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Flop flop flop…

Publié le 30 décembre 2017 par Morduedetheatre @_MDT_

Flop flop flop…

Critique de La Tempête, de Shakespeare, vue le 21 décembre 2017 à la Comédie-Française
Avec Thierry Hancisse, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe / Noam Morgensztern, Christophe Montenez, dans une mise en scène de Robert Carsen

L’annonce a fait l’effet d’une tornade au sein du Français : le célèbre Robert Carsen viendra mettre en scène un Shakespeare salle Richelieu. Décidément, la deuxième saison d’Eric Ruf fait de belles promesses… qu’elle ne parvient pas à tenir. Sur le papier pourtant, les photos sont belles, imposantes, presque sculpturales ; ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille, car ce ne sont pas les premiers adjectifs que j’associe à Shakespeare. Il n’est pas de ces auteurs à qui la fixité et le dépouillement siéent bien. Dommage, car c’est le choix qu’a fait Carsen en montant un spectacle à l’image froide, sans vigueur, presque éteint.

Prospero, anciennement duc de Milan, a été victime du goût du pouvoir de son frère, Antonio : avec l’aide d’Alonso, roi de Naples, il l’a fait jeter à la mer avec sa fille Miranda et ils se sont échoués sur une île dont Prospero est devenu le maître, avec l’aide de son fidèle esprit, Ariel. Cependant, Prospero prépare sa vengeance, et profite du voyage de la cour de Naples au abords de l’île pour provoquer une tempête qui fait échouer tous les personnages sur son domaine. Il tient alors sa vengeance, et passera le reste de la pièce à se jouer des naufragés.

L’histoire n’est pas des plus simples, et la mise en scène met bien peu de choses en oeuvre pour nous aider à l’apprivoiser. En réalité, j’ai rapidement peiné à suivre l’action tant le sens du texte lui-même semblait échapper aux comédiens. C’est à se demander quelle idée Carsen souhaitait réellement mettre en valeur, comme s’il avait fait le choix de cette scénographie avant même d’étudier le texte de Shakespeare, tant elle semble décorrélée de la partition. On notera même des petits contresens, où des absurdités, dans la scénographie de Carsen : à vouloir absolument rester dans sa scéno toute en noir et blanc, il va jusqu’à représenter Iris, la déesse de l’arc-en-ciel, et Cérès, la déesse de la moisson, associée à l’été, dans ces couleurs fades et qui ne semblent pas vraiment de mise.

Sur scène, un plateau presque nu et des murs blancs évoquent tout d’abord une atmosphère d’hôpital. A plusieurs reprises lors du spectacle, des vidéos seront projetées en fond de scène : utiles au début pour présenter les personnages, elles deviennent un peu lassantes lorsqu’elles ne représentent plus que la mer qui s’agite. Robert Carsen dit avoir voulu représenter l’espace mental de Prospero, et que pour cela, le dépouillement le plus pur s’imposait. De manière générale, cette mise en scène a quelque chose d’assez majestueux et, il faut bien le reconnaître, d’un peu pédant. L’idée du mur blanc pour laisser parler l’imaginaire de chacun, c’est du déjà vu avec Le Songe de Mayette il y a quelques années – à croire que Shakespeare laisse les metteurs en scène de la Maison bien désarmés.

Dans le texte pourtant, on retrouve cette profusion propre à Shakespeare : entre les scènes sérieuses liées directement à Prospero et qui portent probablement cette Tempête – mais je ne le saurais pas avec cette mise en scène, car j’y ai finalement compris peu de choses, on retrouve des scènes plus légères de comédie pures censées faire rire le public. Autant dire que c’était le calme plat dans la salle Richelieu. On aimerait redécouvrir l’amour, le désir pur, et le fantasme avec les jeunes amoureux, totalement étrangers à ce qui se passe autour d’eux, et dont le monde semble se réduire à leur couple. Mais aucune émotion à l’horizon. On aimerait, enfin, à travers le merveilleux personnage d’Ariel, retrouver la féérie propre à Shakespeare, ce brin de folie qui agite souvent ses pièces. Mais Christophe Montenez reste lisse comme de l’eau en bouteille.

Il faut dire que la mise en scène brime les comédiens qui doivent dire un texte en décalage avec leur environnement. Résultat, la plupart d’entre eux semblent en pilotage automatique. Bon, comme ce sont les Comédiens Français, ce n’est pas un jeu faux, mais pour qui les voit souvent – ce qui est mon cas – on reconnaît rapidement les facilités. A commencer par Michel Vuillermoz, qui joue de sa voix et de ses expressions sans direction claire et qui nous perd rapidement dans ses monologues. Gilles David, élément comique de la garde, rappelle un peu l’oncle Vésinet qu’il incarnait dans Le Chapeau de paille d’Italie. Seul Stéphane Varupenne parvient à tirer son épingle du jeu ; seulement, entouré de toute cette froideur, le comédien ne provoque que quelques rires parsemés ici ou là.

Robert Carsen n’a pas su diriger correctement le navire qui lui a été confié et provoque une noyade généralisée salle Richelieu. Déception. 

Flop flop flop…

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