Investir du temps dans ses placements, ou investir dans sa carrière ?

Publié le 16 décembre 2017 par Lionelo @investirblog

 Gérer soi même son argent ?

Je lis toujours avec beaucoup d'intérêt Meb Faber. Il a écrit de livres que tout le monde devrait lire comme Global Value: How to Spot Bubbles.
Il y a quelques mois, il avait posté un article arguant que tout temps passé à augmenter le rendement de son épargne était moins bien employé que le temps passé à faire avancer sa carrière. Son raisonnement était le suivant : A moins que votre portefeuille ne soit disproportionné par rapport à votre salaire, c'est du temps perdu d'investir dans sa gestion. Si nous reprenons l'exemple donné dans son article, imaginons que vous gagniez 50 000 $,  et que la valeur de votre portefeuille atteigne 100 000$, si vous investissiez 8h de votre temps par semaine dans votre processus d'investissement, il vous faudrait gagner plus de 10% par an de rendement pour que cet effort vaille votre temps. Pour 100 000 $ de revenus, le rendement à atteindre serait de 20%, etc. Ces rendements ne sont pas réalistes! Meb Faber en arrivait à la conclusion, qu'il valait mieux confier la gestion de son argent au gestionnaire d'un fonds indiciel, et l'oublier pour la suite. C'est un argument que j'ai déjà entendu, et qui est tout à fait valide. Sans ce raisonnement en fait, on verrait beaucoup plus de gens quitter leur emploi pour faire du trading, ce que l'on sait par ailleurs être rarement une bonne idée.

Le temps passé sur notre portefeuille ne se fait pas au détriment du temps passé sur notre carrière


En y repensant avec le temps, plusieurs éléments sont venus me faire douter, non pas du raisonnement mis en place mais de sa conclusion. Ma première objection est toute simple et elle porte sur  la thèse implicite de l'article qui est que le temps passé sur son portefeuille se fait forcément au détriment du temps passé à obtenir des revenus. Cela peut se révéler vrai pour les travailleurs indépendants si leur carnet de commande est complétement plein, et aussi pour les chefs d'entreprises. C'est moins vrai pour les salariés et les indépendants qui ont un carnet à remplir. Pour un salarié, les possibilités de gonfler son revenu d'activité sous la forme d'heures supplémentaires ou de promotion sont limitées. On ne peut pas rechercher tous le temps un nouvel emploi, ou faire du networking, car a un moment ou un autre, on se heurte à un retour sur investissement qui est décroissant. Les opportunités ne se présentent pas en continu, il peut y avoir des périodes ou malgré tous nos efforts, l'effort ne paye pas.
Mon point de vue, c'est qu'en dehors de certaines périodes de boom, notre activité professionnelle ne peut pas prendre tout notre temps, et qu'il reste une part de temps libre distincte que l'on peut allouer à la construction de son portefeuille.

Les revenus de nos placements diversifient le risque associé à notre activité professionnelle


Pour illustrer mon argument, prenons l'exemple d'un entrepreneur dans le bâtiment. L'activité dans ce secteur est plutôt cyclique. Il y aura des périodes ou les affaires seront très calmes, et ou les marges vont se retrouver compressées. Pendant les périodes de croissance du secteur, certains risques apparaissent comme la hausse du coût de main d'œuvre ou des matières premières, la production de ciment étant une des industries les plus cycliques qui soit. Si notre entrepreneur investit tout son temps et son argent dans l'immobilier, il risque la faillite lors des crises de son secteur. Si maintenant, ce même entrepreneur avait investi une art de son temps dans un portefeuille diversifié, il aurait une part de ses actifs qui le protégerait en cas de chute, par exemple un investissement dans les banques ou les technologiques, ou dans les entreprises qui produisent du ciment. Pareillement, si vous êtes salarié dans la banque, avoir son argent dans les industries, offre une mesure de protection quand les grandes banques licencient ou bloque l'évolution des salaires. Et investir autre part que dans son secteur marche encore mieux pour les chefs d'entreprises qui voit une part importante de leur fortune investie dans le capital de leur entreprise.
Cet effet est difficile à quantifier, mais il prend tout son sens au moment où on a le plus besoin de lui.

De l'importance de l'accumulation des intérêts


Finalement, le raisonnement de Meb a une autre faille, c'est qu'il ne prend pas en compte les gains de l'investissement sur le long terme. Si vos placements vous rapportent 1% de plus, grâce au connaissances acquises, vous pouvez espérer reporter cet avantage l'année suivante. Grâce à la composition des intérêts,  cet effet va se propager et peser plus lourd que les gains liés à vos revenus.
Prenons un exemple théorique mais représentatif. Considérons un jeune homme de 20 ans, disposant de 5000 euros d'épargne. Il gagne au début de sa carrière 1500 euros nets, dont il peut économiser 20% soit 300 euros. Il travaillera jusqu'à 65 ans, donc pendant 45 ans, il aura une activité professionnelle.
Dans tous les cas, nous fixons la croissance de son salaire et de son épargne à 2% tous les ans, c'est une très belle croissance pour son salaire, mais 2% de rendement reflète un manque d'expertise dans l'investissement. Le rendement de 2% sur son épargne correspond à un investissement équivalent à un fond euros sur assurance vie. Sur cette base, dans un premier scenario, il va investir son temps dans le développement de son activité, générant ainsi un gain annuel supérieur de 1% sur son salaire tous les ans. Ce gain est significatif car à la fin de son activité le jour de ses 65 ans, son salaire mensuel atteindra un très confortable 5507 euros mensuel nets, contre 3585 euros de salaire net si il n'avait pas investi ce temps. A la fin de sa carrière, son patrimoine théorique s'élèvera à  505 k€.
Dans le second scenario, au lieu d'investir son temps dans son activité, il investit dans la composition de son portefeuille et gagne 1% de rendements en plus,mais toujours un gain de salaire de 2%. 3% de rendement sur l'épargne est conservateur et correspond à investir une partie de son portefeuille sur des indices actions correctement diversifiés. A 65 ans, sa richesse totale sera de 517 k€.
Dans le troisième scenario, notre jeune homme est suffisamment habile, pour que le temps passé à optimiser son portefeuille n'empiète pas sur le temps dévolu à la croissance de son activité professionnelle, lui conférant ainsi un gain de 3% sur ses salaires et son épargne, notre jeune homme terminera son activité avec 631 k€. Il ne faut pas passer beaucoup de temps sur son portefeuille pour gagner seulement 3%...
On voit que même avec des hypothèses prudentes sur les rendements d'un portefeuille diversifié, le calcul est toujours en faveur de l'investissement.
Bien sûr, il est possible de construire un jeu d'hypothèses qui conclurait à une décision inverse, notamment dans le cas d'un chef d'entreprise ou d'un commercial rémunéré sur commission, mais mon propos est plutôt de dire qu'il est possible et probable de trouver des scenarios ou l'investissement paye. Chaque situation est particulière.