Après une longue période de morosité, l’économie japonaise, à l’instar de l’Europe, devrait enfin relever la tête et dégager une croissance de 1,7% en 2017, soutenue par la croissance mondiale, les réformes domestiques et les mesures de relance. Tout en profitant de l’accélération de la conjoncture mondiale, le Japon est aussi devenu l’un des principaux bénéficiaires de la création de richesse en Asie avec 23 millions de touristes asiatiques sur la seule année 2017, contre seulement 6 millions au cours de la dernière décennie.
La croissance économique solide, et de plus en plus diversifiée, devrait permettre au Premier ministre, Shinzo Abe, de se recentrer sur la dynamique des réformes conjoncturelles. Son gouvernement devrait être motivé par une opposition plus efficace et par le désir de remodeler la constitution japonaise, d’adopter des politiques audacieuses et de maintenir le cap des réformes sur la demande intérieure et la restructuration, afin d’accompagner la transformation de l’économie japonaise. A la différence des actions américaines, dont les valorisations élevées limitent les performances en fin de cycle économique, les valorisations japonaises offrent aux investisseurs une solide marge de progression (absolue et relative) étant donné leurs niveaux proches de leurs plus bas historiques en comparaison des actions mondiales et américaines. Compte tenu du niveau modeste (6%) des attentes bénéficiaires actuelles pour 2018, les investisseurs semblent toujours sous-estimer la dynamique positive de la croissance mondiale mais également japonaise, ce qui est tout aussi important. Comme aux Etats-Unis en 2013-2014, les entreprises japonaises connaissent peu de pressions salariales tandis que la hausse des taux d’utilisation des positive des chiffres d’affaires devrait impacter directement les bénéfices nets des entreprises.
La politique monétaire accommodante reste également en place et la Banque du Japon (BoJ) est désormais la seule grande banque centrale à ne pas avoir commencé à réduire son soutien à l’économie nationale. Alors que les taux d’intérêt américains augmentent et que la BCE prépare le retrait de l’assouplissement quantitatif (QE), le yen devrait faire figure de catalyseur supplémentaire des bénéfices en 2018. Dans la mesure où la croissance est solide et où les entreprises devraient relever leurs prévisions à l’attention des analystes, nombre de secteurs devraient tirer leur épingle du jeu. L’industrie japonaise devrait s’appuyer sur la croissance mondiale synchronisée. De même, les sociétés technologiques nippones représentent un élément clé de la surpondération globale du secteur. A la traîne en 2017 malgré des valorisations attrayantes et les achats de la banque centrale, les valeurs bancaires japonaises sont bon marché: elles se traitent à un ratio cours/valeur comptable de 0,6x, contre 1,2x pour les banques des autres marchés développés. Dans le même temps, la hausse des dépenses des ménages bénéficie aux biens de consommation discrétionnaire, ce qui devrait se refléter dans la hausse des prix des actions.
La politique et l’économie japonaises continueront à pâtir des craintes géopolitiques concernant la Corée du Nord, mais c’est également le cas dans le monde entier. Si les tensions devaient tourner au conflit, l’ensemble des actions mondiales en sera affecté. D’un autre côté, si les menaces ne sont que des paroles en l’air comme c’était le cas ces deux dernières décennies, le Japon pourra repartir à la conquête des investisseurs en 2018.
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Deux opportunités s’offrent aujourd’hui au Premier ministre fraîchement réélu. Premièrement, parce que l’opposition a été gravement affaiblie après d’excellents débuts,Shinzo Abe dispose d’une majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement japonais. Il peut maintenant poursuivre la réforme de l’article 9 de la constitution pacifiste du Japon. La défense, l’industrie, la technologie et les services bénéficieraient tous d’une armée renforcée. La seconde opportunité réside dans la réforme structurelle. Alors que les entreprises enregistrent une profitabilité record, la part du travail dans le revenu ne cesse de baisser depuis les années 1990. Le Premier ministre a donc l’occasion de mettre un terme à ce déclin. C’est là que la réforme du code du travail (Labour Standards Act) est cruciale. Il est essentiel d’abolir les différences en matière de protection de l’emploi et d’avantages sociaux qui existent entre le personnel fixe et temporaire. Les lois existantes favorisent la demande d’emplois peu rémunérés et protègent les salariés contre la concurrence sur le marché de l’emploi et le licenciement. Les petites entreprises de services avec une productivité relativement faible ont peu d’intérêt à augmenter les salaires et les avantages sociaux, préférant recruter ou imposer de nombreuses heures supplémentaires. Le système est orienté vers la stagnation des salaires, d’où la signature en mars 2017 du plan d’action qui fixe des limites aux heures supplémentaires imposées. Pour sa part, Shinzo Abe a récemment appelé de ses voeux une hausse de 3% des salaires. Avec une inflation actuelle à 0,7%, une augmentation de 3% donnerait un coup de pouce significatif aux salaires réels et au pouvoir d’achat des ménages.
D’autres initiatives sont également en cours. La réforme des critères de gouvernance pour les entreprises cotées devrait se traduire par une hausse du rendement des fonds propres (les premiers signes d’amélioration sont apparus cette année). L’augmentation des impôts indirects est une mesure nécessaire pour rendre à terme les finances publiques moins vulnérables aux dégradations de la note de solvabilité et à la perte de confiance. Enfin, comme pour tous les programmes de réforme, les opportunités résident dans leur exécution. Après de solides avancées sur les deux premiers volets de l’Abenomics, Shinzo Abe – conforté par sa victoire aux élections d’octobre – a désormais les coudées franches pour poursuivre le dernier volet visant à pérenniser la reprise au Japon.
A propos de l'auteur : Norman Villamin est CIO banque privée chez UBP.