Le jour d'avant de Sorj Chalandon 4,5/5 (20-11-2017)
Le jour d'avant (336 pages) est sorti le 16 août 2017 aux Editions Grasset.
L’histoire (éditeur) :
" Venge-nous de la mine " , avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J'allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n'avaient jamais payé pour leurs crimes.
Mon avis :
Depuis ma découverte de Sorj Chalandon avec son magnifique et bouleversant Profession du père, j’avoue faire une petite fixation sur l’auteur. Je ne pouvais donc passer à côté de son nouveau titre Le jour d’avant, que Sorj avait évoqué lors d’une rencontre l’année dernière et qui m’avait beaucoup attiré par le sujet qu’il abordait (que je n’avais jamais rencontré avant) et par la force d’évocation dont il était empreint lorsqu’il parlait du thème.
Bon, c’est chose faite et je peux vous dire que ce nouveau titre est encore une excellente lecture.
Le jour d’avant est un roman fort qui vous prend aux tripes du début à la fin et, même avec ce twist absolument terrible, vous ne pouvez sortir indemne de cette histoire familiale et collective…
Comme à son habitude, Sorj Chalandon aborde le réel (et ici l’historique) en le mélangeant avec des éléments inventés avec une telle crédibilité qu’il est impossible de ne pas imaginer ce Michel Flavent véridique. C’est à travers son histoire personnelle et familiale qu’il vient à évoquer la tragédie (présentée comme une fatalité alors même qu’elle aurait pu être évitée) du 27 décembre 1974 à Liévin, lorsqu’un coup de grisou cause la mort de 42 mineurs. Jojo 27 ans, l’aîné de Michel de 14 ans, est lui aussi une victime de la mine mais ne décède que quelques semaines plus tard, des suites de terrible brûlures. Il ne figurera jamais parmi les victimes de la catastrophe…
Michel a aujourd’hui la cinquantaine et après la mort de son épouse Cécile, il décide de retourner au pays. La maladie de son épouse a réveillé la rage qui l’habite depuis si longtemps. La vengeance a sonné…
L’écriture de Sorj Chalandon est puissante. Dans des phrase courtes, il trouve toujours les mots justes et avec de belles et terribles phrases percute le lecteur. La tension monte crescendo et la haine s’engouffre peu à peu dans le cœur du lecteur qu’alimente si bien la narration fine et lente des évènements et des conséquences subies par les familles de Lens touchées de plein fouet par tant d’injustice et de déconsidération. J’ai été bouleversée par cette tragédie, que je connaissais de loin, et par l’histoire même de Michel que ce retour aux sources va faire éclater. C’est très bien raconté. Faits et détails historiques se mêlent à une psychologie du protagoniste très forte, pour vous plonger dans l’horreur à tous les niveaux.
Le jour d’avant est le combat d’un homme pour que la vérité soit faite et qu’enfin le coupable soit reconnu et paye. Sorte de porte-parole des mineurs décédés et de tous les ouvriers de la houille de l’époque, Michel va mener un combat et nous transmettre un poignant témoignage.
Je vous recommande ce roman. Derrière Le jour d’avant est un bel hommage, un texte lourd, riche en émotions
Monsieur Chalandon, lors de notre dernière rencontre vous m’avez demandé de ne pas juger Michel. Mais comment le pourrais-je ? son histoire m’a émue et votre manière de l’amener m’a autant surprise (déstabilisée, forcément !) que touchée.
Je n’oublierai pas Michel de sitôt !