(nNotes sur la création) Bernard Noël, "du jour au lendemain"
Par Florence Trocmé
« Le problème qui joue à la fois comme censure et comme appât, c’est la représentation. Dès qu’on écrit, dès qu’on utilise un mot, on est dans la représentation. Et la représentation se substitue évidemment à la chose nommée mais aussi à l’ensemble des choses au fur et à mesure que le texte avance. Et je me demande si c’est le cas avec la poésie. Il me semble que le poème…cette espèce de bourdonnement du vocabulaire qui est dans notre espace mental, il s’agit de lui… comment dire ?... il s’agit de faire pleuvoir des mots, en quelque sorte. Parce que l’écriture c’est à la fois un acte qui se poursuit, mais c’est aussi une position, et une position qui facilite la concentration. (...) Et cette concentration est un acte plus essentiel peut-être que de déposer le premier mot. Et quand le premier mot apparaît, il peut apparaître sans appeler une représentation et entraîner avec lui une espèce de chute verbale qui, je le crois volontiers, est poème. Ensuite cette chute qu’on a recueillie sur le papier peut se travailler, mais elle est donnée en quelque sorte, et elle est donnée sans ce souci de la représentation. Elle n’en est pas exempte, évidemment, dès qu’on la détaille, dès qu’on la travaille. Mais il me semble qu’elle en est peut-être indemne au départ. »
Bernard Noël, du jour au lendemain, entretiens avec Alain Veinstein, L’Amourier / INA, 2017, p.338.