Thomas Struth, habitus et chaos
Thomas Struth, photographie, photographie objective, Ecole de Düsseldorf, Nouvelle Objectivité | Publié par Thierry Grizard le 15 décembre 2017.
Thomas Struth, (né en 1954), est un photographe allemand ancien élève de Gerhard Richter puis de Bernd et Hilla Becher.
Thomas Struth et l’Ecole de Düsseldorf
Le travail de Thomas Struth est très marqué par sa formation initiale. De Gerhard Richter il retient, dans la droite ligne du minimalisme et de l’art conceptuel, la volonté de se déprendre de toute subjectivité, en tentant de maintenir une approche analytique du sujet compris comme un objet formel du médium utilisé. Le référent est d’une certaine manière détaché du réel et absorbé et « digéré » par le « milieu » du moyen de représentation.
© Thomas Struth.
Quant à sa filiation avec Bernd et Hilla Becher elle est évidente. Les Becher ont entrepris un travail documentaire strict du patrimoine industriel de la fin du 19° et 20° siècles. Ils procédaient suivant une méthodologie rigoureuse se caractérisant par la frontalité, une lumière étale, un niveau de détail très poussé, l’absence de toute figure humaine et le travail en série.
Thomas Struth respecte ces deux voies particulièrement fécondes dans l’art contemporain, tout spécialement concernant la photographie dite objective à laquelle sont apparentés : Thomas Ruff, Candida Höfer, Andreas Gursky, Thomas Demand, etc. En outre, cette démarche est à rapprocher de la Nouvelle Objectivité qui donna en Allemagne ses lettres de noblesse à la photographie auparavant ravalée au rang de pâle copie de la peinture ou de piètre moyen de documentation anecdotique.
© Thomas Struth.
L’échelle humaine
Thomas Struth se démarque des autres photographes de l’Ecole de Düsseldorf par les sujets abordés, sinon par la méthode ou le « style » neutre, distancié et froid partagé par l’ensemble des artistes associés au mouvement de la photographie objective. Le photographe allemand a tout d’abord produit des séries sur des rues anodines, sans caractère pittoresque ou anecdotique, mais alors que Gursky se distancie en montrant l’homme depuis son appartenance à l’espèce, au groupe, Thomas Struth se met à hauteur d’homme même lorsqu’il photographie des rues désertes. Le travail du photographe a ensuite évolué vers de nombreux sujets souvent peuplés de groupes humains réduits ou tout du moins montrant l’activité humaine dans les registres de la société des loisirs, y compris culturels (la série sur les grands musées populaires), de l’activité industrielle, principalement High Tech, mais aussi en exécutant des portraits de famille acérés, voire acerbes, révélant l’appartenance sociale.
© Thomas Struth.
© Thomas Struth.
L’étrangeté des “habitus”
Il y a donc, apparemment, un aspect documentaire chez Thomas Struth. En réalité, le caractère documentaire du travail de Thomas Struth est trompeur et porte bien davantage sur le médium photographique lui-même. Cependant à l’inverse de Thomas Demand ou Thomas Ruff qui décomposent les mécaniques plus ou moins trompeuses de la représentation photographique, Struth l’utilise pour mettre en exergue l’étrangeté de notre quotidien, ou notre cécité à voir et comprendre les spécificités de nos activités courantes. De ce point de vue il rejoint Gursky et porte un regard incisif et froid sur ses congénères. C’est ainsi qu’il montre à quel point nous ne voyons plus les rues que nous arpentons, que nos activités individuelles y compris culturelles relèvent d’une consommation des signes et de comportements collectifs et d’appartenance ou d’identification. En soulignant la grégarité, comme chez Gursky, mais à l’échelle des individus, il obtient un effet d’étrangeté ou plus précisement un décalage formel révélateur des “habitus” et de notre cécité les concernant.
D’ailleurs même lorsque le photographe traite de sujets touchant les hautes technologies ou les forêts c’est pour en montrer la part de chaos et de dégénérescence.
© Thomas Struth.
La photographie de Thomas Struth par sa banalité, son absence d’intérêt en termes d’esthétique et de motifs, agit donc comme une loupe cruelle et dérangeante tenue par un entomologiste extérieur au monde des hommes.
© Thomas Struth.
© Thomas Struth.
© Thomas Struth.
Thomas Struth
New Works
Galerie Marian Goodman, NY.
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Andreas Gursky
Thomas Struth, oeuvre
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