(Brèves de lecture), Claire Le Cam, Cyrille Martinez, Daniel Biga

Par Florence Trocmé

Claire Le Cam, des lignes de janvier à avril valent pour tous les mois et toutes les lignes, coll. Pas de côté, éditions Isabelle Sauvage, 24 p., 5€
Un tout petit livre concentré est celui-ci, en un petit format de carnet de poche. Où la poète, déclinant fébrilement le mot « ligne » depuis ses homographes (suivant le train d’une ligne de métro comme ligne de conduite afin de se mettre en ligne vaille que vaille) en une petite prose dense et alerte, au rythme d’un apparent exercice de style quenaldien, où la poète mène à grande vitesse une phrase sans ponctuation aucune ni fausse ponctuation (la majuscule) (Claire Le Cam est directe) pour exprimer une nécessité qui fait défaut dans la pratique parfois pour raison de panne de cerveau ou de fatigue et de bien d’autres raisons. Elle y dit avec force son amour de l’écriture et démontre parfaitement, et avec humour, qu’écrire n’est pas affaire d’attente passive, et qu’au terme d’un effort, en se concentrant sur un seul mot, on obtient un texte qui frappe fort.
Jean-Pascal Dubost
Cyrille Martinez, Le poète insupportable et autres anecdotes, éditions Questions Théoriques, 124 pages – disponible le 15 décembre 2017, 8 euros.

Cyrille Martinez raconte en 24 anecdotes (anonymées mais bien réelles) la poésie contemporaine française, ses institutions, ses acteurs, la rémunération, les relations avec les éditeurs, le public et les poètes eux-mêmes. En un mot, un corps social où la rivalité n’exclue pas l’amitié, où certaines lâchetés côtoient l’humour et où la reconnaissance publique n’est pas la reconnaissance professionnelle.
Reprenant la vieille tradition des historiettes, Cyrille Martinez fait un relevé des façons d’être poète aujourd’hui. Écrite en marge des événements, l’anecdote n’est jamais anodine. Bien au contraire, elle illustre, elle renseigne sur un mode tantôt piquant tantôt singulier mais elle sait n’être ici jamais méchante - ceux qui cherchent indiscrétions et règlements de compte seront déçus.
Analyse interne, sociologie réflexive, ce recueil de petites histoires est aussi un cadeau pour tout amateur de poésie, qui reconnaitra un événement, une personne et aura le sentiment d’en être.
Camille Brantes

Daniel Biga, Octobre, Journal, suivi d’un entretien avec l’auteur, préface de Valérie Rouzeau, Editions Unes, 2017, 112 p., 19€
1968 : journal sur un mois. 50 ans plus tard, l’ensemble aurait pu vieillir, mais la modernité de l’écriture de Daniel Biga confère à ce document toute son actualité.
Il écrit ce qu’il fait et lui vient en tête, spontanément. L’unité du journal demeurant sa personnalité foisonnante et homogène.
L’axe du volume serait l’innocence. Économique, vivre sans argent. Sexuelle, aimer sans tabou. Onirique, les rêves transcendent la réalité triviale. Éthique, hypocrisies et hontes sont débusquées. Mais cette relative légèreté dans sa vie a son pendant : l’angoisse et l’attirance vers la mort.
Octobre est suivi d’un entretien. Biga a écrit ce journal comme un jeu : j’établis une règle et je la casse. Et il dénonce une contre-vérité je n’ai jamais été un fanatique des poètes beat… Dont acte ! Ce qui n’ôte rien à sa place dans la poésie française. Il reste un poète sauvage qu’on n’arrive pas à étiqueter.

Jacques Morin