Si malheureusement, vous vous êtes déjà retrouvé dans une salle d’opération, peut-être vous êtes vous demandé, comme notre lectrice Audrey Vaudan, pourquoi les chirurgiens portent des tenues vertes ou bleues, et non blanches.
Vert et rouge, des couleurs complémentaires
La couleur actuelle des tenues des chirurgiens n’a pas été choisie au hasard. Avant 1914, elle était blanche, symbole de propreté. Mais un médecin influent a suggéré un changement de couleur en vert ou bleu, pour un meilleur confort des yeux des chirurgiens, et surtout, éviter l’éblouissement en salle d’opération.
C’est une anecdote relatée par le médecin américain Nathan Belkin, spécialiste de l’étude du matériel de protection médicale, dans une étude publiée en 1998. Selon ce dernier, il est fort probable que ce changement se soit généralisé par la suite à cause de cette suggestion, mais il est impossible d’en être certain.
Mais les teintes vertes ou bleues des tenues ont pu être expérimentées et adoptées facilement des chirurgiens car elles présentent un intérêt de taille en salle d’opération : elles sont complémentaires aux teintes rouges des organes et du sang humain… Des couleurs complémentaires ? L’idée a été théorisée il y a longtemps, notamment à travers la fameuse « roue des couleurs » (voir image ci-dessous), tirée du traité scientifique écrit par Johann Wolfgang von Goethe et publié au 19e siècle.
Sur cette roue, disposant les couleurs selon l’ordre de celles de l’arc-en-ciel, la propriété suivante s’applique : la complémentaire d’une couleur lui est diamétralement opposée. Cette représentation ordonnée des couleurs est utilisée dans de nombreux domaines : peinture, teinturerie, arts graphiques, design industriel… Et s’applique à notre système visuel.
Le blanc, source d’illusions d’optique déconcertantes
En effet, notre cerveau interprète les couleurs les unes par rapport aux autres. Saturé par une couleur, il est davantage réceptif à sa complémentaire. En jetant des coups d’œil au champ opératoire vert, à la blouse verte de ses collègues, aux murs verts de la salle d’opération, le chirurgien devient plus attentif aux nuances du corps humain, dans des teintes de rouge, durant l’opération.
Le blanc est donc à éviter. Non seulement il peut provoquer un éblouissement, mais aussi… des illusions d’optique. Forcé de se concentrer sur des organes et sang humains aux tons rouges, le chirurgien qui dirige ensuite son regard vers la blouse de ses collègues ou les murs de la pièce peut voir apparaître des teintes vertes « fantomatiques », sources de distraction dans un contexte où il n’y a aucun droit à l’erreur… Concrètement, imaginez une illusion verte des entrailles d’un patient apparaissant sur la blouse blanche de votre voisin… (Vous pouvez tester l’illusion chez vous en fixant pendant plusieurs dizaines de secondes une image rouge – à défaut d’avoir un corps sous la main -, puis en détournant votre regard vers une surface blanche). L’image distrayante suit le regard pendant plusieurs secondes, comme les points noirs qui brouillent la vue après un flash d’appareil photo.
Pourquoi ces illusions d’optique surviennent-elles uniquement sur fond blanc ? Comme la lumière blanche contient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, dont le rouge et le vert, le cerveau concentré sur les tons rouges fixe soudainement son attention sur les teintes complémentaires. Un phénomène qui ne se produit donc pas sur des tenues vertes ou bleues. Face à toutes ces constatations, pas sûr que les couleurs dominantes dans les salles opératoires risquent de changer de si tôt.
Par Lise Loumé – Sciences et avenir.