réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris
avec Emma Stone, Steve Carell, Andrea Riseborough, Bill Pullman, Sarah Silverman, Alan Cumming, Elisabeth Shue, Austin Stowell, Natalie Morales, Eric Christian Olsen, Mickey Sumner, Jessica McNamee...
Biopic, comédie, comédie dramatique américaine, britannique. 2h. 2017.sortie française : 22 novembre 2017
1972. La championne de tennis Billie Jean King remporte trois titres du Grand Chelem. Mais loin de se satisfaire de son palmarès, elle s'engage dans un combat pour que les femmes soient aussi respectées que les hommes sur les courts de tennis. C'est alors que l'ancien numéro un mondial Bobby Riggs, profondément misogyne et provocateur, met Billie Jean au défi de l'affronter en match simple...
Troisième long-métrage de Valerie Faris et Jonathan Dayton (réalisateurs du fantastique Little Miss Sunshine et de l'intéressant Elle s'appelle Ruby), Battle of the Sexes revient sur un fait historique qui a surtout marqué les Etats-Unis (d'après ce que j'ai compris, les Français ne s'en souviendraient pas ou même n'ont pas eu écho de cet événement). En 1973, Billie Jean King, star montante du tennis féminin affronte l'ancien numéro 1 Bobby Rings. 90 millions de téléspectateurs ont vu ce match qui ne se limitait pas à un affrontement sportif. Les réalisateurs parviennent alors à exposer les réels enjeux de ce match. Avant d'accepter de jouer ce match, Billie Jean King, à l'époque la joueuse la mieux payée, se battait déjà contre le sexisme dans le tennis. Elle réclamait notamment une égalité de salaires entre les joueurs et joueuses. Ce match représente alors le moyen de prouver que les femmes peuvent jouer aussi bien que les hommes. Il est certain que Faris et Dayton se concentrent davantage sur le personnage de Billie Jean que sur celui de Bobby Rings (le film démarre et se termine sur elle, et dans l'ensemble, elle est plus mis en avant - il faut dire que le chemin pour arriver à ce match passe certainement plus par elle), le traitement entre ces deux personnages est peut-être un poil inégalitaire (Rings paraît presque par moments un personnage secondaire vu le temps qu'on met à s'intéresser à ses motivations). On " sent " (enfin, disons que l'information en fin de générique ne surprend guère) que Billie Jean King et sa compagne de longue date ont été consultantes sur le tournage, pas uniquement par la précision des dates mais aussi par rapport à la place qu'a son personnage dans le récit. Cela dit, le sujet reste tout de même bien traité pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Battle of the Sexes n'oublie jamais qu'on parle d'une égalité entre les sexes et non d'une quelconque supériorité de la femme sur l'homme. Si on voit un peu moins Bobby Rings, il n'est pas non plus tant rabaissé que ça. Il n'est pas réellement le véritable " méchant " de l'histoire. Son machisme, à l'image de ce match, fait partie du show, du personnage qu'il incarne sur " scène ". Il ne veut pas tant que ça prouver une quelconque et soi-disant supériorité de l'homme. Il s'agit d'un homme d'une cinquantaine d'années qui se comporte surtout encore comme un gosse et surtout qui s'ennuie terriblement au boulot. Comment retrouver une vie normale quand on a vécu auparavant une existence qui ne l'était pas ? Rings veut avant tout se retrouver sa fierté sous les feux des projecteurs. Finalement, le véritable misogyne de l'histoire n'est pas toujours celui qui le clame le plus fort.
Autre bon point (qui pourtant aurait pu en être un mauvais) : le rapport entre le match à portée féministe et la découverte de l'homosexualité de Billy Jean. La romance entre la sportive et sa coiffeuse aurait pu être hors sujet. Pourtant, elle trouve naturellement sa place. Le féminisme et le combat pour la cause LGBT sont en réalité si on se réfère de nouveau à l'histoire. Surtout, il y a une volonté de mettre en parallèle le mouvement politique et collectif et le combat intime de l'héroïne. Le parallèle en question ne paraît pas lourd. Il humanise même encore plus Billie Jean. Le sujet est donc bien traité sous un ton finalement assez léger, en y insérant beaucoup d'humour tout en n'oubliant jamais des enjeux derrière plus dramatiques. La mise en scène n'est peut-être pas hyper originale mais pourtant elle est plutôt bonne, entre son dynamisme et son approche parfois " documentaire " voire même télévisuelle (choix logique vu la médiatisation du match). Ce choix fonctionne d'autant plus face au fameux match tant attendu. On sait comment il s'est terminé (et on a envie de dire : heureusement qu'il s'est terminé de cette manière et pas que pour une question de féminisme, mais par rapport aussi aux âges des adversaires) mais pourtant les réalisateurs ont tout de même su créer ce suspense comme certainement à l'époque. De plus, la reconstitution des années 1970 est plutôt plaisante et l'ensemble est bien rythmé alors que le film dure deux bonnes heures. Le duel Emma Stone-Steve Carrel (les deux avaient déjà joué ensemble dans le remarquable Crazy, Stupid, Love de John Requa et Glenn Ficarra) fonctionne du tonnerre, entre la confrontation et une sorte d'affection et d'admiration non avouée. La presse a beaucoup parlé de Stone et Carrel (et en fait surtout de Stone) mais pourtant, le casting secondaire m'a également emballée. Je pense surtout à Bill Pullman, parfait en misogyne qui a l'air tout " propre " en apparence, à la formidable Sarah Silverman, soutien du groupe des joueuses au langage et à la voix si identifiables, au délicat Alan Cumming ou encore à la toujours remarquable Andrea Riseborough. Battle of the Sexes ne marquera pas non plus tant que ça les esprits mais il a le mérite de remplir un grand nombre de ses objectifs, en étant un biopic au discours plus que jamais d'actualité, et s'intéressant à la fois à la portée collectif qu'aux parcours des individus.