Extraits de « Les Chansons de Clarisse » (1967-1968)
1
Constamment ça tricote
Quelque chose tricote
Près de moi, au-dessus de moi
Comme au-dessous de moi,
Tricote on ne sait quoi
On ne sait avec quoi,
Sauf que c’est avec moi
Sauf que la tricoteuse
Me manie dans ses doigts
On ne sait pas pourquoi
/
2
Je sais vous me direz
Que je parle du chant
Et que ce que je chante
Ce n’est que des chansons
Quelque chose, à coup sûr,
De moins haut que le chant.
Moi, je vous répondrai
Qu’on chante ce qu’on peut,
Que pour chacun le chant
Est cela qu’il se chante,
Qu’une simple chanson
Peut emmener très haut,
Que la moindre chanson
Peut guérir l’univers
Aux yeux de qui la chante,
Qui d’elle a fait son chant.
/
5
Je me dis que le rossignol
Est sans pitié.
Il ne chante pas la pitié,
Ni par pitié.
Il se chante, il s’enchante,
Il s’habitue au monde
Pendant le temps qu’il a
Pour vivre et pour chanter.
Il chante, il mange, il dort.
Pense qu’il a mangé, chanté,
Qu’il va dormir,
Chanter encore.
Vous admettez
Le rossignol.
(…)
Guillevic, Ouvrir, poèmes et proses, 1929-1996, édition établie et préfacée par Lucie Albertini-Guillevic, postface de Monique Chefdor. 352 p., 25€. Pp. 133, 134 et 137. En librairie le 7 décembre.
Texte de Guillevic d’après Elsa Triolet publié en 1968 sur jaquette du disque 33 tours Polydor 48902GU, avec, en exergue, un commentaire manuscrit d’Elsa Triolet. Poèmes chantés par Jeanne Moreau. Musique de Philippe-Gérard.
Guillevic dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4, Mots et images de Guillevic (parution), extraits 5, Relier (note de lecture de T. Hordé), extraits 6, article adhérer à une absence (Saténik Bagdassarova), notes sur la poésie, ext. 7, ext. 8, ext 8, ext.9, ext. 10