Un article de l'Augsburger Anzeigeblatt du 8 novembre 1865 (pp. 2 et 3) défend les choix théâtraux du jeune Roi Louis II de Bavière alors âgé de 20 ans contre les ultramontains* ultra-conservateurs qui font campagne contre la politique culturelle du Roi et contre le voyage en Suisse qu'effectua le Souverain début novembre au lac des quatre-cantons en compagnie de son aide-de-camp, Paul de Tour et Taxis. Les ultramontains condamnaient le pèlerinage du Roi au Tyrol et au lac des Quatre-Cantons, sur les lieux où est née l'histoire de Guillaume Tell, le héros de l'indépendance suisse, fondateur de l'identité nationale de ce pays, alors que le Roi de Bavière n'avait même pas songé faire un crochet vers l'abbaye suisse de Maria Einsiedeln pour aller y prier la Vierge noire et lui présenter ses respects...
L'article fait aussi allusion au surnom donné par les Bavarois à Richard Wagner, le "Lolus" de Louis II, un surnom créé en créant un masculin au prénom Lola, une allusion à Lola Montès, la danseuse qu'avait aimée le Roi Louis Ier, qui avait dû abdiquer suite à la révolte des Munichois contre cette liaison scandaleuse. Richard Wagner dut quitter Munich en décembre 1865 suite à la cabale et à la campagne menées contre lui.
Coupure de presse
Augsburger Anzeigeblatt du 8 novembre 1865 (fin de la page 2)
Id., Page 3
Transposition en caractères latins
"Bayerisches
München, 6. Nov. Don Carlos und Tell gehen unverstümmelt über die Bühne; der König besucht die heiligen Stätten der schweizerischen Freiheit und denkt nicht an einen Abstecher nach Maria Einsiedeln - das ist unseren Ultramontanen zu viel. Sie verhehlen ihre Wuth nicht mehr und gehen ihr nicht blos im Privatgespräche Ausbruch; der Zuspruch im Beichtstuhl wirkt zu langsam; - von der Kanzel herab wird gedonnert; der "Volksbote" und die übrige Organe der Klerikei murren vernehmlich über die neue Aera, welche an den Werken des auf dem Inder stehenden ketzerischen Schiller Gefallen findet und mit der jesuitenfeindlichen neuen Eidgenossenschast sympathisirt. Don Carlos, wie Schiller ihn gebildet, aus der Hofbühne! Das ist unerhört, das ist unerträglich, das ist Abfall vom Glauben! - so hörte ich in den letzten Wochen häufig ausrufen in Zirkeln, die man hier zu den besseren rechnet. Namentlich Angehörige der höheren Bureaukratie sind es, die mit den tonsurirten Ultramontanen Chorous machen, und ein Mitglied dieser höheren Bureautkratie ist es auch, dem man das von einem Bischof- Reichsrathe als "sehr gut" bezeichnete Witzwort "Lolus-Wagner" verdankt. Unglaubliche Anstrengungen werden gemacht, um die Gefahren, welche die "Religion" bedrohen, bald zu beseitigem ; das alte Reich des Dunkels ist allarmirt durch das hereinbrechende Licht der Wahrheit, dieser unerbittlichen Feindin des Jesuitismus. - Die Stimmung des bayerischen Volkes im Allgemeinen ist ader kaum geeignet den Ultramnontanen besondere Siegeszuversicht einzuflößen. Allenthalben im Lande äußert sich laute Freude über des jugendlichen Monarchen Liebe zur Wahrheit. Mit hoher Begeisterung hört man aus schlichter Leute Mund die Hoffnungen schildern, die sich an die Regierungstüchtigteit eines Königs knüpfen, der sich von Vorurteilen frei zu machen und eine seltene Ursprünglichteit der Auffassung zu bewahren versteht. Was erwarten die Ultramontanen von einem Kampfe, in dem sie König und Volk zum Gegner haben? - Ich behalte mir vor, dem nächstens die Schleichwege zu zeigen, auf denen unsere gesuiti moderni wandern, und Sie mit einigen ertappten Intriguanten bekannt zu machen, die vielleicht jetzt schon bereuen, aus die Unbesiegsbarkeit der Klerikei zu fest sich verlassen zu haben.
Traduction libre en français (traducteur Luc Roger)
"Munich, le 6 novembre Don Carlos et Tell sont montés non expurgés sur la scène; le roi visite les lieux saints de la liberté suisse et ne pense pas à une visite à Maria Einsiedeln - c'en est trop pour nos ultramontains. Ils ne cachent plus leur rage et n'explosent pas seulement dans leurs conversations privées; les recommandations via les confessionnaux agissent trop lentement ; c'est en chaire de vérité qu'ils tempêtent à présent; le « Volksbote »(**) et le reste des organes du clergé se plaignent bruyamment de la nouvelle ère, qui s'appuye sur les œuvres de l'hérétique Schiller et sympathisentavec la nouvelle confrérie jésuite hostile jésuite. Don Carlos, comme Schiller l'a fait, sur la scène du théâtre de la Cour! C'est inouï, c'est insupportable, c'est de l'apostasie! - voila ce que j'ai souvent entendu au cours des dernières semaines souvent s'exclame dans les cercles que l'on considère ici pour les meilleurs. En particulier parmi les membres de la haute bureaucratie il y en a qui font chorus avec les ultramontains tonsurés, et c'est aussi à un membre de cette haute bureaucratie que l'on doit la boutade « Lolus-Wagner », qu'un évêque conseiller d'Empire considérait comme « très bonne » . Des efforts incroyables sont déployés pour éliminer les dangers menaçant la "religion"; le vieux royaume des ténèbres est alarmé par la lumière naissante de la vérité, cet ennemi implacable du jésuitisme. Cependant l'humeur du peuple bavarois ne convient guère pour inspirer aux ultramontains une confiance particulière dans la victoire. Partout dans le pays, on célèbre avec une grande joie l'amour du jeune monarque pour la vérité. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que l'on entend de la bouche des gens simples les espoirs attachés à la royauté d'un roi capable de s'affranchir des préjugés et de conserver une rare originalité d'opinion. Qu'est-ce que les Ultramontains attendent d'un combat où ils ont le roi et le peuple comme ennemis? - Je me réserve le droit, la prochaine fois, de montrer les chemins cachés qu'empruntent nos Gesuiti moderni et pour vous présenter quelques intrigants pris en flagrant délit, qui sont peut-être déjà désolés d'avoir compté sur l'invincibilité du clergé."
*L’ultramontanisme est une orientation favorable à la primauté, spirituelle et juridictionnelle, du pape sur le pouvoir politique (en matière religieuse et notamment de nomination des évêques).
**Le Volksbote fut un journal munichois catholique conservateur, publié entre 1848 et 1872.