Triomphe d’une société d’information livrée à l’émotion compassionnelle, le quidam téléphage, le boulimique de l’info, qui n’a rien manqué du feuilleton Betancourt depuis 6 ans, succombe, se laissant submergé par tant d’émoi (je m’inclus dans ceux-ci).
Et il faut dire qu’il y a de quoi, car l’héroïne est assurément à la hauteur. Sa conférence de presse à la descente de l’avion est saisissante (ici). La voix est posée, les mots sont pesés, ils sonnent justes. Ingrid Betancourt est littéralement habitée d’une prodigieuse force intérieure; elle n’oublie personne dans ses remerciements. On boit ses paroles. C’est à croire qu’elle a rêvé de cette scène et préparé cet instant des centaines de milliers de fois.
On avait beaucoup discuté des effets potentiellement néfastes que la surmédiatisation du cas Ingrid Betancourt pourrait avoir sur sa libération et sur le sort des otages colombiens en général. Ce soir, on ne peut que penser que cette mobilisation a certes fait monter le prix de ces otages politiques, et surtout celui de Betancourt, rendant les négociations avec les FARCS plus ardues (ils n’étaient pas prêts à céder leur meilleur butin), et une intervention commando de l’armée inéluctable, mais elle a aussi été déterminante pour obliger le gouvernement Uribe à jouer un dernier va-tout en lançant cette rocambolesque opération. Cette dernière option bien que longtemps décriée et refusée par les familles des otages, qui craignaient pour leur vie, permet finalement au président colombien de sortir tout auréolé de ce succès inespéré. Mais il n’est pas le seul à tirer les marrons du feu. Son homologue français aura finalement remporté son pari de Super Président (ici), justicier expert des otages politiques.