L’essence du réel c’est de ne pas avoir de double, que des singularités Clément Rosset
Si je jette un regard en arrière sur les 50 ans qui se sont écoulés depuis Mai 68 et mon arrivée à l’âge adulte, qu’aurais-je envie de souligner ?
Malgré tout, nous avons vécu dans un monde plutôt plus en paix qu’en guerre qu’auparavant. Le nombre de conflits majeurs a diminué de moitié en trente ans. La pauvreté a plus diminuée, même s’il reste 800 millions de personnes sous deux dollars par jour, ce qui ne constitue que 12 R0de la population, contrairement à près de 50 RC il y a cinquante ans. Ce n’est pas vraiment perçu, sans doute par ce que le patrimoine des ultra-riches a fortement grandi.
En France, le taux de pauvreté est croissant depuis 20 ans. Ne serait-on pas dans un processus de vases communicants avec les pays émergents ? Néanmoins la consommation a triplé dans notre pays. La part réservée à l’alimentation et à l’habillement s’est nettement réduite au profit du logement et des transports, de la santé, de la communication et des loisirs. Même la baguette coûte environ deux fois moins qu’en 68 rapporté au salaire horaire).
Nous avons vu l’arrivée de trois grandes Puissances, le Japon, l’Inde et la Chine, qui, comme me l’avait prédit ma grand-mère, dans les années 60, joue avec succès au Monopoly planétaire.
Le Monde a enregistré la forte poussée de l’Afrique (seul continent en retard sur la question du contrôle des naissances), les tentatives encore fragiles de l’Amérique du sud de se détacher des USA, la fin du bloc soviétique, le déclin du socialisme, la sortie de la grande Bretagne d’une Europe passée à 27.
Le Monde n’a pas réussi à faire la paix au Moyen-Orient, à éviter les massacres au en Yougoslavie, au Rwuanda, en Syrie, en Birmanie, et dans d’autres endroits.
Le nombre de suicides reste supérieur à toutes les victimes de guerre et de catastrophes. Mais cela ne fait pas de bruit.
Notre Monde a vu la forte poussée de la libération de la femme en Occident, et du droit de vivre comme on veut, sans être jugé.
Depuis 30 ans la poussée de l’intégrisme musulman aussi intolérant que l’intégrisme catholique au 16 ème siècle, pose soucis.
L’Homme a marché sur la Lune, a inventé la procréation assistée (bientôt l’utérus artificiel ?), les OGM (on est capable d’injecter un gène de Chameau dans un pied de vigne pur guérir d’une maladie), le réseau neurologique de communication qu’est le Web lié à l’ordinateur portable et a connu une forte poussée de la robotique, célébrée par le premier mariage d’un humain avec un robot au Japon en 2017.
La révolution de l’immunothérapie (qui permet de réactiver les lymphocytes) donne de beaux espoirs dans le traitement des cancers…
Les structures neuro morphiques vont s’implanter dans les ordinateurs qui vont devenir quantiques, c’est à dire en capacité de traiter les analogies. Cela va impacter fortement la société.
Nous avons intégrés, sans doute pour la première fois depuis 1a sédentarisation, que notre toute puissance avait des effets pervers qui se nomment réchauffement climatique, acidification des océans, pollutions diverses des terres et des mers, maltraitance des animaux domestiqués, diminution phénoménale de la fécondité masculine, inquiétantes disparitions d’espèces…
L’idée de pouvoir s’extraire de la bio diversité et de pouvoir dépasser notre condition animale est délétère.
Diviser par dix la consommation des énergies fossiles, ce n’est pas de la rigolade. Empêcher que la planète Terre développe une forte fièvre ( en réalisant qu’une augmentation de 4 °, équivalent à la variation depuis l’âge glaciaire, c’est aussi que grave d’avoir la température du corps passer de 37 ° à 41 °).
L’extraction de minerais a été multipliée par 27 au cours du vingtième siècle. Même les ressources renouvelables s’épuisent ( ex pêche)
Conserver les sites clés est essentiel pour la bio diversité, dont seulement 1/3 sont protégés (c’est pour cela, qu’il faut abandonner NNDL). En effet, le taux d’extinction des espèces est 100 fois supérieur aux extinctions classiques.
Il ne suffit pas de conserver la diversité, il faut veiller à un bon degré de connexion entre les espèces (connectance), à la place des liens et aux modes de distribution au sein du réseau. Ce n’est pas rien.
C’est pour cela qu’il est vital de rénover nos démocraties qui sont à peine capables de gérer la diversité.
Les richesses se sont plus concentrées aux mains d’un petit nombre qui en profite pour fuir les impôts et investir dans une illusoire immortalité.
Les neuro sciences ont pris l’ascendant sur la psychanalyse. Reste largement à mieux considérer que les grandes découvertes se nourrissent de l’inconscient et qu’on a besoin de se souvenir et d’oublier. On a besoin de mieux contacter la cyclicité du temps pour faire face aux rouleaux compresseurs que sont l’immédiateté et la certitude.
La théorie du chaos, des systèmes loin de l’équilibre, de l’interdépendance systémique, de l’autorégulation créatrice sont en train de changer notre regard, mais cela prendra du temps. Des théories comme celle de l’ordre impliqué de David Böhm qui mettent le temps et l’espace comme conséquences d’un ordre plus profond pourront faire des percées. Rappelons-nous que nous n’avons collectivement pas encore tirés les leçons de théories de l’incomplétude qui ont plus de 80 ans, et nous sommes englués dans le supermarché du visible ainsi que dans une course vaine à l’immédiateté.
Une nouvelle génération est en train d’apparaître qui voit moins les choses de façon binaire. L’alternative Socialisme ou Barbarie ne fait plus recette. Et ne sera pas remplacée par Ecologie ou Barbarie, car le gloubi-glouba est toujours une voie possible.
Cette génération est en train de déployer un nouvel imaginaire, que nos recherches estiment pouvoir vivre aussi longtemps que le socialisme. Ce nouvel imaginaire, en considérant aussi important l’aspect sensible, que les aspects concrets et conceptuels des choses, sera donc ternaire, et mettra l’auto ajustement au cœur de tous les dispositifs, rendant obsolètes les organisations pyramidales qui régnaient en maître.
La multi appartenance de fait, va imprimer les consciences et « ringardiser » les oppositions qui ont structuré les deux derniers siècles.
Si le club de Rome avait posé « penser global et agir local », nous allons aussi vers un penser local et un agir global.
Il nous reste à réfléchir sur ce que nous avons vraiment envie de voir croître, à amplifier la résilience locale et à mettre en place une nouvelle articulation entre les individus, les collectifs et la société.
La tendance à l’augmentation du poids des entreprises ne va pas cesser, car les Etats se sont montrés frileux face à la mise en réseau du Monde. Le droit extraterritorial sera une des avancées majeures. Les formes de collectes des impôts doivent se renouveler drastiquement. On verra ainsi l’existence de nouveaux marchés alimentés par des ressources para fiscales
Le Progrès ne sera plus à sens unique, il se nichera dans l’aptitude à embrasser passé, présent et futur, à reconnecter le temps cyclique ; à devenir plus économes en énergies dégradables, à accueillir les futures migrations, à être capables de résister aux effets pervers d’Internet que sont la police généralisée, la dictature du nombre et la pollution des fakes, à créer partout du lien…
La dynamique du « et », encore dans l’enfance, va petit à petit entrer dans l’adolescence. Elle rendra possible tout ce qui conforte l’autonomie du penser et le déploiement d’une création respectueuse des fragilités du vivant, en améliorant les régulations de notre techno nature, en retrouvant le goût des grands projets et des innovations respectant les droits de l’homme (pour rebondir sur les travaux de Thierry Gaudin en 1990).
L’écologie doit ainsi se transformer en une force progressiste, cessant de chercher à revenir à un passé idéalisé, en définissant des nouveaux horizons de souveraineté, de subsidiarité et de justesse.
La bataille principale dans le champ éducatif consistera à introduire « Le connais toi-même » dès le plus jeune âge ainsi que la pédagogie de projets collectifs atour, d’un objectif partagé à faire accepter : discerner, penser, entreprendre.
Ce que montre la dissonance cognitive c’est qu’il ne suffit pas de produire des arguments pour convaincre, car nos réactions sont pilotées par nos émotions qui dépendent du contexte dans lequel on vit et des normes sociales.
La tâche numéro 1 restera donc de cultiver le calme intérieur et la triple pêche (concrète, sensible et conceptuelle) pour pouvoir accueillir les initiatives susceptibles de nous plonger dans un univers respectueux des eco-systèmes.
Un univers où la liberté s’appuyant sur des individus souverains aura su inventer les cadres adéquats et les modalités d’auto transformation, à l’aide des nouvelles technologies et d’une justesse sensible appropriée.