Début 2017, Marie Dasylva, trentenaire, crée Nkali Work. Cette agence accompagne les personnes victimes de discriminations au travail en tant que femmes et du fait de leurs origines supposées. Afriscope a rencontré sa fondatrice.
« Nkali Work est le nom d’une nouvelle agence d’empowerment et de stratégie dédiée aux femmes racisées et leurs problématiques professionnelles », lisons- nous sur la page Facebook de cette initiative. Nkali, « ça veut dire pouvoir en yorouba, et c’est un mot utilisé par l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie, en lien avec le fait de s’approprier sa propre narration », nous explique Marie Dasylva, à l’origine de ce projet. Après un licenciement en 2014, elle quitte le secteur de la mode pour devenir, 2 ans plus tard, entrepreneure et coach. Sa spécialisation ? « Mettre en place des réponses à l’environnement toxique et harcelant que les femmes racisées peuvent endurer au quotidien. Il y a beaucoup d’exemples de minorisation et de stigmatisation. Par exemple une femme se faisait appeler « la gheisha », une autre « la panthère ». Dans presque tous les cas il y a une récurrence : un nouveau collègue, blanc, qui gagne 500 euros de plus par mois ». Marie Dasylva a trouvé le moyen de transformer sa sensibilité et son empathie en outils de travail pour aider « ses pépites », c’est-à-dire ses clientes. « Leurs victoires quotidiennes sont les miennes aussi. J’attends toujours avec impatience de savoir si notre stratégie a marché. » Sa méthode ? Environ une fois par mois, elle organise des rencontres itinérantes, dans Paris, dont le but est de permettre à la personne d’avoir des instruments avec lesquels modifier un réel qui ne lui convient pas : « Je ne me situe pas dans le développement personnel, car il est au long cours. J’offre une solution immédiate, pragmatique, qui est potentiellement durable ». Ses conseils vont de la posture du corps à assumer, au regard à afficher, en passant par le choix des mots et des punchlines avec lesquels se faire respecter sur son lieu de travail. « Les personnes racistes et sexistes, ne sont pas inventives. Alors que moi j’innove et j’arrive justement à prendre le pouvoir. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’on connait mieux l’oppresseur qu’il se connait lui-même », affirme Marie.
Les réseaux sociaux : un moyen de lutte
Aujourd’hui les workshops accueillent entre 15 et 20 personnes : « T’as la petite étudiante, la personne qui travaille au Mac Do, l’avocate, l’informaticienne : j’ai des profils extrêmement divers et variés. Mes clientes ont de 20 à 50 ans. Concernant les origines c’est le melting-pot. J’ai des pépites africaines, asiatiques, arabes ». « Mon but aujourd’hui c’est de conseiller des femmes comme j’aurais voulu être conseillée moi-même » ajoute celle qui a cheminé avant d’en arriver à la nécessité de « Nkali Work ». Elle souligne l’importance de la lecture de l’article « Les femmes noires diplômées face au poids des représentations et des discriminations en France » de Carmen Diop. Elle se souvient aussi des premiers ateliers de coaching organisés avec les blogueuses afroféministes Mrs Roots et Po B. K . Lomami, où des femmes noires se retrouvaient pour parler de leurs soucis. Puis, elle a pris son envol seule. Marie se définit comme une « twittergirl » et explique avoir fait son éducation féministe sur ce réseau social, et de l’utiliser à son tour comme outil de transmission. @nkaliworks est une véritable page d’expression avec le hashtag #jeudisurvieautaf, une rubrique hebdomadaire où elle raconte des cas de racisme-sexisme. À savoir, que si ses workshops sont payants, ils sont tout de même accessibles aux personnes
en grande précarité grâce à des dons finançant des places gratuites. Nkali est le début d’une aventure répondant à un besoin, une étape brisant le silence des harcèlements sexistes et racistes.