C'est cependant à l'ambassade de Grande-Bretagne, 39, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris 75008, qu'un hommage lui fut rendu ainsi qu'à ses auteures, Anne Fine pour la rédaction de ses péripéties, et Véronique Deiss pour lui avoir donné un corps ... du moins en France parce que j'ai appris avec surprise qu'il n'y avait pas que le texte qui était traduit, les images aussi en quelque sorte puisque c'est un illustrateur différent qui est choisi dans chaque pays.
L'Hôtel de Charost est un somptueux hôtel particulier, préservé dans toute sa splendeur, y compris avec son mobilier d’époque.L'hôtel est resté le plus possible tel que Pauline Bonaparte l'a connu, avant de le vendre au Duc de Wellington.
La soirée fut très sympathique, et il est bien agréable de constater qu'on peut imposer une trêve depuis la mauvaise nouvelle du Brexit. Le mot est d'ailleurs le titre d'une oeuvre, posée sur un meuble de l'entrée, où l'on voit Churchill tendre la main à un soldat allemand, symbolisant les fraternisations qui eurent lieu à Noël en 1914.La nuit tombée ne nous a pas permis de goûter aux plaisirs du jardin que la neige a finement recouvert d'un voile blanc, particulièrement romantique vu depuis la verrière. Mais nous avons eu la chance de pouvoir déambuler dans les salons et les pièces du rez-de-chaussée pour admirer de près le mobilier et la décoration (voir description en fin d'article). Il vous faudra attendre les prochaines journées du Patrimoine pour faire de même. Nous nous sommes ensuite installés dans la salle de bal pour suivre les discours officiels. Lord Edward Llewellyn, Ambassadeur de Grande-Bretagne en France s'exprima le premier. Marié à une française, père de trois jeunes enfants, il a salué la popularité d'Anne Fine en France.
Bob Lewis, le nouveau directeur du Bristish Council a insisté sur sa volonté de développer les partenariats. Et naturellement, Louis Delas, le directeur de l'Ecole des loisirs a souligné les 20 années de collaboration avec Anne Fine, dont 7 livres consacrés aux aventures du Chat assassin, en annonçant la probabilité d'un dessin animé dans les mois qui viennent.
Comme à son habitude, Anne Fine a répondu avec franchise et sans langue de bois aux questions de Maya Michalon. Il vaut mieux pour tout le monde que je sois devenue écrivain sinon j'aurais commis des meurtres, a t-elle déclaré.
On comprend qu'elle se soit incarnée de son vivant dans la personnalité d'un chat, même si et peut-être parce que elle n'aime pas du tout cet animal. Elle a juré que jamais elle ne mettrait sur un mur un portrait de ce personnage pourtant si populaire.Et pourtant lorsque son illustratrice Véronique Deiss lui fait cadeau d'un dessin original (et même de deux !) elle semble concéder avec une certaine joie qu'elle va s'y résoudre. Les croquis sont suffisamment subversifs pour réussir à la convaincre. Véronique Deiss dessine les expressions au pied de la lettre, ne cherchant jamais à adoucir (à l'inverses des versions originales anglaises). Alors gageons qu'Anne s'amusera en les accrochant.
Anne Fine est étonnante, très sympathique quel que soient ses propos, souvent exagérés, par provocation ou par dérision. Il est difficile de se faire une idée précise et de savoir quand elle dit vrai et quand elle déforme la réalité. Les français ont bien compris que tout cela n'est qu'une posture et l'acceptent sans réserve. Seraient ils plus sensibles à l'humour dit anglais que les britanniques eux-mêmes ?
Il faut reconnaitre que ce chat et d'une telle mauvaise foi qu'il en devient attachant alors que rien dans son comportement n'est prévu pour attirer la sympathie. Quand il fait une bonne action, c'est un hasard, une maladresse en quelque sorte. L'écriture de Anne Fine est très précise, sans concession, et la traduction respecte ce point de vue. L'illustration également. Quand on compare son allure actuelle avec la couverture du premier opus on remarque que l'animal a bien vieilli depuis 20 ans. Son nez s'est épaissi. Véronique confesse, avec son charmant accent alsacien, qu'elle s'est inspirée ... de son chien, sans doute pour lui donner une certaine férocité.
Anne a été très sollicitée pour une longue séance de dédicace qui ne lui a pas laissé beaucoup de temps pour gouter les toasts au saumon et les bulles d'une cuvée classique de Nyetimber. Ce fut une découverte pour moi qui ne pensait pas qu'un vin effervescent pouvait rivaliser avec le champagne. Celui-ci est le résultat d'un assemblage de chardonnay (62 %), pinot noir (19 %) et pinot meunier (19 %). Il est produit dans le Sussex, par une maison qui est le fer de lance des producteurs de sparkling bubbles britanniques. J'ose dire que j'ai aimé.
Anne Fine est née à Leicester en 1947. Elle a étudié l'histoire et les sciences politiques à l'université de Warwide et a enseigné à Coventry, à Sanghton Jail et à Edimbourg. Les livres qu'elle écrit pour la jeunesse lui valent un énorme succès. Quand papa était femme de ménage, a inspiré le film Madame Doubtfire avec Robin Williams. L'École des loisirs a publié plus d'une vingtaine de ses ouvrages. En 1986, elle publie son premier roman pour adultes Un bonheur mortel.
Avec l'hôtel d'Évreux – aujourd'hui l'Élysée –, l'hôtel de Charost est le dernier des hôtels du début du XVIII° siècle à encore se dresser rue du Faubourg-Saint-Honoré. Il faut l'imaginer à sa construction, au milieu de fourrés et en pleine campagne. Le corps de logis et les pavillons d’entrée ont été construits entre 1722 et 1725 pour Armand de Béthune, second duc de Charost et gouverneur de Louis XV, par l’architecte, ingénieur militaire et cartographe Antoine Mazin (1679-1740), qui a également construit l’Hôtel de Matignon.
Inhabité pendant la Révolution, l’ensemble est acheté en 1803 par Pauline Leclerc, la sœur préférée de Napoléon, âgée de 22 ans et veuve elle aussi. En 1804, le Premier Empire est proclamé et il devient résidence impériale sous le nom de Palais Borghese puisque Pauline a épousé en secondes noces le prince de Borghese Elle s'empresse alors de rénover le palais selon ses goûts. Aujourd'hui, la plupart des meubles, des objets, des lustres, des pendules datent encore de son passage.
Le duc de Wellington l'achètera à Pauline Borghese au nom de George III en 1814, pour y ouvrir la première ambassade de Grande-Bretagne permanente à l’étranger. Ce qui peut paraître amusant, c'est que les louis d'or remis par Wellington à Pauline pour l'achat de l'hôtel servirent finalement à Napoléon pour financer son retour de l'ile d'Elbe.
En 1833, le musicien Berlioz y épousa l'actrice irlandaise Harriet Smithson avec pour témoin le pianiste Lisz. En avril 1874, les parents de Churchill s'y marièrent également et, dit-on, y conçurent leur valeureux fils la même nuit. Churchill serait donc un tout petit peu français… A l'inverse, et toujours en 1874, la mère de l'écrivain Somerset Maugham se fit transporter d'urgence à l'ambassade pour y accoucher en terre britannique afin que son fils ne fût pas français. On ne doute pas être sur un morceau de territoire de sa Majesté dont le portrait orne discrètement la table.
Toutes les aventures du Chat assassin ont été publiées à l'école des loisirs, dans les traductions de Véronique Haïtse et avec les illustrations de Véronique Deiss.