Je m’étais promis que j’aurais attendu la mort de Johnny Hallyday pour se pencher sur sa carrière et son apport à la musique. C’est chose faite : il vient de nous quitter ce mercredi 6 décembre 2017 à l’âge de 74 ans. Unanimement reconnu comme étant un pilier de la chanson française, malgré ses nombreux détracteurs qui ne manquent pas de déjà persifler sur les réseaux sociaux, il n’est pas tant moqué sur ses chansons (qui sont ce qu’elles sont), mais pour l’image qui a été faite autour de lui. L’idolâtrie dont ses fans hardcore font preuve et sa bêtise monumentale maintes fois démontrée ont quelque peu terni l’image d’un interprète hors-pair mais qui n’était pas reconnu pour sa créativité.
En effet, lorsqu’il avait d’excellents auteurs/compositeurs à son service, son talent faisait mouche. Faisons une étude comparative de deux de ses tubes issus de deux de ses derniers albums :
- 20 ans, écrit par Christophe Miossec et composé par David James Ford, issu de L’Attente (2012)
- Mon cœur qui bat, toujours écrit par Christophe Miossec, mais composé par Maxim Nucci/Yodelice, issu de De l’amour (2015)
Force est de constater que, lorsqu’on plaçait Johnny sur un registre mielleux, il était moins puissant que lorsqu’on respectait sa doxa entre rock traditionnel et americana, sur icelui registre où je préfère de loin son grand ami Eddy Mitchell.
La carrière de Johnny Hallyday se découpe en tranches :
- Il a passé ses années 1960 à reprendre comme tous ses petits copains du rock anglo-saxon.
- Il a montré ses travers dans les années 1970, à savoir, s’il n’était pas entouré par des gens compétents (comme ici Lucien Thébaut et Jean Renard), ça pouvait être du grand n’importe quoi.
- Il a eu un gros retour de flammes dans les années 1980, notamment grâce à Jean-Jacques Goldman et surtout à Michel Berger. C’est cette période qui a davantage fixée l’imagerie qui l’entoure dans ces dernières années (coupe mulet, loup qui hurle, délire autour des Indiens d’Amérique, etc.)
- Déifié par ces années 1980, ce fut soudain un honneur ultime de composer pour lui. C’est ainsi qu’on lui fit chanter du grand n’importe quoi (merci Pascal Obispo).
Bref, durant les 57 ans qu’ont duré sa carrière, Johnny Hallyday a été la seule véritable star américaine, capable de remplir des stades 15 soirs de suite, divorçant pour un oui ou un non, vivant les excès dus à son rang. On va en chier par les oreilles pire qu’à la mort de Mickael Jackson ou de François Mitterrand, mais en même temps, ce n’est pas tous les jours qu’un artiste francophone arrive à un tel niveau de notoriété.
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Pour compléter cette nécrologie, je vais suivre le conseil que mon cher Mad Dog m’a filé sur Twitter :
Fait la necro d’artistes qui aurait mérité d’être plus connu que lui.
— Mad Dog (@Mad_Chien) 6 décembre 2017
Alors j’ai demandé à mes contacts quels sont les chanteurs francophones morts qui auraient dû avoir la carrière et recevoir les honneurs de Johnny Hallyday. Voici donc les nécrologies de quatre hommes dont on aurait dû légitimement reconnaître le talent et faire des obsèques nationales.
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Bernard Minet
Batteur de Charles Aznavour et de Richard Clayderman, premier prix du Conservatoire nationale en batterie en 1974, idole de tous les enfants entre 1987 et 1997, amuseur public avec les Musclés, mais aussi gros pasticheur de Jean-Michel Jarre et Vangelis aux œuvres desquels il consacra pas moins de 73 compilations chacun, Bernard Wantier de son vrai patronyme était un artiste au talent multiple. La fin du Club Dorothée consacra la fin de sa vie médiatique, bien que les multiples conventions de geeks qui pullulent depuis cinq consacrent une large place à son souvenir.
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Bernard Ménez
Acteur talentueux s’étant illustré à la Comédie Française et dans des films mémorables comme dans La nuit américaine de François Truffaut. Dracula Père et Fils avec Christopher Lee, il se lança dans la chanson en 1984 avec un succès inégalé jusqu’à présent, provoquant même une émeute lors de son passage à Saint-Pol de Léon. Grisé par ses scores électoraux, cet homme de sensibilité centre-gauche aimait la vie et le Beaujolais nouveau.
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Hervé Vilard
Tel Johnny, Hervé Vilard est né dans la rue et s’est forgé ainsi sa mythologie. Enfant de la DDASS, il mène sa vie à 15 ans à Pigalle avant de se faire connaître dans ses jeunes années avec Capri, c’est fini. Dans les années 1970 et 1980, il se fit davantage connaître pour adapter en français l’œuvre de Toto Cotugno. Homme de convictions, il fut le premier artiste ouvertement homosexuel, après sa déclaration en 1967. Et pour ceux qui ne croient pas en sa mort, une petite fille ne peut pas avoir tort…
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Corbier
Trublion de la télévision française et chansonnier à peine vulgaire durant les années 1980 et 1990, Alain Roux de son vrai patronyme vit sa carrière propulser dans les années 1960 par le double coup de pouce de Georges Brassens, puis de Jean-Pierre Elkabbach qui le fit rentrer à France Inter en 1971. Mais c’est seulement en 1970, après sa rencontre avec Jean-Louis Foulquier, qu’il se consacra à une activité de chansonnier dans les théâtres parisiens jusqu’en 1987. Jacqueline Joubert le repère en 1982 et l’intègre dans la bande de Dorothée qui présentait à l’époque Récré A2. Là aussi, la fin du Club Dorothée marqua le glas médiatique de cet artiste qui, à l’instar de Bernard Minet, hante encore les esprits des trentenaires nostalgiques.
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Si tout le monde a quelque chose en lui de Tennessee, tous les artistes, flamboyants ou anonymes, ont quelque chose en eux de Johnny.