La Villa, de Robert Guédiguian (2)

On se fait signe, depuis le balcon jusqu’à la grille d’entrée, jusqu’à la mer. C’est incroyable ce qu’on se fait signe. Une société construite ainsi, faite de proximité, de reconnaissance. Quand Angèle revient, elle dit que c’est pour le partage et qu’elle ne veut pas la part supérieure qu’a prévue de lui léguer son père. Partager en trois parts égales. Faudra-t-il vendre ? Abandonner les engagements du père et notamment le restaurant pas cher pour ceux qui ont de faibles revenus. Les années ont passé. A-t-on su préserver les valeurs de solidarité ? La génération suivante, celle qui vit à la ville, voire en Angleterre, s’en éloigne, au profit de revenus élevés, travaillant pour des firmes internationales (via internet) ou dans l’industrie pharmaceutique. Le père (Fred Ulysse), qui dit « Tant pis » au début du film en prenant une cigarette, n’y reconnaîtrait pas ses valeurs. D’ailleurs c’est le coeur de ce film : le monde a tellement changé, le libéralisme a pris tellement de place qu’en trois générations le fossé s’est creusé et que rien ne semble pouvoir combler cet abîme. Chaque membre de la fratrie, à sa façon, essaie pourtant de maintenir quelque chose de ce qu’a voulu vivre le père. Mais à présent, il ne dit rien, on ne sait même pas s’il les reconnaît. Armand (Gérard Meylan) semble le plus proche, lui qui continue le restaurant et entretient les sentiers de douaniers. Joseph (Jean-Pierre Darroussin) apparaît comme le plus amer, professeur licencié avant la retraite, écrivain qui ne parvient pas à raconter le temps où il a voulu se faire ouvrier. Et Angèle (Ariane Ascaride) qui ayant fui un grand malheur qu’elle reproche à son père, est devenue une actrice très célèbre, et retrouve peu à peu un sens à cette relation avec ses frères et son père. Et ces trois-là, surpris d'être qualifiés de « bourgeois », sont côtoyés, traversés par d’autres qui font bouger leurs certitudes.

Photo trouvée sur le site de Fréquence Sud : Yann Tregouët, Gérard Meylan, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier.