Beaucoup plus qu'un simple mortel ne l'aurait fait. Mais comme j'ai étudié en cinéma, comme j'ai encore beaucoup de cinéphilie en moi, je me suis donné une toute dernière chance avec Claude Lelouch.
L'été dernier, je me retapais Un Homme & Une Femme. Depuis la fin novembre, jusqu'à hier, j'ai honoré la promesse que je faisais dans ma chronique et j'ai visité l'oeuvre de Lelouch.
Dans ce que j'avais déjà vu de lui, il y avait son film oscarisé de 1966, son imbuvable suite 20 ans plus tard, Itinéraire d'un Enfant Gâté, que je me souviens ne pas avoir trop détesté, sinon qu'il me semblait y lire de simples fantasmes de baby-boomers, ce qu'il est après tout, Tout Ça Pour Ça qui m'avait promptement agacé et dont je n'avais retenu que la chanson de Françis Laï sur un ton de vivant traînant sa mort, une pâle copie de Tom Waits. Je constate qu'il a voulu refaire L'Aventure C'est l'Aventure. J'avoue avoir été séduit par Les Misérables du XXème Siècle, ce qui complexifiait mon rapport avec Lelouch, valait-il vraiment la peine? En voyant Hommes, Femmes, Mode d'Emploi, je me disais que finalement non, pas du tout.La séduction précédente, Victor Hugo avait dû en être la source. Je fermais les livres sur Lelouch. Pour de bon.
L'effort de 6 films restait louable de ma part quand même.
Mais une entrevue radio récente me laissait croire que je devais peut-être y mettre un nouvel oeil. Et j'ai pris 4 films à la bibli de Claude Lelouch.
1972, 1973, 1978, 1984. Depuis fin novembre. Ne serais-ce que pour comprendre pourquoi Lelouch me frise tant les poils.
L'Aventure C'est L'Aventure, La Bonne Année, Robert & Robert et Viva La Vie.
J'ai trouvé les facteurs de mon aversion Lelouch. Je vous en offre 6.
La complaisance.
On est tous coupables de vouloir être aimé. Les artistes, encore plus. Claude Lelouch m'a fait rire en faisant parler ses personnages, dans La Bonne Année, de son film Un Homme et Une Femme, en raillant le propos du film. Mais les clins d'oeil, si charmants soient-ils, finissent par agacer, lorsque trop souvent répétés. Se citer soi-même, ça commence à faire non seulement pompeux, mais ça frise aussi le narcissisme. Dans Viva La Vie, la présence de Lelouch est si louuuuuuuuuuuuurde! Il se place en entrevue où il suggère aux spectateurs de taire l'intrigue du film afin de ne pas gâcher le plaisir des futurs spectateurs. Lelouch, avec sa tête que je n'arrive pas à trouver sympathique, qui parle à un animateur radio du film que nous regardons. Rin-gard. Même en 1984. Et dans le même film, le personnage de Jean-Louis Trintignant, un prof de théâtre, parle de la voix de Lelouch et c'est d'un pompeux! AAAAAAAAAaaaaaaaaaaargh! j'ai vraiment peiné à finir le film. Et titrer un film Un Homme et Une Femme, 20 ans Déjà, ne sentez vous pas le caramel coller au fond de la casserole? Un côté candide qui donne envie de hurler ressort de cette auto satisfaction qui se répète.
Sans le savoir, on a écrit sur la complaisance chez Lelouch. Je le découvre à l'instant. Et l'humilité bordel?
La paresse des titres.
Vivre pour Vivre, La Vie, La Mort, L'Amour, Un Homme Qui Me Plait, L'Aventure C'est L'Aventure, Toute une Vie, Mariage, Si C'était à Refaire, C'était un Rendez-Vous, Un Autre Homme, Une Autre Chance, À Nous Deux, Viva La Vie, Partir, Revenir, Attention Bandits!, La Belle Histoire, Tout Ça...Pour Ça! ( ce qui est un appel au titrage d'une mauvaise critique), Hommes, Femmes, Mode D'Emploi, Hasards ou Coïncidences, Une Pour Toutes, And Now Ladies & Gentlemen, Le Courage d'Aimer, Un Plus Une, Chacun Sa Vie... Ses titres sont les plus plates sur terre!!!! Et parfois inexplicables (Viva la Vie?, L'Aventure, c'est l'Aventure? pourquoi Claude, POURQUOI?). Il se trouvait si plate lui-même qu'il s'est caché sous le pseudonyme d'Hervé Picard pour son film zzz Roman de Gare. Et la poésie bordel!!!
Le flair musical suranné.
L'Oscar du meilleur film étranger aura été un important imbroglio dans la carrière de Lelouch. Un timing parfait et des astres bien enlignés pour le réalisateur et son équipe. Ça lui a ouvert la porte pour les États-Unis pour la vie. Tous ses titres ont leur équivalent en anglais. Une grande part du succès d'Un Homme & Une Femme aura été la trame sonore, reconnaissable entre toutes, de Françis Laï. Lelouch a débuté sa carrière comme réalisateur de scopitone, l'ancêtre des vidéoclips. La musique aura une place extrêmement importante dans toute l'oeuvre de Lelouch et la succès de la trame sonore de Laï pour son film le convaincra de toujours faire signer une musique qui, pour le futur, prendra toujours (ou presque) trop de place. Détonnant du ton du film parfois. Johnny dans L'Aventure, C'est l'Aventure, Mireille Matthieu dans La Bonne Année, Didier Barbelivien qui nous chante l'alphabet dans Viva La Vie (dé-bi-li-sant). Lelouch aurait gagné à épurer les sons de ses films. Et le silence bordel! Certains films ont très mal vieilli en raison de la trame sonore qui est devenue infecte avec le temps.
La "famille" Lelouch.
On pourrait parler de bien des réalisateurs qui ont beaucoup travaillé avec le même monde, se créant du coup une famille cinématographique. Mais la gang à Lelouch...c'est un peu comme Céline Dion, ce ne serait pas mes amis. Charles Gérard, je ne le connaissais pas. Ou peut-être que je le connaissais, mais ne le savait pas. Ce n'est pas un acteur aux palettes multiples. Dans mes 4 films empruntés à la Vievliothèque, il apparaît dans 3 de ces films. Entre 1972 et 1984. Ce n'est pas un acteur à la grande palette d'émotions, je le répète. Même que dans au moins 2 des 3 films, peut-être même les trois, il ne semble tellement pas jouer qu'on ne s'est pas badré à lui donner un nom de personnage. Charles sera Charles. Mais d'un film à l'autre, les mêmes têtes reviennent presque tout le temps. Lelouch le dira lui-même, "je tourne avec ceux qui pourraient devenir mes amis". Et l'art bordel! Pas ma gang.
Le regard sur les femmes.
Ce n'est pas un problème exclusivement Lelouchien, mais peut-être tout simplement français. La femme chez Lelouch est très souvent "territoire à conquérir" ou "la femme de...", mais rarement vivront-elles de vraies aventures intéressantes les mettant en valeur, autonomes et inspirées. On ne peut pas demander à tous les hommes d'écrire de fameux rôles pour femmes, mais sur plus de 50 films, quelques uns ne seraient pas inappropriés.
Les choix
Comme dans n'importe quoi, quand on aime pas quelqu'un, quelque chose, c'est souvent parce qu'on aime pas les choix de ceux qui nous entourent ou les choix qu'imposent certaines choses. Les choix de sujets de Lelouch, le choix de tourner vite et trop souvent, les choix narratifs, ses choix musicaux, mais surtout les choix de casting (Bernard Tapie? calisse!) et cette envie de toujours vouloir planter une personnalité connue, comme pour dire, "Voyez! lui/elle , c'est aussi mon ami(e)" qui n'est pas toujours pertinente. Cette idée que la caméra est le plus important des personnages, alors que dans plusieurs de ses films, elle est absente de personnalité propre...
Mais le pire choix qu'il me semble qu'il ait pu faire est survenu la semaine dernière. Et n'avait rien à voir avec le cinéma, mais Lelouch, le jugement affaibli par l'âge, peut-être, a voulu tremper le moment dans le cinéma. Son cinéma.
Johnny Hallyday est mort. On l'enterre nationalement. Tout ses proches le pleurent. Lelouch est l'un de ses proches. Il l'a filmé tout jeune, dans la fleur de l'âge et plus vieux. Lelouch a choisi de filmer les proches en deuil. Pleurant Jean-Philippe Smet. Lelouch, vulgaire, a filmé les proches pleurant Johnny avec son vulgaire téléphone. Et la dignité, bordel!
J'abandonne Lelouch*.
Trop frustrant.
Pas dans ma gang.
Je lui ai donné 10 films.
C'est extraordinairement généreux de la part d'un X.
*Même si je découvre que je n'ai vu que 6 des 20 meilleurs films de Lelouch tel que voté par les amateurs...mais quel type d'amateurs?...