Alors que résonnent dans nos maisons feutrées les voix enfantines de nos elfes qui s’extasient et que répondent en écho celles de notre enfance toujours présente, prenons de la distance avec les écrans bleus de nos tablettes, les contingences de nos vies normées. Et s’il existait vraiment ce Petit Peuple de la forêt décrit dans les grimoires ? Le simple fait de l’évoquer et il existe, il reprend vie, il nous parle et nous enchante.
Durant le solstice d’hiver, c’est une célébration ininterrompue, une floraison de rumeurs festives où chaque arbre est divinisé, entouré d’une pluie de lucioles qui rappellent nos sapins décorés. Le calendrier celte est suivi à la lettre par une assemblée d’esprits habiles et rusés. L’énergie tellurique de La Vouivre serpente d’allégresse sous les racines encore feuillues de ces arbres parfois inversés qui s’enfoncent dans la Terre-Mère, Celle qui nourrit nos voyages chamaniques.
J’ai tenté de les suivre au fil de mes hivers, des hivers qui s’étirent dans un temps différent, dans un espace multidimensionnel, ici et ailleurs, celui des langages secrets, elfiques. J’ai entendu le tambour, les graines sonores du hochet dans toutes les directions, les coups brefs du bâton de parole, les appels de l’animal-pouvoir. Des résonances sourdes se font pressantes sous l’écorce de la peau. Le cœur palpite de rythmes nouveaux sous les doigts fébriles de Celui qui joue du tambour céleste.
En cette période particulière où la blancheur des nuits attend le renouveau de la nature, partir à la rencontre des arbres de sagesse est une bénédiction. Célébrer en leur présence sa propre résurrection est un présent inestimable, une perle de vie précieuse comme une goutte d’eau lustrale. Peut-être nous transmettront-ils leurs mantras magiques pour fêter dignement les festoiements de l’hiver ? Ils nous attendent et déploient leurs ramures pour couvrir notre temple intérieur.
A peine franchi le gué qui mène à l’autre rive, celle des arbres-maîtres, que le sureau déploie devant vous ses branches décharnées qui accueillent chaque été les fleurs de la Déesse Blanche et ses baies couleur d’encre. Mais aux premières gelées, ce sont les sorcières qui s’abritent sous sa feuillure à sortilèges. Pourtant le sureau contient bien des trésors médicinaux qui soignent les refroidissements et les inflammations. C’est au cœur de l’hiver que vous entonnez son mantra celte : Ruis. Sa sonorité évoque le ruisseau, le ruissellement de l’eau. Enduisez votre bouche et vos lèvres de ce suc de sureau qui protège le corps des rigueurs des frimas.
Le mantra Beth craque comme l’étincelle dans l’âtre. Il marque le commencement d’un nouveau cycle, d’une nouvelle saison. Il correspond au bouleau qui est à la fois l’arbre de fin de décembre et celui de la nouvelle année avec ces feuilles qui pointent très précocement. Certains rituels celtiques utilisaient une baguette taillée dans son bois pour chasser les mauvais esprits. Il avait pour vocation de calmer les agités mais aussi de fouetter les délinquants. Beth est un mantra qui vous aide à traverser l’hiver et à calmer les peurs irraisonnées. Entonnez sa syllabe magique pour vous redonner du cœur à l’ouvrage et réchauffer votre cœur.
Le mantra Ailm fête le premier jour de l’année, celui de l’épicéa qui symbolise l’enfantement. Sa vibration est telle qu’elle peut se passer d’explication tant elle fait entendre le mot Aime. Un amour inconditionnel qui se répand dans toutes les forêts du monde, celles des arbres-maîtres, mais aussi dans chaque arbre vertébral de chaque être sur terre. Si vous vous adossez à un autre dos « chantant », sa sève monte et atteint l’arbre de l’univers dont les branches tintinnabulent par la force de votre amour.
En chantant Ailm, vous célébrez votre enfant intérieur pour commencer l’année. Prenez-le par la main et refaites ensemble vos premiers pas dans le sable de l’an neuf. Ressentez cette extraordinaire pulsion vitale qui anime chacun de vos pas, bientôt rejoints par d’autres qui se dirigent dans la même direction que vous, vers la résonance pure – celle des êtres réalisés – un « monde blanc » que les celtes appellent le Gwenved.
Philippe Barraqué, musicothérapeute, musicologue, auteur
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