Merci à Babelio et aux éditions Bayard Jeunesse pour l’envoi de ces deux beaux livres et pour m’avoir permis de rencontrer l’auteur et illustrateur Brian Selznick. Ce fut un moment inédit et riche en découvertes!
Le livre : « Le Musée des Merveilles »
Crédit photo : Samsha Tavernier
L’auteur : Brian Selznick est un illustrateur et un écrivain américain. Il a commencé à travailler dans une librairie pour enfants à New York et s’est mis à illustrer ses premiers livres, dont il a parfois écrit le texte. Il a reçu de nombreux prix pour ces illustrations (prix Caldecott, prix de la meilleure illustration décerné par le New York Times, prix Sibert…) « L’invention d’Hugo Cabret » a connu un immense succès, a reçu la Médaille Caldecott et a été adapté au cinéma par Martin Scorsese. Depuis, il a publié d’autres romans graphiques dont « Le Musée des Merveilles » et « Les Marvels ».
Le résumé : « Hoboken, New Jersey, octobre 1927. L’histoire en images. Rose, une fillette sourde-muette, est seule dans sa chambre. Sa mère lui interdit de sortir à cause de son handicap. Rose contemple New York, et découpe des photos de stars dans un magazine…
Ben vient de perdre sa mère, il est recueilli par son oncle et sa tante. Le garçon n’a jamais connu son père, il ignore tout de lui. Rose s’enfuit de chez elle. Une fois à New York, elle se réfugie dans une salle de cinéma, et assiste à la projection du film « Fille de l’orage. Ben découvre, une nuit, par temps d’orage, dans la maison de sa défunte mère, caché dans un placard, un livre « Wonderstruck » sur les musées avec une dédicace : « Pour Danny, de tout mon coeur, M. Et sur un marque page un numéro et une adresse à New York. Et si ce Danny était son père ? Il décide d’en avoir le coeur net, et saisit le téléphone… Mais, au moment où il colle son oreille sur le combiné, il est frappé par la foudre… »
Mon avis : Je suis très peu habituée à lire des romans illustrés ou des BD, aussi j’étais très intriguée par le format de ce livre composé à la fois de chapitres entièrement illustrés et de chapitres rédigés (de la même façon que « L’invention d’Hugo Cabret » pour ceux qui l’ont lu »).
Tous les chapitres se répondent et l’effet miroir est d’autant plus accentué qu’une époque différente y est associée (les années 20 pour les chapitres illustrés et les années 70/80 pour les chapitres rédigés), et ce jusqu’à ce que les deux histoires se rejoignent. Un grand bravo à Brian Selznick pour les jolies illustrations qui parviennent si bien à nous raconter une histoire.
Dans ce livre, on suit les aventures de Ben, un jeune garçon orphelin et sourd qui va partir à New York afin de retrouver son père. Parallèlement, dans les années 20, une jeune fille (sourde également) fuit l’étouffante prison familiale pour partir sur les traces de l’actrice qui la fait tant rêver.
Au cours de ces pérégrinations, l’art est constamment présent puisque le Musée d’Histoire Naturelle de New York (et son Cabinet des curiosités) tient une place essentielle et devient un personnage à part entière. Il sera le liant entre les deux histoires.
J’ai aimé la poésie et l’atmosphère surannée qui se dégagent des pages : la découverte du Musée, l’éclectisme des objets décrits, l’éloge de la culture et de la curiosité, cette collection de petites choses intrigantes, de petits riens magiques (cela m’a évoqué l’univers de Jean-Pierre Jeunet, le réalisateur du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain »).
En bref : C’est une belle histoire pour les enfants (et les plus grands) afin de comprendre l’importance de s’ouvrir à ce et ceux qui nous entoure(nt).
Une adaptation cinématographique a été réalisée récemment. Je suis très curieuse de voir ce que ça donne à l’écran. Certains d’entre vous l’ont vu?
Le livre : « Les Marvels »
Crédit photos : Samsha Tavernier
Le résumé : « Albert Nightingale achète une vieille maison londonienne laissée à l’abandon, qu’il s’emploie à rénover dans le style d’antan. Aidé par un ado un peu perdu, Marcus, et un céramiste de talent, Billy Marvel, Albert redonne à la vieille maison, sa splendeur passée. Jusqu’au jour où Marcus meurt. Pour tromper leur chagrin, Albert et Billy écrivent et dessinent l’histoire d’une famille imaginaire de comédiens sur plusieurs générations qui aurait vécu entre les murs de leur maison. Ainsi naissent les Marvels, le récit en images, par lequel on entre dans le roman. Resté seul dans sa maison, à la mort de son amant Billy Marvel, Albert voit un jour son neveu Joseph débarquer sans prévenir, échappé de l’austère pensionnat où l’ont enfermé ses parents. Au fil des jours, logé dans une mansarde sous les toits de la vieille maison, Joseph va tenter de découvrir le passé de son oncle et percer le mystère de la maison : qui vit vraiment entre ses murs ? Quels sont ces bruits étranges que l’on entend parfois ? Qui sont les Marvels, ces comédiens de générations en générations ? »
Mon avis : Un premier mot pour le magnifique objet qu’est ce livre. J’ai été émerveillée en le recevant. La couverture correspond si bien à son titre : merveilleuse avec ses couleurs, ses illustrations et sa tranche dorée.
Niveau composition, ce roman est un peu différent du « Musée des merveilles » car il y a toute une partie illustrée suivie de toute une partie rédigée. Ce qui est intéressant c’est de prendre conscience de la capacité des illustrations à raconter une histoire alors même que les images sont statiques et qu’il n’y a pas de dialogue.
Dans ce roman, deux histoires viennent s’entremêler. Celle d’une famille d’illustres comédiens anglais qui se passent le flambeau de la dramaturgie de génération en génération : les Marvels ; et celle de Joseph, un jeune adolescent qui fuit son pensionnat pour se rendre chez son oncle Albert Nightingale à Londres, lequel est un personnage étrange. En effet, il vit dans une bâtisse tout droit sortie du passé et qui recèle de mystères que Joseph aimerait bien élucider (sans le consentement de son oncle).
L’oncle Albert m’a fait penser au Scrooge de Dickens. Il y a d’ailleurs de multiples références à la littérature classique et à l’art qui, une fois encore, tient une place essentielle.
J’ai beaucoup apprécié les descriptions qui rendent les lieux si vivants et l’intrigue qui prend place dans la maison. On est tout aussi curieux que Joseph et on veut, nous aussi, percer à jour les secrets d’Albert. La révélation m’a plu également, car je ne m’attendais pas à ça dans une livre dit « jeunesse ». Très bonne surprise donc.
En bref : J’ai préféré « Les Marvels » au « Musée des merveilles », car l’histoire est, selon moi, plus riche et plus propice à l’imagination. Je verrai bien une adaptation cinématographique pleine de poésie et de magie à ce roman qui s’y prête parfaitement.
L’auteur a réalisé une petite bande-annonce très ingénieuse pour ce roman, personnellement je trouve qu’elle reflète bien l’originalité du livre et j’adore!
Vos personnages sont très souvent à la recherche de leur place dans la société, c’est un sujet qui vous parle particulièrement?
C’est, en effet, un thème très récurrent qui doit être inconsciemment autobiographique. Brian Selznick a lui-même essayé de trouver sa place lorsqu’il était plus jeune : pour savoir ce qu’il voulait faire dans la vie, mais également parce qu’il a grandi en tant qu’homosexuel dans une famille hétérosexuelle. Encore aujourd’hui, alors qu’il a la sensation d’avoir bel et bien trouvé sa place, il sent qu’il a toujours beaucoup de choses à découvrir sur lui-même et il se considère comme toujours en apprentissage face aux autres.
Le thème de la famille est également très présent dans vos livres, pourquoi?
Brian Selznick s’intéresse au fait qu’il n’existe pas de « famille normale » ou dite « moyenne ». Nous avons toujours l’impression que notre modèle familial est universel avant de se confronter aux livres ou aux films et de découvrir d’autres types de familles. Brian Selznick se penche aussi sur la question de la reproduction du modèle familial et la façon dont nous pouvons créer notre propre famille en la choisissant.
Quel est votre processus d’écriture?
Brian Selznick ne part jamais d’un personnage, mais d’un lieu qu’il a visité, d’une anecdote qu’il a entendue ou d’une image qui lui trotte dans la tête et qu’il aimerait retranscrire dans une histoire. De là, il essaye de trouver une intrigue puis un personnage principal. Son processus d’écriture est donc en quelque sorte « à rebours ». Par exemple, en ce qui concerne les « Marvels », il a visité la maison de Denis Seevers à Londres avec cette atmosphère si particulière figée dans le passé et donnant l’impression d’être toujours habitée. Il en a été émue aux larmes et il tenait absolument à l’intégrer dans un livre. C’est donc devenue la maison d’Albert Nightingale. De même, il imaginait avec précision l’image d’un garçon arrivant à Londres avec sa petite valise un jour de neige (sans savoir pour autant qui était ce garçon ni pourquoi il était à Londres avec une valise) et c’est devenue la scène d’arrivée de Joseph à Shoreditch.
Comment articulez-vous votre travail d’écrivain et d’illustrateur?
Brian Selznick ne dessine jamais en premier. Il écrit dans un premier temps, mais cela ne l’empêche pas de penser « en images ». Tout ce qui peut être raconté par les images est alors omis du texte, lequel est conservé pour les sensations, les pensées des personnages et les dialogues. Il a toujours allié les deux : dessins et écriture. Les dessins sont souvent créés à partir de modèles qui posent pour lui et l’inspirent. Le processus de recherche pour ses dessins et leur réalisation peut durer jusqu’à un an. Allier le dessin à l’écriture correspond à ce que Brian Selznick a toujours voulu faire. Ce ne fut toutefois pas si aisé, car au début de sa carrière il se contentait d’illustrer les livres des autres et ce jusqu’à sa rencontre avec Maurice Sendak, l’auteur de « Max et les maximonstres ». Ce dernier lui a dit qu’il était fait pour écrire ses propres histoires et l’a poussé à se dépasser jusqu’à ce qu’il écrive l’histoire d’Hugo Cabret.
Pourquoi des dessins en noir et blanc?
Brian Selznick explique qu’il apprécie particulièrement la nostalgie qui se dégage du noir et blanc et qui correspond bien à l’ambiance qu’il souhaite donner à ses histoires. Cela lui rappelle également l’époque de ses premières illustrations « professionnelles » qu’il réalisait au stylo bic. Il utilise également de la couleur mais lorsque cela s’y prête davantage, notamment pour donner plus de réalisme et d’immédiateté à ses histoires.
Merci encore à Brian Selznick pour sa bonne humeur contagieuse lors de cette rencontre!
Vous connaissez cet auteur? Vous avez lu certaines de ses oeuvres ou vu l’une des adaptations de ses romans graphiques?