Souvent, on me demande comment est née l’émission de radio « mythique » « Dimanche-Musique ». Voici donc, en avant-première, le passage de mes Mémoires qui concerne ce hasard qui changea ma vie professionnelle.
Pendant l’été 1966, la grille des programmes de radio de l’automne se préparait. Certains journalistes revendiquèrent le samedi soir et ne laissèrent aux « variétés » que le dimanche. Émile de Radoux vibrionnait comme une abeille. On lui demandait de confier cette tranche horaire à Stéphane Steeman. On avait de bons échos des blagues téléphoniques qui étaient diffusées dans une émission de Roger Simons. La logique aurait voulu qu’ils fassent ensemble la grande émission de quatre heures, mais le directeur ne s’entendait pas trop avec Simons. Les noms circulaient, certains voulaient, d’autres étaient rejetés.
L’unanimité se fit alors autour du duo Steeman/Careuil. Or, c’est à ce moment-là qu’on proposa à Jacques une émission pour enfants en télévision : Feu Vert. C’était son rêve et cela lui convenait ; il avait déjà participé à des émissions enfantines et même prêté sa voix à Tintin dans un disque. Le problème est qu’il refusait de mener de front la radio et la télévision, d’autant qu’il protégeait avec soin l’espace de sa vie personnelle. Mais de Radoux insistait et le temps passait.
Régulièrement appelé dans son bureau, Jacques venait me dire bonjour et raconter toute cette saga. Un matin, alors qu’il venait donner son « non » définitif, il me demanda en riant si ça ne m’intéressait pas. J’eus un moment de gêne, car bien sûr cela m’avait traversé l’esprit, mais je ne me croyais vraiment pas de taille à assumer une telle émission. Il vit mon hésitation et dit : « Mais bien sûr ! Attends, je reviens… » Il sortit et se rendit dans le bureau directorial.
Cinq minutes plus tard, il revint : « Tu feras l’émission du dimanche avec Stéphane Steeman. Le directeur veut te parler, cours ! » Le directeur me dit cette phrase tellement « ministérielle » : « Si ça vous fait envie, pourquoi pas ? On va vous tester. On n’a plus beaucoup le choix, c’est dans quinze jours ! Mais sachez que vous resterez mon assistant, vous ne changerez pas de statut et ne serez pas augmenté. Je vous veux, quelle que soit l’heure de fin d’émission, sans doute minuit, le lundi matin à 8h30 en studio ! » Il ajouta qu’il me choisirait lui-même les disques de la programmation musicale. Qu’importe, rien ne pouvait gâcher ce moment unique. J’étais à la fois surexcité par la nouvelle et inquiet de mes capacités. Une rencontre fut organisée avec Steeman. L’émission, appelée provisoirement Dimanche-Musique, allait bouleverser la suite de mon existence.
(Photo avec Careuil en 1964 (je suis à gauche) et avec Steeman (Je suis le gagnant) lors d’un WE de détente (lol) en 1967)