L’esprit ne peut pas dormir, ne peut que rester éveillé
à se goinfrer, écoutant la neige se rassembler
comme pour un ultime assaut.
II voudrait que Tchekhov soit là pour lui administrer
quelque chose – trois gouttes de valériane, un verre
d’eau de rose – n’importe quoi, ça lui serait égal.
L’esprit voudrait sortir d’ici,
s’en aller dans la neige. II voudrait galoper
avec une meute de bêtes hirsutes, tous crocs dehors,
sous la lune, à travers la neige, ne laissant
ni traces ni fumées, ne laissant rien.
Il est malade cette nuit, l’esprit.
*
Winter Insomnia
The mind can’t sleep, can only lie awake and
gorge, listening to the snow gather as
for some final assault.
It wishes Chekhov were here to minister
something—three drops of valerian, a glass
of rose water—anything, it wouldn’t matter.
The mind would like to get out of here
onto the snow. It would like to run
with a pack of shaggy animals, all teeth,
under the moon, across the snow, leaving
no prints or spoor, nothing behind.
The mind is sick tonight.
***
Raymond Carver (1938-1988) – Les feux (Editions de l’Olivier, 2012) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par François Lasquin.