Résultats pour 2017 : ce sont pas moins de 25 saisons visionnées, 90 films vus, et 89 livres lus.
Côté séries : – Le raté majeur, c’est le final de la série « Un village français ». Si prise dans son ensemble, l’histoire est brillante, la saison 7 renoue avec les travers de la saison 6. Mais là où la 6 virait au soap mièvre, la 7 tombe dans l’archétype à n’en plus pouvoir, envoyant dans cette conclusion post-45 les juifs en Israël et les nazillons en Amérique latine, sans compter de terribles longueurs que rien ne justifie par un hôpital psychiatrique, et un épisode dégénérescent de grève dans une ambiance pseudo-68 grotesque.
– Une autre grande déception, « The Leftovers » ; la saison 1 est bourrée de mystères et de promesses, offre un univers complexe et fascinant, et pose de très nombreuses questions en laissant le public cogiter (merci Maëlenn pour la découverte !). Hélas, tout s’écrase dans les deux saisons suivantes qui voient chacun des éléments sacrifié l’un après l’autre dans des contradictions et des paradoxes à n’en plus pouvoir, et l’ensemble s’achève dans un aspect guignol qui semble sorti de la tête d’un gamin de trois ans.
– Ratés toujours, avec « Westworld », là aussi plein de promesses et brillant à son démarrage, et qui chute peu à peu par son rythme et ses répétitions au fil des épisodes. Côté français, « Les témoins », dont je ne garde strictement aucun souvenir, si ce n’est que par certains aspects, ça me rappelait furieusement « Tunnel ». Un vieux morceau qui remonte aux débuts de Bruce Willis, « Clair de lune », dont la saison 1 a bien mal vieilli. Ca se regarde, mais ça n’a pas beaucoup de charme…
– Dans les continuations toujours aussi efficaces, « The Americans » qui atteint sa saison 4 ; « Kaboul Kitchen » avec sa troisième partie et Stéphane de Groodt qui remplace brillamment Gilbert Melki dans un autre style mais tout aussi déluré.
– Découvertes diverses avec notamment « Mindhunter » qui pose une situation assez intrigante : la série est une fiction, mais les tueurs en série qui y apparaissent, leurs crimes voire certaines des situations ou répliques sont réelles. « Occupied », série norvégienne écrite par Jo Nesbo qui propose une très intéressante réflexion politique sur la situation de l’Europe et de la Russie rêvant à son Union soviétique passée… un peu naïf ou simpliste par moments, mais intéressant. Deux séries françaises avec leurs imperfections, mais qui ne manquent pas de proposer des univers de S-F riches : « Missions » et « Transferts » (merci Julien !). Une série qui explore le monde de l’espionnage et les trafics, manipulations et enjeux qui s’y cachent, « Le bureau des légendes », très beau bijou qui vaut autant par son scénario que par le jeu d’acteur ou la qualité de la réalisation. Une petite perte de vitesse sur la troisième saison qui s’étend un brin trop, mais très bon (merci Hubert !).
Pour les films : – De grandes déceptions avec toute une série de suites et de remakes qui n’ont pas grande saveur, ou finissent par pourrir à force d’en faire trop. Dans le désordre le plus complet : « Blade Runner 2049 » (qui a pourtant une superbe réalisation, mais la pauvreté scénaristique et le jeu de Gosling massacrent une grande partie du film… et il n’y a ni test Voight-Kampff, ni allusion à William Blake !), « Ça » (sans intérêt), « Riddick » (vide, mauvais), « Le Hobbit » deuxième et troisième partie que je n’avais pas encore vu (Jackson a totalement sacrifié le côté intimiste de Tolkien pour en faire une bouse hollywoodienne), « Star Wars – Les derniers Jedi » (dramatique).
– Tout un nombre de ratés à oublier ou, s’il est encore temps, à éviter : « Wind river » (qui confirme que Taylor Sheridan n’a pas beaucoup d’imagination et que « Comancheria » tenait de l’exception – à voir ! – tandis que « Sicario » et « Wind river » ont un script qui tient sur trois lignes), « The Wall » (j’aime pourtant la simplicité efficace de Doug Liman, mais là, rien de tout ça), « Valérian et la cité des mille planètes » (Besson continue sa chute et se contente d’une succession de scènes anecdotiques aussi vite montrées aussi vite oubliées, il ne reste strictement rien de ce que pouvait offrir « Le cinquième élément »), « Traque à Boston » (film sur les attentats patriotique, banal), « Hitman & Bodyguard » (c’est la présence de Gary Oldman qui m’a laissé tenter, je n’aurais pas dû), « Conspiracy » (vanté comme un égal de « Jason Bourne » alors que c’est daubesque et sans dynamisme).
– Séances vieilles références et nostalgies avec entre autres « Deux hommes en fuite » qui a une ambiance marquée malgré un scénario très fin, « L’enfance d’Ivan » premier film de Tarkovski, « Un idiot à Paris » (très bon rôle de Jean Lefebvre, toute une série de films de Jacques Tati avec en particulier « Trafic » et « Les vacances de monsieur Hulot ».
– Visionnages moyens, mais qui présentent quelques points intéressants : les deux films « John Wick », probablement le summum du vide scénaristique, mais visuellement des affrontements extrêmement précis dans une ambiance mêlant jeu vidéo de shoot et rappels de « Matrix » ; « Split », qui propose un travail efficace de Shyamalan, mais qui n’atteint pas hélas les sommets de « Sixième sens » ou « Incassable » ; le film espagnol « Que Dios nos perdone » qui profite d’une ambiance noire de haute volée pour parler de tueur en série mais souffre d’une histoire brouillon ; « Neruda », mélange foisonnant qui n’arrive pas vraiment à raconter ; le dessin animé nippon « Dans un recoin de ce monde » consacré à Hiroshima et à la société japonaise pendant la guerre, intéressant mais long ; un film chinois intrigant, « I am not Madame Bovary », à la réalisation atypique mais que la critique a trop encensé pour ce qu’il offre au final ; côté français, « Mon garçon » avec une très bonne prestation de Guillaume Canet, mais trop de vide quand l’histoire se referme ; également « Un sac de billes » (merci Aurore !), bonne adaptation de Joffo où pour une fois Patrick Bruel joue très bien, mais où on se demande ce que sont venus faire là Christian Clavier (de plus en plus médiocre avec l’âge) et Kev Adams (insipide à souhait).
– Dans les très bons films à retenir, un peu ancien, « Cinema Paradiso », avec un très grand rôle de Philippe Noiret ; « Beasts of No Nation » signé Fukunaga, avec en prime un rôle magistral d’Idris Elba ; « Detroit » de Kathryn Bigelow, en particulier pour ses 40 premières minutes fascinantes, il perd en puissance dans la suite ; « Sully » de Clint Eastwood, trop patriotique par moments, mais superbe réflexion sur le 11 septembre sans jamais en parler explicitement puisque le film parle de l’amerrissage forcé sur l’Hudson en 2009 ; une bonne comédie française comme on les aime signée du duo Toledano-Nakache, « Le sens de la fête », sans prétention mais plein d’efficacité ; enfin un OVNI cinématographique comme seul Dupontel sait les faire, avec plus de démesure visuelle et moins d’absurde qu’à l’accoutumée, « Au revoir là-haut ».
– Beaucoup de concerts, notamment Sting (un très beau live depuis Viña del Mar, et la diffusion du concert de réouverture du Bataclan), Neil Young (« Hometown », très sympa niveau son, film sans intérêt), Hubert-Félix Thiefaine (le « Homo plebis ultimae tour » est une véritable merveille), et dans un style un peu différent, un documentaire consacré à la création de l’album « Born to run » de Springsteen, « Wings for wheels », très bon (et qui se complète parfaitement avec « The Promise », le making-of de l’album suivant « Darkness on the edge of town »).
– De très nombreux documentaires, à retenir notamment, « Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » (tour d’horizon de l’évolution de la ville et des figures majeures qui y sont passées dans les années qui suivent l’indépendance algérienne), « Les guerriers de l’ombre » signé Frédéric Schoendoerffer et qui complète à merveille la série « Le bureau des légendes » (il est consacré aux agents de la DGSE), « Charlie 712 » merveilleux documentaire sur la création du numéro de Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet et de l’ébullition autour des dessins, « Citizenfour » plus une pièce historique et un reportage journalistique qu’un documentaire à proprement parler, un témoignage essentiel au point zéro de l’affaire Edward Snowden, deux documentaires consacrés à Goscinny : « René Goscinny, notre oncle d’Armorique » et « René Goscinny – Profession humoriste », un superbe travail historique avec « Jeunesses hitlériennes, l’endoctrinement d’une nation », deux portraits signés avec force « Jacques Brel, fou de vivre » et « Jacques Mayol – L’homme dauphin », le documentaire très malin et joyeusement ironique de Ruffin « Merci Patron ! », « Le vénérable W. » réflexion très intéressante (même si réalisation moyenne) sur la situation en Birmanie et les terribles contradictions du bouddhisme (et qui éclaire du même coup les questions autour des Rohingyas), enfin le superbe portrait de l’Amérique et des luttes afro-américaines avec « I am not your negro » de Raoul Peck (qui permet de découvrir du même coup l’auteur James Baldwin).
En ce qui concerne les livres, l’année est plutôt terne pour le ratio, ayant passé près de deux mois sans pratiquement ouvrir un livre : – Deux relectures, Pablo Neruda avec « La centaine d’amour » et Georges Perec avec « W ou le souvenir d’enfance », toujours aussi fascinant dans son approche par légères touches jusqu’à hisser en pleine lumière la décrépitude du monde qu’il raconte.
– Pour les ratés : un exercice littéraire plein de promesses qui se révèle assez vomitif par l’indécence et le jeu qu’il monte autour d’un crime, « Laëtitia ou la fin des hommes » d’Ivan Jablonka (je ne parviens pas à comprendre les retours critiques aussi positifs) ; le « Soumission » de Houellebecq, peu intelligent par rapport à ce qu’y voient ses défenseurs ; de la S-F avec Asimov, mais qui s’enlise, que ce soit « Le robot qui rêvait » ou « Prélude à Fondation » ; « Le dernier voeu » de Sapkowski, du fantastique qui ici laisse la sensation d’une mauvaise partie de Donjons et Dragons ; le très mauvais « La conquête des îles de la Terre Ferme » d’Alexis Jenni (Cf mon article précédent pour une autopsie du texte) ; une très grande déception avec « Jusqu’à la mort » d’Amos Oz, lui d’habitude si pertinent et au phrasé aussi magique, il sombre ici dans les clichés sans saveur ; conjointement au film, « Ca » de Stephen King, beaucoup trop long, et finalement bien pauvre ; Khadafi se rêvait en Mao et « Le livre vert » est juste un pamphlet minable.
– Un bon nombre de polars. Quelques ratés dans le lot : « L’héritage de Guillemette Gâtinel » de Joseph Bialot, qui ne laisse pas grand souvenir et manque de puissance ; « Justice » de Dürrenmatt, qui manque de pertinence par rapport à ses habitudes ; « Gavelston » de Nic Pizzolatto (scénariste de « True Detective »), si l’ambiance est sympathique, l’intrigue est faible ; « Driven » de James Sallis (suite de « Drive »), globalement creux. DOA avec « Citoyens clandestins », s’il offre plein de bonnes choses, laisse assez mitigé quand on le referme : trop de texte pour finalement peu d’enjeux…
– Parmi les bons polars : une découverte avec Ross Thomas et son « Voodoo, Ltd », qui offre une ambiance proche d’un Elmore Leonard, ça se savoure ; Leonardo Padura Fuentes, qui mélange simplicité et son Cuba toujours aussi savoureux, « L’automne à Cuba » ; une très belle découverte également, « Bois-Brûlé » de Claude Amoz, véritable jeu d’entrecroisement où l’on se délecte au fil des pages.
– Philosophes divers avec entre autres le puissant « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman ; toujours Nietzsche, avec « La philosophie à l’époque tragique des Grecs » ; enfin le pertinent « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale » de Simone Weil.
– Poésie avec du Miguel Angel Asturias (guatémaltèque prix Nobel de littérature), détour japonais avec Bashô (merci Carmen !), « Gaspard de la nuit » signé Aloysius Bertrand et découvert en écoutant chanter Thiefaine (avec des airs rappelant Lautréamont, un régal par instants) ; « Les Orientales » de Victor Hugo.
– Essais, notamment les « Curiosités esthétiques » de Charles Baudelaire, dense et intelligent ; découverte de Laurent Jullier avec le très complet « Analyser un film » ; « L’histoire commence » d’Amos Oz, pertinent, mais qui réclame des références en littérature ashkénaze qui rendent difficile de l’apprécier pleinement ; pas mal de Tzvetan Todorov, « Introduction à la littérature fantastique », « La littérature en péril » et surtout « Poétique de la prose ».
– Petit tour antique chez les classiques avec Pindare et ses « Pythiques », également du théâtre d’Euripide, en particulier « Les Troyennes » et « Le Cyclope ». Dans les textes de références, « L’épopée de Gilgamesh » et « Les milles et une nuits » (troisième partie, toujours dans la traduction de Khawam).
– Réflexions autour de la BD et de ses figures tutélaires : « Le rire de Tintin », compilation d’articles assez géniale ; « Tintin et le secret de la littérature », des bonnes choses, mais aussi des faux pas qui me laissent mitigé ; les perspectives intéressantes de Peeters avec « Lire la bande dessinée » ; la biographie de « Goscinny » signée Marie-Ange Guillaume et José-Louis Bocquet.
– Auteurs renommés : « Conférences et discours » d’Albert Camus (dont une partie sort tout droit des « Actuelles », entre autres) ; également « Contes des mers du Sud » de Jack London.
– Témoignages du côté des « 50 ans de Lipp » de Marcellin Cazes, qui propose un tableau de l’évolution de Paris et d’une époque disparue ; « Les Russkoffs » de François Cavanna, merveilleusement écrit pour raconter sa vie autour de 39-45 ; d’Ernesto Guevara Lynch (le père), « Ici va un soldat d’Amérique ! », à réserver aux aficionados, car il n’apporte pas beaucoup de nouveautés sur le Che.
– Des réflexions contemporaines, « Dis-nous Latifa, c’est quoi la tolérance ? » signé par Latifa Ibn Ziaten (la mère d’Imad), simple et sans prétention (exactement ce que propose cette collection des Editions de l’atelier ; « Les lois naturelles de l’enfant » de Céline Alvarez, un tour d’horizon assez brillant, qui n’a rien de novateur mais rassemble une foule de données pertinentes ; le terrible « Avec les compliments du guide » de Fabrice Arfi et Karl Laske, bilan d’enquête autour de Sarkozy-Kadhafi et des enjeux politiques et financiers, une véritable bombe journalistique.
– Enfin, inclassables dans les listes précédentes, les critiques cinéma de Jean-Patrick Manchette, « Les yeux de la momie », un régal, encore plus quand on sait qu’il n’a vu pratiquement aucun des films (pour cause de claustrophobie et crises de panique) ; les textes de Charles Trenet publiés dans le recueil « Y a d’la joie » ; enfin une biographie des idées peut-être plus que de l’homme, le « Nietzsche » de Dorian Astor.
Bonne année 2018 !