Visible Cloaks ‘ Reassemblage

Publié le 18 décembre 2017 par Heepro Music @heepro

En 2012, Fatima Al Qadiri débarquait avec son tout premier album, Asiatisch, une œuvre résolument tournée vers des sonorités venues d’un lointain Orient, en l’occurrence la Chine.

Concernant Visible Cloaks, il est inimaginable d’aborder leur œuvre, soit-elle originale comme l’est Reassemblage ou un mix (écoutez leur podcast #560 pour Resident Advisor), sans parler du Japon. Ou, à défaut, sans mentionner des artistes nippons, dont le trio culte Yellow Magic Orchestra et ses différents membres en solo, dont Haruomi Hosono et le grand Riyuichi Sakamoto qui est d’ailleurs revenu cette année avec un tout nouvel album studio dont on a pu entendre parler, le beau et sobre async, qui pour autant ne fait pas dans la dentelle et ne cherche jamais à faciliter les choses pour l’auditeur.

Plus que jamais, l’étiquette « world music » semble aussi appropriée au duo de Portland qu’impropre. Impropre parce qu’elle implique systématiquement qu’il s’agit d’une musique non-occidentale, comme si l’Occident était la norme. Mais elle est éminemment appropriée si l’on considère son sens premier, à savoir une musique non labellisée et qui traverse les frontières : une musique du Monde, bien entendu par quelques individus seuls, mais pour quiconque sur cette planète et indépendamment de tout référent culturel. Dans l’absolu, toute musique est classable dans la « world music », qui devient dès lors l’exemple-type de l’étiquette inutile. Pourtant, son utilisation implique qu’elle ne sera vraisemblablement pas une musique populaire, au sens commerciale du terme. « Pop music » et « world music » en deviennent des contraires absolus, alors qu’étymologiquement tout semblerait pouvoir les rapprocher.

Le duo Visible Cloaks, loin de tout cela, mais en plein cœur de cette problématique, réunit deux mondes aussi lointains que proches. La musique est résolument le seul mot-clé pertinent arrivés ici. Les goûts personnels de Ryan Carlile et Spencer Doran, qui n’ont aucune origine japonaise, expliquent le résultat de Reassemblage. Un chef-d’œuvre immédiat qui, inutile de se leurrer, n’aura sûrement pas le succès qu’il mériterait mille fois. Même le pygmalion malgré-lui Riyuichi Sakamoto ne fait pas parler autant de lui que son album async, non seulement le mériterait, mais surtout l’exigerait.

Musicalement parlant, Reassemblage est très direct, avec des morceaux d’une durée très accessibles. Il n’est assurément pas uniquement voué à être appréciés des fans de musiques électroniques, mais aussi tout simplement de tout mélomane qui aime les musiques d’ambiance voire cinématique.

Bien sûr, le Japon est bien présent, parfois de façon discrète ou plus directement : écoutez par exemple le single « Valve » avec la chanteuse Miyako Koda (du groupe toyoïte dip in the pool), « Terrazzo » et la participation du New-yorkais Motion Graphics (qui est à l’origine de l’un des remixes de async), « Circle », l’ultra bref « Skyscraper » ou encore le final « Place ». Ailleurs, c’est la musicalité entièrement moderne du Japon qui surgit, indiquant à quel point une division dichotomique est, depuis le XXème siècle, forcément anachronique.

Notons la présence d’un autre artiste de Portland, Matt Carlson, sur le single « Neume », ainsi que quatre morceaux bonus pour les versions CD et digitale.

Visible Cloaks réussit un album saisissant, puissant, mais également léger car humble. Il est rare de parvenir à un tel résultat tout en atteignant un impact immédiat sur l’auditeur Parce que leur musique se veut électronique et futuriste tout en restant organique et ancienne, expérimentale et exploratrice tout en demeurant accessible et chaleureuse. Quelle symbiose !

Aussi Reassemblage est-elle d’emblée l’une des plus grandes œuvres de 2017, et ma découverte tardive du duo n’en est pas moins miraculeuse. Décidément, la musique nous surprendra toujours, moi le premier.

(in heepro.wordpress.com, le 18/12/2017)

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