Dans ma conception de l'être humain de votre planète, le harcèlement a toujours été un crime. Comme le cancer, une maladie. Parfois bénin, parfois malin.
Dans la classe de 5 filles, il y a Elsa. Unanimement, elle est élue par tous comme la plus jolie des filles. Sans rivales. Dans cette école, à l'ère pré-Facebook, on a un album tous les ans. Un répertoire avec photos, identifiant tous les élèves de tous les grades, mais qui indique aussi les adresses et # de téléphone de tous et chacun. C'était mal songé. On attendait impatiemment cet album et lorsqu'il arrivait, un mois plus tard, en automne, on le scrutait, les filles mettant un coeur aux côtés des gars qu'elles trouvaient intéressant (elles avaient de nombreux choix), les gars, tentant de mettre un nom sur un visage et surtout, ayant maintenant les armes pour tenter une approche: des coordonnées pou rejoindre la fille intéressante.
Pathétique.
C'est tout ce qu'on échangera jamais entre Elsa et moi. Un "Hey" suivi d'un "salut", sans aucun suivi à l'école. Je quitterais cette école un an plus tard de toute manière. C'est mon histoire de harcèlement.
Bénin.
On appellerait cela de nos jours "stalker". Pourchasser. Harceler. Mes ados utilisent souvent la version anglo "stalker" (staw-ké). Traquer. Ils en parlent avec légèreté entre ami(e)s. Dans leur bouche c'est aussi bénin.
Et pourtant...
Quand l'internet est né, quand Facebook est né, se sont ouvert des paradis pour les harceleurs. Rien de plus facile que googler en images quelqu'un. Je le fais occasionnellement pour des gens que j'entends à la radio. Isabelle Ménard? il me semble que je connais ça: google image, ah oui! c'est bien elle que j'avais en tête. Françis Ducharme? pas mal comme comédien à la radio, c'est qui donc? je le connais?: Google image, ah ben non, je ne savais pas c'était qui. Maintenant je lui connais la bouille.
On s'étonne du nombre de harceleurs coincés de nos jours, mais ils n'avaient pas besoin d'attendre un bottin scolaire pour y faire du repérage. On avait bâti la route, offert les outils.
Mais le harcèlement peut aussi être psychologique.
Chaque matin, , au moins 5 fois par semaine, à la radio, dans une atmosphère bon enfant, Vincent Gratton rigole autour de son tweet quotidien qui est toujours le même, envoyé à Justin Trudeau qui dit ceci:
"Monsieur Trudeau, vous engagez vous à mettre en place des règles pour stopper la fuite des capitaux canadiens vers les paradis fiscaux?".
Bénin, mais harceleur tout de même.
Et comme pour nous rappeler le moteur mental de Gratton, dans le jingle qui l'annonce en ondes on l'entend dire "Pour moi c'est une OB-SES-SION!"
Chaque fois je ne peux complètement rire.
J'y vois ombre. Inconfort.
Il y a un drôle de corridor en tout cas.
Et presqu'aussi malsain qu'un paradis fiscal.