L'affaire CarmenUn metteur en scène italien vient d'adapter le livret de la Carmen de Bizet dans l'intention de "dénoncer les violences domestiques", et en a changé la fin afin d'éviter qu'on "applaudisse le meurtre d'une femme".L'intention est indiscutable, mais est-elle pertinente au regard de l'histoire de Carmen? Pour ceux qui connaîtraient la musique mais peut-être pas l'histoire, voici un bref résumé de Carmen:Don José c'est le mec un peu con! Il est de la trempe du jeune Werther qui s'éprend d'une femme mûre, mariée, qui aime son mari, et qui souffre de ne pas la séduire. Aussi Don José est un gars réglo, carré, très discipline, discipline. Il est militaire. Et plutôt que de s'enticher d'une fille sérieuse, un peu communiante qui n'aurait jamais tripoté que des chapelets, il s'éprend d'une bohémienne qui fait tomber les mecs, qui vit de contrebande et de prostitution. Quand une fille la fait chier, elle sort un couteau et la massacre en lui tailladant une croix au visage. C'est ça Carmen.Comme elle est condamnée, ce merlan frit de Don José la laisse filer et c'est lui qui prend deux mois fermes.A sa sortie il court ventre à terre aux pieds de Carmen qui veut bien de lui à condition qu'il déserte et qu'il vienne vivre de contrebande dans la montagne. Il refuse quand la police fait une descente. Par chance les amis de Carmen s'interposent. Puisqu'il est compromis, Don José gagne la montagne avec celle qu'il aime. Mais là il découvre que Carmen est déjà passée à autre chose. Elle a séduit le torero Escamillo. Don José est à bout. Alors qu'il la somme de choisir. Elle l'humilie en jetant la bague qu'il lui avait offerte. Il la poignarde. Alors si personne, à mon sens, ne peut reprocher à Léo Muscato son adaptation pour le théâtre Del Magio à Florence, on peut tout de même en critiquer la pertinence: Carmen n'est pas une triste histoire de "la violence domestique" qu'il entend dénoncer. Don José n'est pas un homme violent. C'est lui qui est malmené. Il est seulement près à tout par amour. Carmen, c'est un crime passionnel. Ce dont on peut discuter plus volontiers, je crois, dans cette histoire, c'est de la notion des circonstances atténuantes: ce n'est pas parce que Carmen le traite comme une merde, que Don José doit la tuer. Don José est coupable. On ne peut pas le plaindre. Il pouvait passer son chemin cent fois, et souffrir de ne pas être aimé par celle qu'il convoitait. Au lieu de quoi il s'est obstiné. Werther, lui, s'est suicidé.