Dans une chronique publiée ce 1er juillet, Les Echos ont exposé les trois grandes cartes qu’Olivier Besancenot peut tenter de jouer .
- La carte personnelle fondée sur son personnage de jeune facteur séduisant et plein de bagout.
- La carte de la ligne politique essentiellement protestataire favorisée par une situation économique et sociale mauvaise.
- Et enfin, une carte qui dépendrait de la position du PS sur l’échiquier politique, notamment de son ralliement à la doctrine social-démocrate. Selon l’analyse publiée dans Les Echos, ce ralliement permettrait éventuellement de reproduire en France la situation que la SPD a connue en Allemagne, à savoir l’émergence d’un nouveau parti à sa gauche, Die Linke, qui a connu récemment quelques succès électoraux outre-Rhin.
C’est cette troisième carte qui nous intéresse plus particulièrement ici, dans la mesure où elle met directement en cause le PS. Des trois cartes abattues, c’est finalement la seule sur laquelle le PS a, en principe, une prise possible. Il faut donc y revenir car le scénario à l’allemande est un faux argument que nos amis de la pseudo gauche – celle qui passe son temps à gueuler mais qui se défile systématiquement dès lors qu’il s’agit de passer à l’action – et ses complices à l’intérieur du PS (Mélenchon notamment) vont nous resservir jusqu’à la nausée.
Mais avant de revenir sur le scénario à l’allemande, quelques mots sur le ralliement du PS à la social-démocratie. Que l’on prononce le mot clairement ou qu’il se devine (aisément) dans les pratiques politiques du PS importe peu. Celui-ci était de toute manière acquis depuis le tournant de la rigueur en 1983. A cette époque, confronté à la situation désastreuse laissée par Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre (plus de 15% d’inflation), le PS avait dû en effet faire son deuil d’un certain nombre de considérations idéologiques (rupture avec l’économie de marché – le capitalisme n’étant que sa forme idéologisée – , retour à la logique des grands équilibres budgétaires, rupture avec la politique étrangère gaullienne, en Afrique notamment, etc.). Le deuil d’une rupture plus nette avec le système politico-économique qu’il dénonçait dans les années 70 a été, pour résumer rapidement, une des leçons qu’il a apprises de l’exercice du pouvoir.
En effet, si l’idéologie est une chose, la réalité en est une autre. L’idéologie sans le pragmatisme politique est une ratiocination. Le pragmatisme politique sans l’idéologie n’est qu’une course sans âme dont le seul objectif est l’exercice du pouvoir. L’alliance nécessaire et féconde des deux a naturellement conduit le PS à opérer cette mutation dont il a finalement pris acte, 25 ans après, dans sa nouvelle déclaration de principes.
Bien entendu, cela ne l’exonère d’un certain nombre d’erreurs. Mais qui n’a véritablement jamais commis d’erreurs, mis à part ceux qui passent leur temps à s’ériger juges ou tuteurs des actions des autres parce qu’ils n’ont pas eux-mêmes le courage d’assumer des responsabilités politiques pour susciter le changement (ce qui est le cas de l’extrême «gauche») ? Personne naturellement. Cependant, cet aggiornamento nécessaire ne doit pas non plus virer à la culpabilisation à outrance. L’extrême « gauche », alliée objective de la droite, s’y emploie suffisamment pour que les socialistes n’en ajoutent pas. Le PS, lui au moins, a un bilan, et il n’a pas à en rougir. Celui-ci est globalement satisfaisant. Il ne peut même pas le comparer à celui des gauchistes puisque ces derniers n’en ont pas.
Une comparaison en appelle une autre. Venons-en maintenant à celle qui consiste à mettre en parallèle la situation de la SPD avec celle du PS. Celle-ci ne tient pas, à notre avis, pour deux raisons principales:
D’une part, l’Allemagne est une République fédérale et il n’y a pas forcément de corrélations entre la majorité fédérale et les majorités au sein de chaque entité fédérée (les entités fédérées se nomment Länder). Etant donné les compétences régionales, les scrutins régionaux ne reflètent pas nécessairement les scrutins fédéraux et réciproquement d’ailleurs. Autrement dit, un parti qui est membre d’une coalition nationale majoritaire peut faire partie de l’opposition au niveau régional. On retrouve cette discordance en Belgique de façon encore plus prononcée.
D’autre part, l’Allemagne est un pays réunifié depuis le 3 octobre 1989. Ce paramètre est fondamental. L’annexion de la RDA a eu d’importantes répercussions économiques, sociales et politiques. Elle a obligé la gauche allemande à absorber une partie de la « gauche de l’est » - du moins celle qui a rompu avec la SED (l’ancien PC de RDA), retransformée en PDS (avec l’ancien communiste Gregor Gysi) - et à se confronter à un discours traditionnellement plus radical (fondé en large partie sur les dures conditions économiques). La SPD, inévitablement, a été confrontée à une surenchère programmatique à laquelle se sont livrés ses éléments les plus intransigeants et les plus radicaux (Oskar Lafontaine, qui d’ailleurs n’a jamais pu devenir Chancelier, précisément à cause de ses postures idéologiques).
Finalement, qui se ressemble s’assemble. L’aile gauche de la SPD a fusionné avec la PDS pour fonder, en 2005, Die Linke. Cette dernière a une forte base protestataire qui véhicule toutes les illusions d’un socialisme doctrinaire. Cependant, contrairement à ce que l’on a pu écrire à ce sujet, Die Linke a une vertu par rapport à l’extrême gauche française. Cette formation sait assumer des responsabilités et collaborer avec les sociaux-démocrates. Dans le Land de Mecklenburg-Vorpommern par exemple, le ministre président SPD, le camarade Harald Ringstorff, a dirigé, de 1998 à 2006, une majorité régionale SPD-PDS (Die Linke à partir de 2005), préférant, suite aux élections régionales de septembre 2006, une alliance avec la CDU (objectif : permettre à la Grande Coalition « CDU-CSU-SPD » de la Chancelière Merkel d’obtenir les 2/3 des suffrages au Bundesrat – le parlement des Länder – et donc un parallélisme avec la majorité des 2/3 déjà détenue au Bundestag - la chambre des députés -).
En France, sans parler des majorités de coalition (qui ne font plus partie des pratiques politiques depuis la fin de IVème République et qui sont donc difficilement compréhensibles des citoyens Français), on connaît déjà la fin de non recevoir de Besancenot à une éventuelle alliance. Ce qui démontre, une fois de plus, que le Nouveau Parti Anticapitaliste, toujours actuellement en gestation, n’est rien d’autre qu’une machine à perdre et une belle arnaque politique.
Faut-il donc redouter l’émergence d’une gauche protestataire ?
- Non, à la condition toutefois que cette extrême gauche ne s’obstine pas à se penser comme la seule vraie gauche et à passer plus de temps à casser du sucre sur le PS que sur la droite (c’est pourquoi le politburo de Lozère Socialiste aime - car ça l’excite - la qualifier de « pseudo gauche », parce qu’elle fait objectivement le jeu de la vraie droite). Le PS l’a officiellement rappelé lundi 30 juin lors de son point presse : « Nous disons aux promoteurs de cette initiative [du Nouveau Parti Anticapitaliste] que personne n’est de trop dans l’opposition à la politique menée par Nicolas Sarkozy, mais la gauche a une responsabilité qui ne se limite pas à l’opposition ».
- Oui, si l’émergence de cette gauche protestataire, prive les Français de toute possibilité d’alternance politique et réduit le PS à l’état de parti d’opposition. On aura beau tourner le problème dans tous les sens, le seul vote utile pour que la gauche – celle qui protège et agit – puisse inverser la politique catastrophique de Sarkozy et de Fillon, c’est celui en faveur du PS.
La gauche protestataire a fait le choix de tourner le dos à la complémentarité. Elle a érigé l’anathème et le rejet du « social traître » ou du « socialiste », en paradigme politique. Son maximalisme, son esprit doctrinaire, de même que son inexpérience de la gestion des affaires publiques, la rendent inapte à la moindre remise en cause.
Elle ne peut donc pas être considérée comme un partenaire fiable et loyal. D’ailleurs pour que l’on aille jusqu’à se poser des questions sur sa fiabilité et sa loyauté, il faudrait d’abord qu’elle soit un partenaire potentiel…