Car, en quoi est-il attachant, ce petit bonhomme rondouillard, si peu expressif, si peu liant, si souvent déprimé. Pourtant on lui voue la même admiration que «ses gens» pour qui Smiley, même mis sur la touche, reste le number one, le plus grand, le plus intelligent. Il ne fait pourtant pas étalage de la fulgurante de son cerveau et de sa mémoire phénoménale, présentant souvent le faciès, sinon d’un demeuré, tout au moins d’un petit fonctionnaire sans envergure. Ce qui est d’ailleurs une facette de sa force. Et puis c’est un ambivalent, Smiley! Rien n’est blanc ni noir. Il est à la fois convaincu de son droit et sûr de rien. Il a la foi et doute en même temps. Il se croit intègre tout en pensant parfois n’être que l’envers de la médaille de la brute totale qu’est son ennemi de toujours: Karla.
On se doute bien que ce dernier tome de la trilogie remettra notre fin limier sur les traces de la bête. Mis à la retraite contre son gré, on le rappelle à titre privé pour faire la lumière (ou plutôt pour balayer les miettes sous le tapis) sur une affaire, un crime, qui porte la signature de Karla. Plutôt que d’étouffer l’affaire en faisant passer la victime pour un vieux fou comme on le luis souffle à l’oreille, Smiley monte en douce la preuve qui obligera les services secrets britannique à lui permettre d’aller au bout de sa traque. Je ne vous dirai pas comme se termine l’affaire ni si elle s’avère un succès, mais je vous laisse le plaisir de découvrir toute la finesse de Le Carré lorsqu’il s’agit de conclure.
Pour le reste, c’est du Le Carré à son meilleur. Toujours la même écriture vive, inventive, le même don des descriptions, des atmosphères, des portraits. Du bonheur. Même si je n’ai pas tout compris et que j’aurais intérêt à relire la trilogie si elle ne courait sur un total de 1488 pages!
John Le Carré, Les gens de Smiley, Éditions du Seuil, coll. Points, 1980, 431 pages