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14-18, Albert Londres : «Où il y avait de l’allure, c’était chez les officiers.»

Par Pmalgachie @pmalgachie
14-18, Albert Londres : «Où il y avait de l’allure, c’était chez les officiers.» Ils étaient partis quinze cents Chaque Français ramena son prisonnier !
(De notre correspondant de guerre.) Du front italien, 1er janvier. Chaque homme a au moins ramené son prisonnier. Voilà par quoi ont débuté les nôtres en Italie. L’attaque était locale. Ne vous excitez pas déjà. Ce n’est pas la route de Trente que nous voulons ouvrir. Nous ne voulions même rien ouvrir du tout. L’Autrichien regardait chez nous ; nous avons désiré lui fermer ses fenêtres et en prendre chez lui : c’est fait. C’est pourquoi chaque homme a ramené son prisonnier, car c’est bien à peine s’ils étaient 1 500 Français à faire le coup. Il porta la marque nationale : élégant et sûr dans la difficulté. Le Monte-Tomba De ce que je vous ai dit hier [article non retrouvé], qu’il faisait un soleil de printemps sur le Tomba, ne déduisez pas que ce soit un jardin verdoyant où les nôtres se promènent en humant la douceur de vivre. Le Tomba est, au contraire, un triste massif, pas encore dégrossi, où, depuis un mois qu’ils y sont, les Français triment. Ils l’ont pris vierge. Secteur de fin de bataille, il ne présentait pas une seule commodité de la guerre moderne. Il fallut tout créer. On creusa les abris, traça les tranchées, déroula les pistes ; on construisit les bases de départ et de ravitaillement. Il n’y avait pas d’eau, on y fit un travail de chien. Le trafic y devint intense. Certaine nuit où j’en redescendais, bien qu’ayant changé trois fois de route, je crus ne pas pouvoir sortir des camions de convois et de mulets, des corvées d’hommes. On aurait juré que tout un peuple grimpait sur le sommet pour y élever une tour de Babel. De la nuit au jour on avait charrié 70 tonnes de matériaux. C’était l’aménagement. Le coup de main d’hier a clôturé l’installation. Quinze cents hommes donc l’ont conduit. Ils ont achevé si vivement la tâche que les réserves n’eurent pas besoin de donner. Gars du Centre et des Alpes De la tranchée qu’ils devaient quitter à celle qu’il fallait atteindre – ici j’interromps subitement le récit guerrier pour conter deux intentions jolies. La tranchée française s’appelait Garibaldi. La tranchée autrichienne, Général-Serret ; Garibaldi, en souvenir des Italiens qui sont venus se faire casser la figure chez nous ; Général-Serret, en mémoire d’un chef que sa mort n’a pas rendu absent à ses troupes – je reprends… du point à quitter au point à conquérir à l’extrême gauche, un ravin se creusait. Pour monter, il fallait d’abord descendre. Descendre, remonter, voilà qui est vite dit. Mais, sous l’artillerie, la mitrailleuse et la grenade, voilà qui n’est pas fait, et ce fut fait, et crânement, et cela ne demanda pas dix minutes, et ce sont des soldats de l’Allier, de l’Auvergne et de la Haute-Loire qui s’en chargèrent. S’il y a, quelque prochain jour, une expédition sur un point quelconque de la terre, je les rencontrerai encore, ces gars du Centre. Après les Dardanelles, Verdun ; après Verdun, l’Italie. Il est vrai qu’on voit de loin, du sommet du puy de Dôme… On voit de loin aussi les Alpes. Ceux qui les appuyaient à droite étaient de Savoie. Vieux défenseurs des montagnes, les Vosges et nos pics célèbres par le sang les connaissent ; la Vénétie les connaît à son tour. Et les Autrichiens ? Et les Autrichiens ? Comment se sont conduits les Autrichiens ? Que pensent nos poilus de leurs nouveaux ennemis ? Ils en pensent du bien. Les Autrichiens se sont battus chiquement ; vive fut la résistance ; malheureusement pour leur courage, le soldat français est devenu un dompteur irrésistible. Il eut affaire à la 50e division. Le premier contact des ennemis qui ne se connaissaient pas n’a pas amené la haine. Tout fut correct ; loyaux dans le combat, ils furent dignes dans la défaite. Sur la pente du Tomba se formaient et descendaient les 1 500 prisonniers, je les ai croisés. Les hommes étaient légèrement estomaqués de voir que ça avait traîné si peu, mais simples. Ils s’étaient battus, ils avaient été moins forts : c’était le sort. Leurs officiers prisonniers Où il y avait de l’allure, c’était chez les officiers, et allure franche. Ils étaient courtois, cette courtoisie était naturelle et de bon ton. Ils n’étaient pas courtois parce que prisonniers, ils l’étaient par éducation et par sentiment. S’être mesurés avec des Français ne leur avait pas déplu, ça se sentait. Ils étaient remplis d’égards. Un de nos capitaines, désirant obtenir un changement dans un groupe de trois cents ennemis, n’arrivant pas parfaitement à ses fins, un officier autrichien s’avança, avec grâce il salua et s’offrit pour interprète. Il interpréta avec tact et avec complaisance. Sa mission terminée, il regagna aisément sa place de prisonnier, ayant pris congé en homme du monde ; c’était chic, ça changeait du Boche – de l’authentique. Le Monte Tomba n’est pas devenu un salon. Une division allemande ne va pas sans doute tarder à essayer d’y porter ses bottes. En attendant, les nuits il gèle : le Victorieux a froid.

Le Petit Journal

, 2 janvier 1918.
Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:
14-18, Albert Londres : «Où il y avait de l’allure, c’était chez les officiers.»
Dans la même collection
Jean Giraudoux Lectures pour une ombre Edith Wharton Voyages au front de Dunkerque à Belfort Georges Ohnet Journal d’un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914. Intégrale ou tous les fascicules (de 1 à 17) en autant de volumes Isabelle Rimbaud Dans les remous de la bataille

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