FinTech, attention à l'illusion de la néo-banque !

Publié le 06 janvier 2018 par Patriceb @cestpasmonidee
Depuis quelques mois, une nouvelle frénésie s'est emparée d'une multitude de startups de la FinTech : l'ambition de se transformer en néo-banque. Repérée au Royaume-Uni dans un article des Échos, la tendance se développe maintenant aussi en France. Bonne nouvelle… mais attention aux fuites en avant insuffisamment préparées !
Du fait de leur maturité particulièrement avancée, les jeunes pousses britanniques ont souvent été les premières à déclencher le mouvement : entre les acteurs des paiements (qui restent les candidats les plus fréquents), tels que Revolut, et ceux qui interviennent dans d'autres secteurs, de la gestion de finance personnelle (Chip) au crédit entre particuliers (Zopa), nombreux sont ceux qui veulent acquérir une licence bancaire afin, officiellement, d'affirmer leur indépendance et étendre leur périmètre d'activité.
Et dans l'hexagone ? La tentation existe également. Elle a, par exemple, (plus ou moins) causé la perte de la toulousaine Morning, alors qu'elle voulait évoluer, comme tellement de ses consœurs, des transferts d'argent entre amis vers un véritable compte bancaire. Parmi les initiatives plus récentes, Pumpkin suit [PDF] aujourd'hui un parcours similaire, dans le giron du Crédit Mutuel Arkéa depuis son rachat au cours de l'été 2017. Et bien d'autres entrepreneurs de la FinTech voient là un moyen d'accélérer leur expansion.
Alors que notre pays continue à singulièrement manquer de néo-banques indépendantes (et sérieuses) susceptibles d'aiguillonner nos grandes institutions financières qui, à défaut, s'endorment sur leurs lauriers, la perspective de voir émerger une génération de nouveaux entrants issus d'univers différents est plutôt réjouissante. Malheureusement, je crains que certains d'entre eux ne se lancent dans l'aventure pour de mauvaises raisons et sans bien mesurer l'ampleur du défi qu'ils cherchent à relever.
Ainsi, pour beaucoup d'entreprises de la FinTech, notamment dans le domaine des paiements, c'est la réalité de la difficulté à bâtir un modèle économique profitable qui les conduit à explorer d'autres options. L'acquisition d'une licence bancaire paraît alors être une solution idéale, permettant de multiplier les sources de revenus, grâce à la collecte des dépôts et la distribution de crédits. Le défaut de ce raisonnement est qu'il revient à créer un établissement traditionnel, avec ses limites intrinsèques.
Or la principale de celles-ci est justement son approche de la rentabilité, par effet d'échelle : une banque généraliste n'est lucrative que si elle possède un portefeuille de clientèle suffisant pour amortir ses coûts. La capacité des startups technologiques à mieux maîtriser leurs dépenses peut aider à en abaisser le seuil, mais le principe fondamental subsiste. En revanche, elles sont handicapées par leur difficulté à conquérir la confiance de nouveaux utilisateurs, qui freine leur capacité à atteindre l'équilibre.
Les jeunes pousses issues d'un autre métier comptent souvent sur leur base de clients existante pour prendre pied prestement, sans toujours correctement évaluer les réticences qu'il peut y avoir de passer d'un outil de paiement entre amis (par exemple) à un compte bancaire complet. Comme, par ailleurs, la poursuite d'une licence bancaire est une proposition extrêmement onéreuse (ne serait-ce qu'en infrastructures – au sens large – de conformité), le rêve d'une rentabilité à court terme peut devenir une illusion.
Mon objectif n'est pas de décourager les bonnes volontés. Au contraire, j'aimerais qu'un maximum de tentatives aboutissent à un écosystème florissant de néo-banque européennes ! Mais, pour cela, il peut être dangereux de ne pas prendre conscience assez tôt des enjeux d'une telle proposition : la création d'un modèle viable demandera beaucoup de temps (10 ans ?), le temps de gagner la confiance des clients, et beaucoup d'investissements sur cette période (100 millions ?), qu'il vaut mieux anticiper.