Tous les jeudis à 21 h 30
Ecrit et interprété par Noémie de Lattre
Présentation : Noémie de Lattre a des faux seins. Elle danse, change souvent de couleur de cheveux et écrit des lettres d’insultes aux gros cons des rues. Elle parle des hommes et des femmes, aux hommes et aux femmes ; elle parle de sexe, de carrière, de famille, de publicité et de quotidien. Elle porte des robes fourreau, des talons de 12 et des décolletés plongeants. Et pourtant, elle est féministe !Elle, pour qui ce mot était synonyme de vieilles filles aigries à aisselles velues, va vous raconter comment elle en est arrivée là et comment ça va vous arriver à vous aussi…
Mon avis : Titré « Féministe pour homme », le nouveau seule en scène de Noémie de Lattre est un véritable manifeste (définition : « Déclaration publique par laquelle une personne expose un programme d’action ou une position, le plus souvent politique ou esthétique »). « programme d’action », « position », « politique » (dans le sens sociétal du terme) et « esthétique », ces quatre mots résument parfaitement ce spectacle. Il faut néanmoins préciser qu’il s’agit d’un manifeste festif car on y rit pratiquement tout le temps…
Lorsque nous pénétrons dans la salle située en proue de la péniche sur laquelle elle se produit, Noémie de Lattre est déjà sur scène… et sur Seine, évidemment. Vêtue d’une seule serviette de bain, elle s’apprête. Tout en se maquillant, elle nous accueille et devise avec nous, offre des bonbons et des « graines », papote… Ce n’est qu’après qu’elle ait effectué un très, très sensuel striptease à l’envers que le spectacle commence.
Tout de go, avec le franc-parler qui la caractérise, elle se proclame « féministe ». Et elle entreprend de nous expliquer comment et pourquoi. Tout en prenant garde de bien préciser qu’elle est « féministe, mais pas que »… Pas une seconde elle est dans la caricature. Et, surtout, elle ne se comporte pas comme une féministhérique, bien au contraire, car le moindre de ses propos est argumenté, étayé, illustré… Je crois que c’est ce que j’ai entendu de plus exhaustif sur la question. Noémie ne se ménage pas. Après avoir fait sa lascive, elle balaie large, époussette dans les coins, récure jusqu’à l’os, gratte où ça fait mal, passe et repasse sur les idées reçues et les stéréotypes (et ça ne fait pas un pli). Quelle corvée pour les éventuels machos et/ou misogynes qui se seraient aventurés innocemment dans la salle entraînés par une compagne ô combien maligne, voire perverse !
Pratiquant à profusion l’autodérision – elle parle beaucoup d’elle-même et ne se fait pas de cadeaux - Noémie de Lattre paie de sa personne avec une débauche d’énergie communicative. Qu’est-ce qu’elle bouge bien ! Elle nous sort des chorégraphies qui sont à la fois gracieuses, langoureuses et burlesques. C’est très agréable à voir. Ces virgules physiques sont là ou pour servir de transition ou pour aider à faire passer des propos qui peuvent heurter la gent masculine. Noémie n’exclut rien : la chirurgie esthétique, les inégalités hommes-femmes, le sexisme ordinaire, la Journée du Droit des Femmes, la femme dans l’univers du rap, l’exploitation de la femme dans la pub, l’ignorance du plaisir féminin avec, pour corollaire, avoir la jouissance de sa jouissance… Elle ne recule devant rien pour faire passer son message. Bref, c’est la quadrature du sexe. Et comme elle y va franco de porc (#), c’est même parfois du cash sexe.Elle va jusqu’à nous donner, avec exemple concret à l’appui, une leçon d’anatomie et à se servir de plumes pour se mettre à poil. Plutôt gonflée la suffragette !Noémie de Lattre est une super comédienne, elle occupe la scène avec une incroyable générosité mais c’est aussi une remarquable auteure. Ses mots sont précis, bien formulés, crus quand il le faut, son vocabulaire est riche, imagé, ses assertions sont hyper documentées. Elle se livre à une véritable master class. Son spectacle est intelligent, profond, et donne à réfléchir.Enfin, si on passe 80% du spectacle à rire, à beaucoup rire, Noémie nous s’offre et nous offre deux parenthèses où le sérieux du sujet ne peut pas se prêter ne serait-ce qu’au sourire ou à la gaudriole : les difficultés d’être une femme au quotidien et une aussi effrayante qu’émouvante litanie de « Il ne faut pas que j’oublie… » que je vous laisse découvrir, écouter et digérer.En conclusion, si j’ai tout bien compris le spectacle, entre la princesse et la pute, il y a tout de même de quoi trouver sa place. Même si ce n’est pas du goût des « putophages » ; et même si c’est loin d’être gagné. Courage et Respect, mesdames…En prêchant un convaincu, Noémie de Lattre a fini de me conforter dans mes sentiments. Je ne vais pas me gêner pour claironner, en osant tirer l'affaire au Clerc : "Femmes, je vous aime !"...Gilbert « Critikator » Jouin