Aux âmes bien pensantes, la valeur n’attend point le nombre des années
La libération de Sainte Ingrid va être abondamment commentée demain matin par le troupeau bêlant des âmes bien pensantes. Au sein de ce choeur noble de séraphins, je me permettrai, dans la lignée critique du cas Betancourt que j’avais analysé il y a plusieurs mois, de faire entendre mon petit triangle dissonant. Voici donc une contre-vérité et trois vérités crues qui me démangent la banderille.
Une contre-vérité - PPDA l’a dit : « une énorme émotion a envahi la France à l’annonce de la libération d’Ingrid Betancourt« . Gros mensonge : une énorme bulle médiatique s’est mise à gonfler à l’annonce de sa libération, nuance. Le matraquage/bombardement/orgues de Staline ont suivi, sans qu’on demande au pauvre téléspectateur son avis.
Parce que, disons-le tout net, le français dans son canapé, en robe de chambre, il a d’autres chats à fouetter. Au lieu d’inspecteur Derrick, il a dû cependant supporter toute la soirée les commentaires creux des ravis de la Crèche cherchant l’enfant Jésus. C’est pas ça qui lui rendra du pouvoir d’achat, au Français. Alors content pour elle, il l’est sûrement. Emu, on repassera…
Toutes les vérités sont bonnes à dire
Une vérité qui fait mal – Fait ironique, la franco-colombienne* a été libérée quinze jours après que son comité de soutien à Paris volait en éclats. A la veille de son assemblée générale prévue le 14 juin, le comité parisien de soutien à Ingrid Betancourt a enregistré la démission de quatre membres de son Conseil d’administration, dont Adair Lamprea, n°3 du parti Oxygène et otage des FARC pendant 24 heures avec l’ex-candidate à la présidentielle de Colombien en 2002. Ils ont justifié leur décision de ne pas se représenter par une opposition conjointe aux « méthodes opaques » utilisées par le comité de soutien. Heureusement que les FARC ont pas duré quelques mois de plus !
Une deuxième vérité qui fait mal à dire – C’est Uribe-le-méchant-néo-fasciste qui avait raison. L’armée a plus fait pour la libération d’Ingrid que les navettes ambigües de Chavez, les grandes déclarations de Noël de Sarkozy ou les hélicoptères de Villepin. Ce qui n’a pas empêché la diplomatie française de le considérer d’un bout à l’autre comme un obstacle et un psycho-rigide. Face à une guerilla, la force finit toujours par vaincre. Le problème est le coût politique. Trop souvent, notre inconscient politique survalorise la négociation. Or, la guerre d’Algérie a été gagnée militairement, mais perdue politiquement. Et la Russie a gagné en Tchétchénie parce qu’elle a accepté de payer le prix de la réprobation internationale.
Une dernière vérité bonne à dire – Nicolas Sarkozy a affrété immédiatement un avion de la République pour que la famille d’Ingrid puisse aller lui parler. J’ai quelques réticences à voir l’argent du contribuable – et j’en suis – être utilisé comme une cassette personnelle. Après, Chatel viendra expliquer que la progression des dépenses de l’Elysée est justifiable au premier euro. Si ma mère était l’otage des FARC en Colombie, je ne pense pas pour commencer que je me serais installé à Paris. Enfin, ça les regarde. Mais ça fait cher la discussion : le téléphone existe, et je ne vois vraiment pas au nom de quoi la petite famille ne prendrait pas un avion de ligne, comme tout le monde.
Maintenant, carrons-nous dans un fauteuil et attendons de voir deux choses : 1/ Comment va se comporter Ingrid ? (Va-t-elle regretter sa folle campagne ou assumer son erreur) 2/ Comment Ségolène et Bertrand** vont-ils se disputer la vedette ?
Les paris sont ouverts !
* On notera que cependant Ingrid a parlé de « sa patrie, la Colombie »…
** Au passage, la Gauche s’est choisie une égérie qui a choisi, en premier lieu, de remercier Dieu. Voilà qui devrait faire rire jaune les républicains laïcs du PS !
agitation médiatiqueColombieFARCgaspillage d'argent publicIngrid-BetancourtMédiasUribeSujets: Banderille, Toréador critique la Droite, Toréador critique la Gauche, Toréador critique littéraire et médiatique | 22 Comments »