Je m'étais dit, en allant à l'Opéra Garnier, lundi soir, que j'allais m'emmerder.
Parce que la danse néo-classique de John Neumeier, ses costumes d'époque, ses décors insipides à base de salons Louis-Philippe, et sa musique de Chopin, vraiment, ce n'est pas ce que je préfère.
Ca n'a pas raté. Des décors avec des lustres et des bancs, des poses bien langoureuses, des parties de campagne, des ensembles où l'on s'ennuie ferme, des postures empruntées comme Petipa faisait, mais avait-il le droit de le faire, lui, Martha Graham, Nijinski et Kamel Ouali n'étant pas encore passés par là.
Et des éclairages à faire peur, indignes d'une telle maison, les poursuites coupées violemment, des pénombres avec trop d'ombres, un peu trop d'approximation technique (je me faisais la même remarque il y a quelques mois devant Casse-Noisette* à Bastille).
Oui mais voilà. Il y a l'histoire de la Dame aux camélias, et ce dégoulinant romantisme qui ne rate jamais sa cible. Et au milieu d'une danse bien conventionnelle, des pas de deux dont l'émotion est bouleversante. Serrage de gorge, montée de larmes.
Oui mais voilà. Il y a la musique de Chopin, justement, et le Largo de la troisième sonate, l'un des plus beaux moments de sa musique. Et sur cette musique anti-chorégraphie au possible, un pur moment de poésie.
Et puis, surtout, enfin j'ai honte de dire surtout, mais je le dis quand même, surtout, il y a le public, la touriste venue à Paris pour briller dans sa robe d'une vulgarité sans nom, qu'elle soit rouge, parme ou violette, avec ou sans paillette, avec ou sans étole, et cet amalgame de familles de l'ouest parisien et même un peu plus loin, de vieux beaux qui mettent une pochette criarde, de permanentes du jour. Et surtout une folle qui derrière moi, aux rappels, ne hurlait pas Bravo (ce que j'aurais pu comprendre), mais juste des Aaaaah informes. On ne sait plus se tenir au balcon, je vous le dis.
* Je sais ce que vous allez dire.