arborescence des algorithmes dont il pousse les feux renforce les problèmes en enfermant les utilisateurs dans leurs certitudes – quelles qu’elles soient. Mais ce n’est pas tout. Les dernières attaques les plus saisissantes proviennent d’anciens dirigeants du groupe, non des moindres. «Nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social», a affirmé un ancien vice-président, interdisant à ses enfants d’utiliser ce qu’il appelle «cette merde», jugeant l’addiction à Facebook «menaçante pour l’individu et la société» puisque le réseau a été «conçu pour utiliser les faiblesses humaines» en libérant la dopamine. Selon un autre ancien boss, l’internaute serait prisonnier d’un plaisir narcissique pouvant virer à la «pathologie grave»… Le bloc-noteur n’éprouve pas encore l’envie ni le besoin de se désintoxiquer. Mais sait-on jamais.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 12 janvier 2018.]