Pietro Paladini a l’impression que tout le monde le fuit. En
particulier sa fille qui, dans Chaos
calme, lui servait de prétexte pour ne rien faire en l’attendant toute la
journée devant son école. On le retrouve avec Terres rares plus inquiet que jamais. On le serait à moins, après
la « journée inhumaine » qu’il passe dans la première partie du
roman.
Il a changé de profession et a quitté l’audiovisuel pour
monter avec un partenaire une société de récupération de véhicules vendus en
leasing dont les mensualités ne sont plus payées. Lello s’occupe surtout de la
récupération et Pietro, des ventes. Ce jour-là, après qu’une invasion
d’écrevisses tueuses de Louisiane a été signalée dans le quartier – alors que
Pietro a vu s’ouvrir la portière du fourgon réfrigéré d’où elles sont tombées
sur la route –, il a vendu, sans enthousiasme, une Jeep Cherokee de luxe à un
garde suisse du Vatican. Ou présumé tel. Pietro a tout fait pour le décourager,
sachant que ce véhicule n’était pas pour lui mais il craque devant l’acompte de
cinq mille euros en beaux billets, trop beaux, de 500.
Ensuite, tout s’accélère et cela sent la pente glissante.
Une récupération de voiture dont Lello lui a demandé, par exception, de se charger,
le met face à deux bombes – la bagnole et sa conductrice. C’est au moins une de
trop, Pietro succombe à la beauté et au whisky, se fait rouler dans la farine,
oublie son téléphone portable chez la dame qu’il poursuit, se fait arrêter par
la police en état d’ivresse…
C’est déjà beaucoup, ce n’est pas fini. Suite à une
perquisition dans les bureaux, au cours de laquelle ordinateurs et dossiers ont
été saisis, Pietro découvre que son associé participe, avec des Roumains, à un
réseau de revente de voitures volées. Lello a disparu, conseille à Pietro de
faire de même, la panique n’est pas loin.
Entraîné dans une cavale, Pietro renoue malgré lui avec son
passé : Carlo, son frère, qui s’est enfui d’Italie et extrait des terres
rares en Uruguay, la mort des parents et les singularités de leurs inhumations,
la fortune, ou ce qui y ressemble, planquée en Suisse et qui serait la
bienvenue pour un homme traqué.
Le jeu de piste dont il est le héros malgré lui se double,
pour le lecteur, d’indices littéraires posés comme les cailloux d’une piste au
début de chaque chapitre. On retiendra en particulier la citation de Javier
Marías qui ouvre la série et qu’il serait bon de garder à l’esprit pendant tout
le livre : « Le monde dépend de
ses narrateurs, mais aussi de ceux qui écoutent l’histoire et la conditionnent
parfois. »
Sandro Veronesi prend, semble-t-il, un immense
plaisir à monter un roman d’aventures qui pourrait être un thriller mais s’en
démarque résolument par la minceur de l’enjeu réel. On ne fera pas tomber de
régime, corrompu ou non, la révolution n’est pas en marche, qu’il faudrait
arrêter ou encourager, les bons et les méchants ne se font pas flinguer à
chaque coin de rue. En revanche, Pietro a quelques comptes à régler avec
lui-même et sa famille, voici une occasion agitée de le faire.