C'est un mur qui accroche à chaque fois mon regard et pris de honte, toujours, je finis par baisser les yeux et passer devant en serrant les fesses. Un mur aujourd'hui dégradé qui prenait du temps de sa splendeur toute sa place, bien centrale, dans l'ergonomie décorative de l'hôtel-de-ville selon le projet initié au début des années 70 et achevé en 1974. Nous sommes face à un délaissé que l'on peut habiller de toute la panoplie habituelle pour le désintérêt public, du personnel politique, de l'œuvre artistique lorsqu'il n'y a pas le rapport d'un bénéfice à en tirer. Il y a un laisser aller qui se renforce par l'incontinence culturelle - maladie de notre consumérisme social qui nivelle au niveau le plus bas le sens même de la Culture, du patrimoine culturel. Et pour achever le constat on atteint l'apothéose avec le cortège des bonnes excuses prêtes à oblitérer toute responsabilité comme la litanie larmoyante de l'argumentaire économico-administratif des botteurs en touche patentés.
C'est devenu l'exemple d'un art que l'on assassine sans avoir à prendre un air de façade justificatif pour le faire ! A force d'acharnement cet art se meurt, cet art est un art mort par opposition à celui bien vivant, du moins qui s'en approprie la qualité, qui bénéficie de toutes les attentions. Parce que c'est cet art qui rafle toutes les mises dans les grands casinos budgétaires sous influences de ces artistes ou ces " artistes " que draguent les élites municipales pour grappiller un peu de vernis pour s'en accoutrer et paraître ! Et depuis des années, celles où poussent les jungles qui engloutissent et masquent les bâtisses pour en accentuer l'aspect de ruine, ces vivants éloignent la mort, dissolvent leur crime dans l'oubli et l'incontinence d'une pensée collective ajustée aux normes des bonnes œuvres qui se doivent de distraire, de montrer mais si peu, et de faire apparaître comme sorte d'épouvantail à l'art populaire dont ils commercent ceux qui finissent par pointer le doigt sur ce crime organisé. Le saltimbanque ne m'éblouit que lorsqu'il est pris comme modèle par Picasso et la Parade me séduit lorsqu'elle est orchestrée par Satie avec la complicité des Cocteau et Picabia ! A Fontenay il me plairait tant de pouvoir admirer le jeu facétieux et quotidien de la lumière sur les géométries cinétiques de l'œuvre monumentale d'Yvaral: Structure changeante! C'est une façade animée que nous avions et qui avait été projeté par le choix de Louis Bayeurte pour l'œuvre de maître incontesté du cinétisme. Ces dynamiques donnaient le ton et le tempo aux politiques qu'il voulait entreprendre pour cette ville qui était à repenser, à reconstruire ! Louis Bayeurte était de cette espèce d'élus qui savaient lire l'art et en donner à apprécier toute sa mesure à ses concitoyens. Ce mur enlaidi est aujourd'hui une offense politique et morale à Louis Bayeurte et l'enjeu politique aujourd'hui est dans l'art spectacle comme l'avais de façon pertinente et prémonitoire senti Guy Debord ! Je me souviens de ces années Chat où la ville s'inscrivait dans un processus d'éducation artistique et graphique à l'intelligence. Ces années Chat où l'art était dans la rue avec moi, vous, nous les piétons happés par une image qui nous livrait un message de responsabilité citoyenne, d'éducation au sens artistique pour dépouiller le spectacle envahissant d'une société consumériste abrutissante et déresponsabilisante ! Magie des plasticiens qui venaient éveiller nos murs et pour réveiller notre mur de l'Hôtel de Ville il faut qu'un terme puisse être mis à cette déliquescence et que nos vivants en viennent à ressusciter ce mort et les connaissant, comme adeptes du rebond pour reprendre la place ils en feraient bien un spectacle avec pirouettes cacahuètes pour à l'applaudimètre trouver bonne conscience justificative de ce partage !
En tout cas j'ai pris aujourd'hui des résolutions fermes dans mon mandat, que je ferais partager, pour que l'exclusion artistique illustrée par le délitement de cette façade et l'œuvre majeure d'un grand artiste témoin d'une recherche artistique d'une époque où Louis Bayeurte pris le soin de développer notre ville dans une recherche esthétique liée à une éthique sociale puisse perdurer au profit d'autres projets. Le spectacle vivant doit savoir partager et si son appétit grandit il doit s'attacher à la répartition équitable des plats et surtout si ceux-ci sont des deniers publics ! Cette lèpre doit disparaître et retrouver ce rythme enivrant du cinétisme qui fascine le spectateur.